Droit Aerien

ULM/Jurisprudence ULM

ULM dépourvu de documentation (interdiction de voler et exclusion de garantie) – CA Montpellier, 1° ch. sect. b, 15 juin 2010, n° 08-08678

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Un ULM n’a pas à être pourvu d’un certificat de navigabilité mais il doit toutefois, pour avoir le droit de voler, être muni d’une carte d’identification délivrée par l’autorité administrative. Cette carte, qui s’assimile au « laissez passer officiel » mentionné dans la police d'assurance, permet à l'assureur d'opposer à son assuré l’exclusion de garantie puisque l'absence de cette carte ne permet pas à un ULM de voler.

 

Texte intégral

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1° Chambre Section B

ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2010

Numéro d’inscription au répertoire général : 08/08678

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 DECEMBRE 2008

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE A

N° RG 04/1118

APPELANTE :

Madame E Z, agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentante légale de son fils G Y né le XXX à A

née le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

représentée par Me C ROUQUETTE, avoué à la Cour

assistée de Me Corine SERFATI- CHETRIT, avocat au barreau de A

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2009/001637 du 10/02/2009 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMES :

SA B IARD, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège sis

XXX

XXX

représentée par la SCP TOUZERY – COTTALORDA, avoués à la Cour

SARL AERO SERVICES LITTORAL, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité au siège social sis

XXX

XXX

représentée par la SCP AUCHE-HEDOU, AUCHE, AUCHE, avoués à la Cour

assistée de Me Jean VILLACEQUE, avocat au barreau de A

Monsieur C X

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

représenté par la SCP AUCHE-HEDOU, AUCHE, AUCHE, avoués à la Cour

assisté de Me Jean VILLACEQUE, avocat au barreau de A

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 10 Décembre 2009

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 15 JUIN 2010, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Guy DESAINT-DENIS, Président, et Monsieur Claude ANDRIEUX,Conseiller,chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Guy DESAINT-DENIS, Président

Monsieur Claude ANDRIEUX, Conseiller

Madame I J, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame I RUBINI

L’affaire mise en délibéré au 21 septembre 2010 a été prorogée au 28 septembre 2010.

ARRET :

— CONTRADICTOIRE.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile ;

— signé par Monsieur Guy DESAINT-DENIS, Président, et par Madame I RUBINI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement rendu le 2 décembre 2008 par le tribunal de grande instance de A, qui a rejeté les demandes de E Z, agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de représentante légale de son fils G Y, le tribunal

ayant considéré que les propriétaires d’ULM, bien que non soumis légalement à l’obligation d’avoir un certificat de navigabilité, devaient détenir une carte d’identification délivrée au vu de la fiche d’identification délivrée au constructeur, sous réserve de la démonstration de la conformité aux normes et de l’aptitude au vol, que cette carte d’identification était expirée depuis le 10 mai 2002, ce qui justifiait l’exclusion, que la responsabilité de Monsieur X ne pouvait être retenue, l’erreur ayant été commise en sa qualité de gérant, que Monsieur Y instructeur ne pouvait ignorer l’exigence du document permettant la navigation de l’aéronef, que sa faute était à elle seule à l’origine du défaut de garantie,

Vu l’appel interjeté par Madame E Z le 9 décembre 2008,

Vu les dernières conclusions notifiées par Madame E Z le 8 avril 2009, qui demande à titre principal de condamner la société B France au paiement de la somme de 15 150 euros en application du contrat d’assurance souscrit par Monsieur Y à son profit, à titre subsidiaire de juger que le seul responsable de l’absence de renouvellement de la carte d’identification est Monsieur X et la société AERO SERVICES LITTORAL, ces fautes exclusives ne lui étant pas opposables au titre d’un défaut de garantie acquis, de juger la clause d’exclusion abusive, à titre plus subsidiaire de condamner ces derniers au paiement de cette somme,

Aux motifs que :

— l’exclusion vise le certificat de navigabilité et non la carte d’identification,

