Droit Aerien

Aviation légère et sportive/Aéroclub

Responsabilité de l’aéroclub (non) – Cass. 1re civ., 20 mai 2010, n° 09-65.835

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Lorsqu'un aéroclub met un aéronef à la disposition des participants (pilotes brevetés pour la plupart) qui se sont succédés aux commandes et ne se sont acquittés d'aucune contrepartie en sus de la simple participation aux frais, il convient de retenir qu'aucun contrat de transport n'a été conclu. La mise de l'aéronef à disposition des participants s'analyse en un contrat de prêt ayant pour effet d'en transférer l'usage. Ainsi, aucune faute lors de cette mise à disposition, ni contractuelle dans ses rapports avec ses membres, ni délictuelle vis-à-vis des tiers, n’était imputable à l’aéroclub ou n’avait de lien de causalité avec l’accident et aucune responsabilité du fait des choses ne pouvait être retenue en l’absence de mise en cause de la structure de l’appareil après le transfert de sa garde.

 

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Donne acte à la société Axa Corporate solutions du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre Mme Isabelle X…, épouse Y…, M. Frédéric X…, Mme Z…, M. A…, la société Allianz Global Corporate et Specialty et M. B… ;

Attendu que le 14 septembre 1992 un avion de tourisme appartenant à l’Aéroclub de Péronne qui revenait d’un voyage en Hongrie s’est écrasé peu après avoir décollé de l’aéroport de Strasbourg avec quatre personnes à bord : MM. C…, A…, X… et B… ; que MM. C… et X…, qui avaient été éjectés, sont décédés ; que la veuve et les deux enfants de Jean-Marc X…, Mme Z…, compagne de Gérard C… ainsi que MM. A… et B… ont fait assigner l’Aéroclub de Péronne, la société Axa Corporate solutions, son assureur et la société AGF Mat, assureur de l’appareil afin d’obtenir indemnisation des préjudices subis ; que Mme Z… a fait assigner M. B… aux mêmes fins ; que par jugement du 30 mars 2006, le tribunal a rejeté toute responsabilité de l’Aéroclub ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi incident :

Attendu d’abord qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué (Amiens, 8 janvier 2009) d’avoir condamné la société Axa Corporate solutions à payer à Mme X… diverses sommes au titre des frais funéraires et au titre du préjudice économique, alors, selon le moyen, que selon l’article L. 310-1 du code de l’aviation civile «le transport aérien consiste à acheminer par aéronef d’un point d’origine à un point de destination des passagers», quels que soient la nature et l’objet du déplacement ; qu’ainsi, en l’espèce, où les membres de l’Aéroclub de Péronne avaient effectué un déplacement d’agrément aller et retour en Hongrie, la cour d’appel en écartant l’application de l’article L. 322-3 dudit code, aux termes duquel «sauf stipulations conventionnelles contraires, la responsabilité du transporteur effectuant un transport gratuit ne sera engagée, dans la limite prévue ci-dessus, que s’il est établi que le dommage a pour cause une faute imputable au transporteur ou à ses préposés. La responsabilité du transporteur par air ne peut être recherchée que dans les conditions et limites prévues ci-dessus, quelles que soient les personnes qui la mettent en cause et quel que soit le titre auquel elles prétendent agir», faute d’un contrat de transport, a violé lesdits textes ;

Attendu ensuite que Mme X… fait grief à l’arrêt d’avoir dit qu’il n’y a pas lieu de retenir la responsabilité de l’Aéroclub de Péronne dans l’accident dont a été victime M. X…, membre de cet aéroclub, à défaut d’existence d’un contrat entre les deux parties, sinon une simple mise à disposition d’aéronef, alors, selon le moyen :

1°/ que l’aéroclub dont onze des membres font, sous la direction de son président et de son vice-président, le voyage vers un club partenaire en Hongrie et retour dans trois aéronefs volant en convoi dont deux appartiennent au club, convient avec lesdits membres d’une convention d’organisation de manifestation sportive ; que la cour d’appel, en disant que la convention se limitait à une simple mise à disposition ou prêt à usage d’aéronef a violé, par fausse qualification, les articles 1134 et 1147 du code civil ;

2°/ que l’Aéroclub de Péronne ayant organisé un voyage en Hongrie au cours duquel était survenu un accident d’aéronef dû à la conjonction de la mauvaise préparation du vol, de l’imprudence de l’équipage qui a tenté de poursuivre le voyage jusqu’à sa destination finale malgré sa fatigue, de très mauvaises conditions météorologiques et la surcharge de l’appareil, et encore en s’abstenant sciemment de déposer le plan de vol afin de dissimuler le défaut de qualification au vol de nuit du pilote d’un autre aéronef volant en convoi avec celui accidenté, a manqué à son obligation de sécurité, faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle ; que la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article 1147 du code civil ;

Attendu encore que Mme X… fait grief à l’arrêt d’avoir dit qu’il n’y a pas lieu de retenir une responsabilité du fait des choses imputable à l’Aéroclub de Péronne dans l’accident dont a été victime M. X…, membre de cet aéroclub, car ce dernier avait perdu la garde de l’aéronef accidenté, alors, selon le moyen, que l’Aéroclub de Péronne dont le président, ès qualités, conduisait un voyage en Hongrie au cours duquel était survenu un accident d’aéronef, en avait conservé la garde matérielle et juridique, de sorte qu’il est responsable des conséquences de cet accident, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de cette constatation, a violé l’article 1384, alinéa 1er, du code civil.

