Droit Aerien

Aviation légère et sportive/Aéroclub

Responsabilité du pilote (étendue à celle de ses ayants droit) en cas de faute établie à son encontre – CA Aix-en-Provence, 6 février 1990

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Étant constaté que le transport de passager était à titre gratuit, que le pilote, non rémunéré à l'égard de l'aéro-club, était dépourvu de lien de subordination et que le pilote, gardien de l'appareil et maître de sa navigation, avait qualité de transporteur au sens de l'article L.322-3 du code de l'aviation civile, il pouvait, seul, engager sa responsabilité (ou celle de ses ayants droit), en cas de faute établie à son encontre.

 

[…]

Faits et procédure :

Le 4 août 1978, vers 16h45, un avion Morane MS880 de l’aéro-club Union Aéronautique de la Côte-d’Azur (UACA), s’est abîmé en mer, à proximité du viaduc Saint-Anthéon, commune de Saint-Raphaël.

Le pilote, M.X et ses deux passagers M.Y et M.Z, qui participaient à un vol d’initiation, ont été tués dans l’accident.

Statuant sur la demande en indemnisation présentée par les consorts Y contre l’UACA et son assureur, la société mutuelle d’assurances aériennes (SMAA), le TGI de Draguignan a estimé qu’il ne s’agissait pas en l’espèce, d’un transport onéreux effectué par un préposé de l’Aéro-club, et que, M.X avait seul la qualité de transporteur.

Le Tribunal a, en conséquence, débouté les demandeurs par un jugement du 23 janvier 1985.

Ces derniers ont fait appel le 8 mars 1985

Moyens des parties en appel : 

Les appelants font grief au premier juge d’avoir estimé que l’aéronef avait fait l’objet d’un transfert de garde de l’UACA à M.X, et soutiennent que le pilote a agi en qualité de préposé.

Subsidiairement, ils invoquent la qualité de locataire ou d’exploitant, du pilote, et le bénéfice de « l’article 38 du décret de 1955 » instaurant la responsabilité solidaire en cas de location de l’appareil du propriétaire et de l’exploitant ;

Ils font valoir également la convention de Rome, qui déclare que le propriétaire, inscrit au registre des immatriculations, est présumé être l’exploitant et, comme tel, responsable.

Ils soutiennent, enfin – que l’accident est dû à une faute de pilotage.

Ils concluent, en conséquence, à la réformation du jugement déféré, et à l’allocation d’une somme de 700 000 F à titre de dommages-intérêts, outre celle de 5000 F, sur le fondement de l’article 700 NCPC.

La société UACA et sa compagnie d’assurances concluent à la confirmation du jugement, faisant valoir, notamment :

– qu’aucun lien de subordination n’existait entre M.X et l’Aéro-club ;

– qu’aucun contrat de location n’avait été conclu entre eux ;

– que la convention de Rome, invoquée par les appelants, n’a pas été ratifiée par la France ;

– que les causes de l’accident, demeurées inconnues, ne permettent pas de rapporter la preuve d’une faute du pilote.

A titre subsidiaire, les intimés demandent à la Cour de minorer les prétentions des consorts Y.

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* *

Motifs de l’arrêt:
Attendu que la responsabilité du transporteur de personnes par air est régie par la convention de Varsovie du 17 octobre 1929, modifiée les 28 septembre 1955 et 18 sep­tembre 1961 ;
Attendu que l’article L 322-3 du code de l’aviation civile précise que, sauf stipu­lations conventionnelles contraires, cette responsabilité, s’agissant d’un transport gratuit, ne sera engagée que s’il est établi que le dommage a pour cause une faute imputable au transporteur ou à ses proposés ;
Attendu qu’en l’espèce, il résulte des procès-verbaux d’enquête et du rapport de l’expert, que le vol litigieux était effectué au prorata du temps passé, selon le tarif unique de l’UA A constitue une participation aux « frais d’exploitation » (préambule du règlement intérieur) et non un prix de transport véritable ;
Attendu que le premier juge en a justement déduit le caractère gratuit du transport, et l’absence de lien de subordination du pilote, non rémunéré à l’égard de l’aéro-club;
Attendu qu’il a également, à juste titre, constaté que M.X, gardien de l’appareil et maître de sa navigation, avait la qualité de transporteur au sens de l’article L 322-3 susvisé, et pouvait, seul, voir engager sa responsabilité (ou celle de ses ayants droit), en cas de faute établie à son encontre;
Attendu qu’en l’absence de mise en cause lesdits ayants droit il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur une éventuelle faute du pilote ;
Attendu que l’argument soutenu par les appelants, d’un contrat de location intervenu entre M.X et l’Aéro-Club entraînant, en fait, l’application de l’article L41-4 du Code de l’aviation civile, ne saurait être retenue;
Attendu, en effet, qu’il résulte du règlement intérieur de l’UACA que ses biens et, notamment les aéronefs, sont la « propriété collective des membres de l’association » qui en sont, par conséquent, individuellement responsables », ce qui exclut toute convention particulière entre l’association et l’un de ses membres;
Attendu enfin, que les consorts Y ne sauraient se prévaloir de la convention de Rome du 7 octobre 1952, cette dernière, non ratifiée par la France, ne figurait pas au Livre VI du Code de l’aviation civile;
Attendu qu’il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré;

Par ces motifs:
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement;

Reçoit l’appel régulier en la forme;

Au fond ledit injustifié;

Confirme le jugement déféré ;

Condamne les consorts Y aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Liberas Bu vat, avoués.