— Monsieur X a reconnu son erreur, ce qui engage sa responsabilité et celle de la société, Monsieur Y n’ayant aucune obligation relative à la vérification du document,

— On ne pouvait reconnaître le délit compte tenu des circonstances du vol,

— Le bénéficiaire de la garantie n’a aucune maîtrise sur les documents de vol,

— Les fautes sont personnelles,

Vu les dernières conclusions notifiées le 27 mai 2009 par la SA B IARD qui sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de Madame Z à lui payer la somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, aux motifs que :

— la garantie est exclue lorsque le certificat de navigabilité

( ou tout laissez passer officiel ) est périmé, ce qui était le cas en l’espèce, les délits ayant été constatés, cette exclusion, lisible et limitée, étant sans rapport avec les conditions météo,

— il appartenait à Monsieur Y pilote et instructeur de s’assurer de la validité de la carte d’identification de l’ULM, cette obligation étant commune à tout pilote, et il avait eu le temps de la faire,

— la faute inexcusable de l’employeur est étrangère à l’application de la garantie,

— le jugement de la cour d’appel confirmant une décision du TASS a relevé la façon médiocre dont M. X gérait son entreprise,

— Madame Z n’est pas un tiers victime mais la bénéficiaire du contrat qui peut se voir opposer les exceptions opposables au souscripteur,

— il s’agit d’une assurance individuelle et non d’une assurance RCAA,

— l’attestation DESCHAMPS est sans fondement,

— si elle était condamnée il conviendrait de faire droit à sa demande de garantie en condamnant Monsieur X et la société AERO SERVICES LITTORAL à la garantir,

— la responsabilité de Monsieur X est engagée à titre personnel pour avoir laissé voler un ULM sans carte et avoir demandé une carte pour un appareil détruit,

— il y a de toute manière une responsabilité de la société,

— il n’y a pas d’exemption de certificat de navigabilité,

— la société et son gérant reproche au pilote une infraction qu’ils ont eux-mêmes commise,

Vu les dernières conclusions notifiées le 2 décembre 2009 par la SARL AERO SERVICES LITTORAL ( la SARL ) et C X qui concluent à la confirmation du jugement et sollicitent la condamnation de l’appelante à leur payer respectivement les sommes de 3 000 et 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

Soutenant que :

— Monsieur X a agi en sa qualité de gérant sans que puisse lui être reproché une faute détachable de sa fonction,

— l’exclusion de garantie ne concerne que le certificat de navigabilité et non la carte d’identification seul document obligatoire pour un ULM,

— l’obtention de ce document se fait sur la seule déclaration d’aptitude au vol faite par le propriétaire, ce qui explique d’ailleurs qu’il ait pu être obtenu pour un appareil inexistant,

— le délit ne vise pas la péremption du certificat d’identification,le pilote également instructeur devait vérifier la conformité à la réglementation, lui seul avait le pouvoir de décoller et il a commis des fautes de pilotage : correction insuffisante de l’assiette et utilisation d’un dispositif improvisé sur l’aéronef,

SUR CE :

Il est constant que William Y a été victime d’un accident mortel d’ULM le 7 août 2002 sur la base de TORREILLES et que la compagnie B a refusé de verser à Madame E Z, désignée comme la bénéficiaire du contrat d’assurances individuelle accident qu’il avait souscrit, le montant du capital décès prévu au contrat, en se prévalant d’une exclusion de garantie relative à l’absence de la carte d’identification de l’appareil.

L’article 6 des conditions générales du contrat d’assurance individuelle stipule que l’aéronef doit être apte au vol conformément aux prescriptions techniques réglementaires et pourvu d’un certificat de navigabilité ( ou d’un laissez passer officiel ) valide et non périmé et que, dans le cas contraire, la garantie n’est pas engagée, même si cette infraction n’est pas la cause de l’accident.

