Droit Aerien

Assurance

Subrogation légale et conventionnelle (conditions non remplies) – CA Paris, pole 4 ch. 8, 30 aout 2023, n° 23-00318

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D'une part, l'assureur qui ne parvient pas à établir qu'il a versé une indemnité en exécution du contrat d'assurance n'est pas recevable à agir en application de la subrogation légale prévue à l'article L.121-12 du code des assurances. D'autre part, la seconde condition de la subrogation conventionnelle, prévue à l'article 1346-1 du code civil, (selon laquelle le créancier consent à la subrogation en même temps que le paiement), n'est pas remplie lorsque la quittance subrogatoire intervient plus d'un an après le dernier paiement, la subrogation n'étant ainsi ni concomitante, ni antérieure au paiement.

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRÊT DU 30 AOÛT 2023

(n° 2023/ 135 , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00318 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CG37B

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Novembre 2022 -Juge de la mise en état de Sens RG n° 20/00483

APPELANTE

S.A. ENEDIS, agissant poursuites et diligences de son Président du directoire domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro : : 444 60 8 4 42

Représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU – CICUREL – MEYNARD – GAUTHIER – MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240, plaidant par Me Frédéric VACHERON, SCP RIVA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS

Monsieur [V] [N]

[Adresse 1],

[Adresse 1]

né le 17 Octobre 1984 à [Localité 4]

S.A. BPCE ASSURANCES IARD, prise en la personne de son Directeur général y domicilié en cette qualité

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 350 66 3 8 60

Représentés par Me Patricia NOGARET de la SCP REVEST-LEQUIN-NOGARET-DE METZ-CROCI-RLNDC, avocat au barreau d’AUXERRE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 Avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre

M. Julien SENEL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Laurence FAIVRE, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET

ARRÊT : Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par, Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 28 octobre 2018, des vents violents ont entraîné la chute d’un poteau électrique appartenant à ENEDIS et ont provoqué une surtension sur le réseau électrique entraînant divers dommages sur des appareils domestiques appartenant à M. [N].

La BPCE en qualité d’assureur de M.[N] a mandaté un expert amiable qui a évalué les désordres à la somme de 15 818,42 euros en valeur neuf et à la somme de 13 517,69 euros vétusté déduite.

La BPCE se disant subrogée dans les droits de M.[N], a réclamé le paiement de la somme de 15 818,42 euros à ENEDIS par courrier du 25 janvier 2019.

ENEDIS s’est opposée au paiement.

PROCÉDURE

C’est dans ces circonstances que, faute d’accord entre les parties, M. [N] et la BPCE ont assigné, par acte du 19 juin 2020, ENEDIS devant le tribunal judiciaire de Sens.

Sur incident formé par ENEDIS, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Sens a, par ordonnance du 16 novembre 2022, notamment:

— REJETE la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la SA BPCE ASSURANCES invoquée par la SA ENEDIS ;

— DECLARE recevable l’action en paiement formée par M. [N] et la SA BPCE ASSURANCES ;

— DECLARE irrecevables les demandes de la SA ENEDIS tendant à examiner le bien-fondé de la demande en paiement fondée par Monsieur [N] et la SA BPCE ASSURANCES ;

— DIT que les dépens de l’incident suivront le sort des dépens du fond ;

— CONDAMNE la SA ENEDIS à verser à Monsieur [V] [N] et la SA BPCE ASSURANCES la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— DEBOUTE la SA ENEDIS de sa demande d’indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration électronique du 16 décembre 2022, enregistrée au greffe le 6 janvier 2023, ENEDIS a interjeté appel de cette ordonnance à l’encontre de la BPCE et de M. [N].

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 5 avril 2023, ENEDIS demande à la cour, au visa des articles 1346-1 du code civil et L. 121-12 du code des assurances, de :

— Réformer l’ordonnance attaquée ;

— Statuant à nouveau, rejeter les demandes formées contre ENEDIS comme étant irrecevables ;

— Statuant à nouveau, condamner BPCE ASSURANCES et M. [N] à payer 3 000 euros à ENEDIS par application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’instance.

Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 4 avril 2023, BPCE et M. [N], intimés, demandent à la cour, au visa des articles 1240 du code civil et L. 121-12 et suivants du code des assurances, de :

— Déclarer ENEDIS recevable mais non fondée en son appel,

— Confirmer l’ordonnance dont appel en toutes ses dispositions,

— Condamner ENEDIS à payer à M. [N] et BPCE ASSURANCES la somme de 2 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— La condamner aux entiers dépens d’instance.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens et de la procédure, il convient de se reporter aux dernières conclusions ci-dessus visées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur la recevabilité des demandes de la BPCE et de M.[N]

A l’appui de son appel, ENEDIS fait valoir que la BPCE n’est pas subrogée conventionnellement dans les droits de M.[N] car la quittance a été établie le 27 février 2020, soit postérieurement aux paiements intervenus en 2019. Elle estime que la BPCE ne peut pas non plus bénéficier de la subrogation légale prévue à l’article L. 121-12 du code des assurances dans la mesure où elle ne justifie pas que le paiement a été fait en application des garanties souscrites, aucune police d’assurance n’ayant été communiquée en première instance et le document communiqué en appel ne le démontrant pas non plus.