Attendu enfin que Mme X… fait grief à l’arrêt d’avoir dit qu’il n’y a pas lieu de retenir une responsabilité délictuelle pour faute personnelle de l’aéroclub de Péronne dans l’accident dont a été victime M. X…, membre de l’aéroclub et passager de l’aéronef accidenté, alors, selon le moyen, que l’Aéroclub de Péronne dont le président dirigeait ès qualités un voyage en Hongrie au cours duquel était survenu un accident d’aéronef dû à la conjonction de la mauvaise préparation du vol, de l’imprudence de l’équipage qui a tenté de poursuivre le voyage jusqu’à sa destination finale malgré sa fatigue, de très mauvaises conditions météorologiques et la surcharge de l’appareil, et encore en s’abstenant sciemment de déposer le plan de vol afin de dissimuler le défaut de qualification au vol de nuit du pilote d’un autre aéronef volant en convoi avec celui accidenté, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle ; la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ces constatations, a violé les articles 1382 et 1383 du code civil.

Mais attendu que la cour d’appel a constaté que l’aéroclub, dont le président n’était pas intervenu ès qualités, n’avait pris aucune part à l’organisation du voyage mais s’était limité à mettre l’appareil à la disposition des participants dont la plupart étaient des pilotes brevetés qui se sont succédés aux commandes et ne se sont acquittés d’aucune contrepartie en sus de la simple participation aux frais ; qu’elle en a exactement déduit qu’aucun contrat de transport n’avait été conclu et que la mise de l’aéronef à la disposition des participants s’analysait en un contrat de prêt ayant pour effet d’en transférer l’usage ; qu’ elle a encore retenu qu’aucune faute lors de cette mise à disposition, ni contractuelle dans ses rapports avec ses membres, ni délictuelle vis-à-vis des tiers, n’était imputable à l’aéroclub ou n’avait de lien de causalité avec l’accident et qu’aucune responsabilité du fait des choses ne pouvait être retenue en l’absence de mise en cause de la structure de l’appareil après le transfert de sa garde ; qu’elle en a déduit à bon droit que les consorts X… et A… étaient mal fondés à invoquer la violation d’une obligation de résultat contre l’aéroclub qui n’en était dès lors pas tenu ; qu’elle n’encourt dès lors aucun des griefs des moyens ;

Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Axa Corporate solutions à payer à Mme E…, veuve X… la somme de 5 116,19 euros au titre des frais funéraires ainsi que la somme de 114 336,76 euros au titre de son préjudice économique et à M. B… une provision de 5 000 euros, alors, selon le moyen, que l’action directe engagée par la victime suppose que soit établie la responsabilité de l’assuré ; que la convention annexe B de la police responsabilité civile accident aéronef souscrite par l’Aeroclub de Péronne auprès d’Axa garantit le souscripteur, le propriétaire de l’aéronef et toute personne ayant avec leur autorisation, la garde ou la conduite de l’aéronef contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant leur incomber à la suite d’un accident en raison d’une part des dommages matériels ou corporels causés à des personnes non transportées, d’autre part, des dommages corporels causés aux occupants (passagers ou membres d’équipage) à bord de l’aéronef ou au cours des opérations d’embarquement ou de débarquement ; dès lors, en déclarant que cette convention B permet d’indemniser les personnes non transportées au titre des frais funéraires et du préjudice économique par le gardien de l’appareil au moment de l’accident pour condamner Axa Corporate solutions à indemniser de ces chefs Mme E…, veuve X…, victime par ricochet de l’accident, et M. B…, la cour d’appel, qui a écarté toute responsabilité de l’Aéroclub de Péronne et a retenu que le pilote ayant la garde de l’aéronef au moment de l’accident ne pouvait être déterminé, n’a pas tiré de ses constatations, d’où il ressort que le gardien auteur du fait dommageable n’était pas identifié, les conséquences légales qui s’imposaient, et a violé l’article L. 124-3 du code des assurances, ensemble l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu que la preuve ayant été rapportée que la victime avait été passager au moment de l’accident, la cour d’appel en a déduit à bon droit qu’était ouverte l’action directe du tiers lésé, à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable en application de l’article L. 124-3 du code des assurances ;

Et sur le quatrième moyen du pourvoi incident :

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir limité à la somme de 114 336,76 euros le préjudice économique subi par Mme X… et garanti par la société d’assurance Axa du fait de la mort accidentelle de son mari, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; que pour limiter à la somme de 114 336,76 euros le montant garanti par la société d’assurance Axa, l’arrêt se réfère au « plafond de garantie stipulé dans la police » quand l’assureur se référait, non à son contrat mais au plafond légal prévu par l’article L. 322-3 du code de l’aviation civile ; qu’ainsi, la cour d’appel a violé le principe susvisé ;

2°/ qu’alors, subsidiairement, après s’être ainsi référée au « plafond de garantie stipulé dans la police », la cour a néanmoins statué simultanément sur le fondement de l’article L. 322-3 du code de l’aviation civile dont elle a estimé qu’il n’était pas applicable, à défaut d’existence d’un contrat de transport et ce faisant elle a rendu les motifs de son arrêt contradictoires et inintelligibles en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d’appel qui a énoncé que la société Axa reconnaissait dans ses conclusions que le préjudice économique se situait « approximativement » entre 114 336,76 euros et 121 959,21 euros, mais soutenait ne pas être tenue d’indemniser ce chef de préjudice au delà des 114 336,76 euros correspondant au plafond de garantie stipulé dans la police, n’a pas fait application, en condamnant à payer la moindre de ces sommes au titre de ce seul chef de préjudice et contrairement aux allégations du moyen qui manque ainsi en fait, du plafond visé à l’article L. 322-3 du code de l’aviation civile, même si le plafond visé dans la police était équivalent au plafond légal et a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Condamne la société Axa Corporate solutions et Mme X… aux dépens afférents à leur pourvoi respectif ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille dix.