Il est acquis aux débats qu’un ULM n’a pas à être pourvu d’un certificat de navigabilité. Il reste toutefois qu’il doit, pour avoir le droit de voler, être muni d’une carte d’identification délivrée par l’autorité administrative. Cette carte s’assimile au « laissez passer officiel » mentionné dans l’exclusion de garantie par B, puisque son absence ne permet pas à un ULM de voler.

Or il n’est pas contesté que l’ULM, piloté par Monsieur Y lors de son accident, n’était pas pourvu de sa carte d’identification et il ne pouvait pas l’être puisque Monsieur X, gérant de la société propriétaire de l’aéronef, a reconnu avoir opéré une confusion en demandant le renouvellement de la carte d’un autre appareil, alors que celui-ci avait été détruit, et non de l’ULM utilisé, dont la carte d’identification était expirée depuis le 10 mai 2002, alors qu’elle avait été régulièrement renouvelée

depuis 1994. Il est donc également acquis qu’aucune demande de renouvellement n’était en cours, ce qui aurait permis de ne pas appliquer l’exclusion de garantie.

La société B, qui peut opposer à E Z qui est la bénéficiaire et non un tiers au contrat, les exceptions qu’elle pouvait opposer au souscripteur, est donc fondée à refuser sa garantie.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

L’appelante conclut la responsabilité personnelle de Monsieur X.

Or c’est en sa qualité de gérant de la société AERO SERVICE LITTORAL, que ce dernier a omis de demander le renouvellement de la carte d’identification sans que cette omission puisse être considérée comme détachable de sa fonction, ce qui ne permet pas de retenir la faute personnelle du gérant.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de ce chef.

Madame Z conclut également à la responsabilité de la société.

Il est incontestable que la SARL AERO SERVICE LITTORAL avait l’obligation de renouveler la carte d’identification de l’appareil et qu’en ne le faisant pas elle a commis une faute en lien de causalité directe avec l’exclusion de la garantie de l’assureur. De ce fait elle a concouru à l’entier dommage subi par E Z consistant à l’impossibilité pour elle de toucher le capital décès prévu au contrat, soit 16 000 euros.

Toutefois force est de constater que Monsieur Y, en sa qualité de pilote de l’ULM et d’instructeur, a commis une faute ayant concouru également à l’exclusion de garantie, dès lors qu’il ne pouvait ignorer la nécessité de la carte d’identification, ce qui aurait du l’amener à interroger son employeur et à éviter l’absence de renouvellement, ou pour le moins le dépôt d’une demande en ce sens.

Ce n’est que le cumul des fautes respectives qui a engendré l’exclusion de garantie. En effet la faute de Monsieur Y n’aurait pas à elle seule provoqué l’absence de paiement de l’assureur, si l’employeur avait rempli son obligation administrative.

En conséquence il y a lieu de prononcer un égal partage de responsabilité et de condamner la SARL AERO SERVICE LITTORAL à payer à Madame E Z la somme de

8 000 euros à titre d’indemnisation de son préjudice résultant du refus par l’assureur du versement du capital décès de 16 000 euros.

L’équité et la situation économique des parties ne commandent pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame E Z et la SARL AERO SERVICES LITTORAL qui succombent chacune partiellement dans leurs demandes seront condamnées à supporter la moitié des dépens.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant publiquement,

EN LA FORME :

Déclare l’appel recevable,

AU FOND :

Confirme la décision en ce qu’elle rejeté les demandes de E Z à l’encontre de SA B et de C X,

La réformant pour le surplus,

Condamne la SARL AERO SERVICES LITTORAL à payer à E Z la somme de 8 000 euros au titre de l’indemnisation du préjudice résultant de l’application de l’exclusion de garantie par la SA B,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Fait masse des dépens de première instance et d’appel et condamne Madame E Z et la SARL AERO SERVICES LITTORAL à leur paiement à hauteur de la moitié chacune dont, pour ceux d’appel, distraction des avoués de la cause, par application combinée de l’article 699 du code de procédure civile et des textes relatifs à l’aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

CA/MR