En réplique, la BPCE et M.[N] expliquent que l’intervention de la BPCE n’a jamais été remise en cause, peu important que les quittances subrogatoires aient été signées postérieurement au «’dépôt des fonds’». Ils estiment qu’ils justifient que l’indemnisation de l’assuré par l’assureur a été effectuée en application de la police d’assurance.

Sur ce,

1. Sur la subrogation légale

Il est constant que la subrogation prévue à l’article L. 121-12 du code des assurances suppose que soient remplies trois conditions:

l’assureur doit établir qu’il a versé l’indemnité d’assurance à son assuré en exécution de la police d’assurance et il doit agir contre l’auteur du dommage qui ne doit pas bénéficier d’une immunité de responsabilité.

Il appartient à l’assureur qui tend à se prévaloir de la subrogation légale, de produire la police d’assurance.

En l’espèce, il est relevé que ENEDIS ne conteste pas sa responsabilité et ne fait valoir aucune immunité.

Au vu des pièces communiquées par la BPCE :

— les conditions particulières de l’assurance multirisque habitation datée et signée par la BPCE le 14 mars 2023 mentionnant le numéro de contrat 004818261 et une date d’effet du 23 mars 2011 ; (pièce 8 ‘ la BPCE)

— les conditions générales intitulées Assurance Habitation résidence principale – résidence secondaire et datée de décembre 2010 ; (pièce 9 – la BPCE)

— le procès-verbal de l’expert amiable mandaté par la BPCE mentionne un numéro de police 800136260 ; (pièce 3 – la BPCE)

— la quittance subrogatoire signée par M. [N] le 27 février 2020 ne mentionne ni le numéro de contrat, ni le numéro de police ; (pièce 7 – la BPCE)

— des extraits de relevés bancaires au nom de M. et Mme [N] mentionnant des virements effectués par Ecureuil Assurance les 10 et 21 janvier et le 21 février 2019 ; (pièce 7- la BPCE)

La cour constate que ces documents ne permettent pas d’établir que la BPCE est subrogée en application de l’article L.121-12 susvisé dans les droits de M. [N]. En effet, le document communiqué au titre de la police d’assurance est postérieur aux paiements effectués par la BPCE, les références de la police d’assurance mentionnées par l’expert amiable ne correspondent pas au numéro de contrat communiqué par la BPCE et la quittance subrogatoire signée par M. [N] ne fait référence à aucun contrat.

Faute pour la BPCE d’établir qu’elle a versé à M. [N] une indemnité en exécution d’un contrat d’assurance, elle n’est pas recevable à agir en application de la subrogation légale prévue à l’article L.121-12 du code des assurances.

2. Sur la subrogation conventionnelle

Il est constant que la subrogation légale de l’assureur contre le tiers responsable n’exclut pas la mise en oeuvre de la subrogation conventionnelle.

En application de l’article 1346-1 du code civil, le débiteur doit démontrer, d’une part, qu’il a versé directement la somme au créancier et que ce dernier consent à la subrogation en même temps que le paiement.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la BPCE a directement versé la somme de 15 553,15 euros à M. [N], au moyen de paiements intervenus en 2019.

En revanche, la quittance étant intervenue plus d’un un an après le dernier paiement, il est constaté que la subrogation n’est ni concomitante, ni antérieure au paiement.

Dès lors, la cour considère que les conditions de la subrogation conventionnelle ne sont pas remplies.

Il en résulte que la BPCE n’est pas recevable à agir à l’égard de ENEDIS au titre de la subrogation conventionnelle.

En conséquence, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la BPCE et en ce qu’elle a déclaré recevable l’action en paiement formée par la BPCE et par M. [N].

II Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Parties perdantes, la BPCE et M. [N] seront condamnés

Pour le même motif il convient de faire droit à la demande formée par ENEDIS en application de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner la BPCE et M.[N] à payer à ENEDIS une somme que l’équité commande de fixer à 3 000 euros. L’ ordonnance déférée sera confirmée sur ce point.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition de la décision au greffe,

Infirme l’ ordonnance de mise en état déférée en ce qu’elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la BPCE et en ce qu’elle a déclaré recevable l’action en paiement formée par la BPCE et M.[N] ;

Statuant à nouveau,

Dit que la BPCE n’est pas recevable à agir à l’égard de ENEDIS au titre de la subrogation légale ;

Dit que la BPCE n’est pas recevable à agir à l’égard de ENEDIS au titre de la subrogation conventionnelle ;

Y ajoutant,

Condamne la BPCE et M.[N] aux dépens d’appel ;

Condamne la BPCE et M.[N] à payer à ENEDIS la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE