Droit Aerien

Montgolfière

Notion de transporteur aérien et mise en oeuvre de la responsabilité – CA Riom, ch. com., 3 juil. 2019, n° 18-01088

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Le transporteur aérien, au sens de la Convention de Varsovie, est celui qui est désigné comme tel dans la convention stipulant qu'il est assuré et qu'il engage sa responsabilité en cas d'incident ou d'accident, cette disposition étant justifiée par le fait que le transport était effectué par lui, dans sa mongolfière. Il résulte de l’article 17 de la Convention de Varsovie et des articles L.6421-4 et L.6422-2 du code des transports que soit le transport n’est pas gratuit, et le transporteur est responsable de plein droit sans qu’une faute de pilotage soit à démontrer, soit à l’inverse le transport est gratuit, et il convient de faire la démonstration d’une faute.

 

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 03 Juillet 2019

N° RG 18/01088 – N° Portalis DBVU-V-B7C-E73H

VTD

Arrêt rendu le trois Juillet deux mille dix neuf

Sur APPEL d’une décision rendue le 10 octobre 2016 par le Tribunal de grande instance d’AURILLAC (RG n° 14/00438)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. François RIFFAUD, Président

M. François KHEITMI, Conseiller

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. X, K L Y

[…]

[…]

Représentant : Me François Xavier DOS SANTOS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

La société SA INTER MUTUELLES ENTREPRISES

[…]

[…]

venant aux droits de MATMUT ENTREPRISES SA

Représentants : la SCP JAFFEUX-LHERITIER, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL CALLON Avocat & Conseil, avocats au barreau de PARIS (plaidant)

Maître Jean François Z

[…]

[…]

agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SALERS MONTGOLFIERE, SARL immatriculée au RCS d’Aurillac sous le […], dont le siège social est sis le […]

désigné à ces fonctions par jugement du tribunal de Commerce d’Aurillac en date du19 janvier 2016

Représentants : la SCP JAFFEUX-LHERITIER, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL CALLON Avocat & Conseil, avocats au barreau de PARIS (plaidant)

Société ALLIANZ PORTUGAL

immatriculée au RCS de Lisboa sous le […]

[…]

[…]

Représentants : la SELARL LEXAVOUE, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et SELAS AURI’ACT, avocats au barreau d’AURILLAC (plaidant)

INTIMÉES

DEBATS : A l’audience publique du 29 Mai 2019 Madame THEUIL-DIF a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 03 Juillet 2019.

ARRET :

Prononcé publiquement le 03 Juillet 2019, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. François RIFFAUD, Président, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige :

La société MATMUT ENTREPRISES, nouvellement dénommée INTER MUTUELLES ENTREPRISES, assurait la SARL SALERS MONTGOLFIERE, pour une activité de vol en montgolfière, transport de passagers et activités touristiques.

La SARL SALERS MONTGOLFIERE a conclu avec l’Association ENTRE BES ET TRUYERE une convention pour l’organisation de vols en montgolfières.

Afin qu’une famille de treize personnes puisse embarquer dans la montgolfière, un vol spécifique a été affrété et une convention a été signée à cet effet le 12 juin 2011 entre la SARL SALERS MONTGOLFIERE et M. X Y.

Le 2 juillet 2011, jour du vol, un accident s’est produit. Une rafale de vent au moment de l’atterrissage a couché la montgolfière, ce qui a causé des blessures aux passagers présents dans la

nacelle.

Par acte d’huissier de justice du 27 février 2012, la société INTER MUTUELLES ENTREPRISES et la société SALERS MONTGOLFIERE ont fait assigner M. Y afin de procéder à la saisie conservatoire de la montgolfière et protéger leurs intérêts.

Le juge de l’exécution a fait droit à la demande par jugement du 22 février 2013 pour une créance évaluée à 12 000 euros et la saisie a eu lieu le 21 mai 2013.

Par acte d’huissier de justice du 6 juin 2014, la société INTER MUTUELLES ENTREPRISES et la société SALERS MONTGOLFIERE ont fait assigner M. Y et la compagnie d’assurances ALLIANZ PORTUGAL, afin d’obtenir, au titre d’une subrogation, le remboursement des indemnités qu’elles avaient été amenées à verser aux victimes, soit 25 800,84 euros, la société SALERS MONTGOLFIERE sollicitant en outre la somme de 22 564,84 euros correspondant à des pertes d’exploitation et aux frais de gardiennage de l’aéronef qu’elle avait fait saisir.

Par jugement du 19 janvier 2016, le tribunal de commerce d’Aurillac a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL SALERS MONTGOLFIERE, désignant Me Z en qualité de liquidateur.

Ce dernier est intervenu à la procédure l’opposant à M. Y.

Par jugement réputé contradictoire du 10 octobre 2016, M. Y n’étant pas comparant, le tribunal a :

— mis hors de cause ALLIANZ PORTUGAL ;

— condamné M. Y à verser à la société INTER MUTUELLES ENTREPRISES et Me Z, ès qualités de liquidateur de la société SALERS MONTGOLFIERE, la somme de 25 800,84 euros à raison de l’action en subrogation au titre des indemnisations versées aux victimes de l’accident du 2 juillet 2011, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, outre la somme de 1 246 euros au titre des frais d’entrepôt de la montgolfière et de l’assurance ;

— débouté les demandeurs de leurs autres demandes ;

— condamné la société INTER MUTUELLES ENTREPRISES et Me Z, ès qualités, à verser la somme de 2 000 euros à ALLIANZ PORTUGAL sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné M. Y à payer à la société INTER MUTUELLES ENTREPRISES et à Me Z, ès qualités , la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné M. Y aux dépens.

Constatant que la société INTER MUTUELLES ENTREPRISES avait pris en charge l’indemnisation des victimes de l’accident du 2 juillet 2011, le tribunal a considéré, au visa des articles 1134 du code civil et de l’article 17 de la Convention de Varsovie, que M. Y était à l’origine du sinistre et devait en être déclaré responsable. Par ailleurs, il a constaté que celui-ci n’était pas assuré au moment de l’accident.

M. X L Y a interjeté appel de ce jugement, suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 25 mai 2018, en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses dernières conclusions reçues au greffe en date du 31 octobre 2018, l’appelant

demande à la cour de :

— déclarer son appel recevable et bien fondé ;

— déclarer les intimés non fondés en leur appels incidents ;

— les débouter de l’ensemble de leurs demandes.

A titre principal, il demande qu’il soit jugé qu’il était préposé au moment de l’accident de la SARL SALERS MONTGOLFIERE, et qu’il ne peut faire l’objet ni d’une action directe en responsabilité de la part de la société INTER MUTUELLES ENTREPRISES, subrogée dans les droits des victimes, ni d’une action récursoire de la part de son commettant.

A titre subsidiaire, il demande qu’il soit dit que l’action directe de la société INTER MUTUELLES ENTREPRISES et de Me Z ès qualités contre la société ALLIANZ PORTUGAL était fondée sur l’assurance de l’aéronef, et de condamner la compagnie d’assurances au paiement des indemnités corporelles.

En état de cause, il sollicite le versement d’une indemnité de 3 500 euros à la charge de la société INTER MUTUELLES ENTREPRISES au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En premier lieu, il soutient que la Convention de Varsovie retenue par le tribunal, et relative au transport aérien international, n’a pas vocation à s’appliquer ; qu’il n’a aucunement la qualité de transporteur, les 13 passagers ayant signé un billet de transport avec la SARL SALERS MONTGOLFIERE. Il constate que les articles L.321-3 et L.322-3 du code de l’aviation civile invoqués par les intimés pour soutenir que la Convention de Varsovie s’appliquerait dans l’ordre interne, n’existent plus depuis une ordonnance du 28 octobre 2010. Par ailleurs, il soutient n’avoir jamais eu la qualité d’organisateur de l’événement, ni de cocontractant des personnes transportées.

En second lieu, il estime que la convention signée avec la SARL SALERS MONTGOLFIERE ne constitue pas un deuxième contrat de transport : il s’agissait de placer M. Y, contre rémunération, sous la subordination, et en tout cas sous un lien de préposition à l’égard de la société de transport aérien. La convention de transport signée entre la SARL SALERS MONTGOLFIERE et l’association d’animation, ne fait pas mention de M. Y, la première était la seule à avoir la qualité de transporteur public de passagers. Il rappelle que la montgolfière ne lui appartenait pas personnellement. Il soutient que la SARL SALERS MONTGOLFIERE lui avait confié la mission de pilotage de l’aéronef sans qu’il ne puisse prendre d’initiatives, ni modifier les contrats préalables. Ainsi, ni les victimes directes, ni l’assureur subrogé dans leurs droits, ni le commettant, ne disposent d’action récursoire contre le préposé, M. Y, qui en l’espèce n’a commis aucune faute, ayant agi dans le cadre de sa mission.

En troisième lieu, il considère que n’étant pas propriétaire de la montgolfière, il n’avait pas l’obligation d’être assuré. Cette éventuelle faute n’a en outre aucun lien de causalité avec les préjudices corporels.

Sur les préjudices, il constate que n’étant pas propriétaire de la montgolfière, les frais de conservation du bien ne peuvent lui être imputés, frais dûs en outre à l’immobilisation forcée de l’engin demandée par les intimés. S’agissant du préjudice économique, la preuve du lien de causalité avec l’accident n’est pas établi.

Dans leurs dernières conclusions reçues au greffe en date du 23 octobre 2018, la société INTER MUTUELLES ENTREPRISE et Me Z ès qualité de liquidateur de la SARL SALERS MONTGOLFIERE sollicitent la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité pleine et entière de M. Y et l’a condamné à payer la somme de 25 800,84 euros, au titre

de l’indemnisation versée aux victimes dans le cadre de son action en subrogation, et la somme de 1 246 euros au titre des frais.

Par ailleurs, elles demandent à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les autres demandes et a écarté la responsabilité de la société ALLIANZ PORTUGAL, et ce faisant, de :

— condamner in solidum M. Y et la compagnie ALLIANZ PORTUGAL à verser la somme de 22 564,84 euros, à parfaire à compter de l’arrêt à venir, au titre des préjudices subis par la SARL SALERS MONTGOLFIERE ;

— condamner in solidum M. Y et la compagnie ALLIANZ PORTUGAL à verser à la société INTER MUTUELLES ENTREPRISES la somme de 25 800,84 euros avec intérêts au taux légal, au titre de l’indemnisation versée aux victimes ;

— condamner in solidum M. Y et la compagnie ALLIANZ PORTUGAL à verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elles exposent que la SARL SALERS MONTGOLFIERE étant co-organisatrice de l’événement et ayant la qualité de transporteur contractuel aux termes de la convention passée avec l’association, a fait droit à la demande d’indemnisation des victimes ; que la montgolfière appartenait et était pilotée par M. Y ; qu’il était donc transporteur aérien au moment des faits ; que dans la convention passée avec lui, il a déclaré avoir souscrit une assurance de transporteur public de passagers et, a engagé seule sa responsabilité en cas d’incident ou d’accident. Aussi, l’assureur ayant pris en charge l’intégralité du préjudice en sollicite le remboursement au titre de l’article 17 de la Convention de Varsovie, applicable dans l’ordre interne. Elles considèrent que M. Y, en sa qualité de pilote d’un aéronef, était tenu d’une obligation de sécurité de résultat envers les passagers qu’il transportait.

Outre les indemnisations versées aux victimes, elles exposent que pendant près de deux ans, la SARL SALERS MONTGOLFIERE a dû conserver dans ses locaux la montgolfière qui a dû finalement être entreposée dans un garage moyennant un loyer. Une assurance a également été souscrite.

Par ailleurs, elles soutiennent que l’accident a nui à la réputation de la SARL SALERS MONTGOLFIERE qui a subi un préjudice financier et une perte de clientèle estimés à 21 323,84 euros.

Enfin, elles font valoir que le fait générateur étant postérieur à la date de signature du contrat d’assurance, ALLIANZ PORTUGAL était donc bien l’assureur responsabilité civile lors du sinistre. Elles ajoutent que l’éventuelle faute ou tromperie d’un assuré envers son assureur ne saurait être opposable au tiers.

Aux termes de ses dernières conclusions reçues au greffe en date du 28 décembre 2018, la société ALLIANZ PORTUGAL demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner M. Y à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Se prévalant de l’article L. 114-1 du code des assurances, elle soulève la prescription biennale, l’assignation ayant été délivrée le 6 juin 2014 alors que l’accident a eu lieu le 2 juillet 2011.

Sur le fond, elle fait valoir que lorsque M. Y a signé le contrat avec la SARL SALERS MONTGOLFIERE, il ne disposait d’aucune assurance, ni à titre personnel, ni pour la société M. Devant les gendarmes le 7 juillet 2011, il a déclaré qu’il ne détenait pas pour son activité en France de certificat de transporteur aérien, que la réglementation portugaise imposait une assurance adaptée,

qu’il possédait ce certificat ainsi que l’assurance couvrant son activité et qu’il s’engageait à fournir ces pièces. M. Y est parti au Portugal, il s’est rendu dans une agence de la compagnie ALLIANZ, a sollicité la souscription d’un contrat assurant sa responsabilité civile avec effet rétroactif au 1er juillet 2011. ALLIANZ a soumis le 20 juillet 2011 à la société M un contrat avec prise d’effet au 1er juillet 2011 à condition qu’il n’y ait aucun sinistre. La société M a déclaré qu’il n’y avait eu aucun sinistre entre le 1er juillet et le 5 août 2011. M. Y a transmis ce contrat pour prouver qu’il était assuré. Ainsi, il a fourni une fausse déclaration pour tromper les services de gendarmerie et la SARL SALERS MONTGOLFIERE.

Invoquant les articles L. 124-5 et L.113-8 du code des assurances, elle conclut que le contrat n’existant pas au jour de l’accident, il était impossible d’en demander l’exécution.

Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 avril 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

– Sur la qualification du contrat

L’article L. 6100-1 du code des transports édicte que sont qualifiés d’aéronefs tous les appareils capables de s’élever ou de circuler dans les airs.

Ainsi, une montgolfière entre dans cette catégorie d’appareils.

L’article L. 6400-1 dudit code prévoit que le transport aérien consiste à acheminer par aéronef d’un point d’origine à un point de destination des passagers, des marchandises ou du courrier.

En l’espèce, la SARL SALERS MONTGOLFIERE a conclu le 26 janvier 2011 avec l’Association ENTRE BES ET TRUYERE une convention pour l’organisation de vols en montgolfières. Il était prévu que la société remettrait le 31 mars 2011 à l’association 28 billets donnant droit pour chacun d’eux aux prestations suivantes :

— un vol en montgolfière pour une personne comprenant la préparation au vol et petit déjeuner pour les vols du matin ;

— une collation gastronomique auvergnate servie sur le lieu de l’atterrissage ;

— la reconduite des passagers à leur véhicule respectif.

L’association assurerait la vente des billets à son gré, au tarif qu’elle choisirait, les billets étant valides 24 mois. Elle s’engageait à fournir à la SARL SALERS MONTGOLFIERE :

— pour le 15 avril 2011, la liste nominative des passagers ;

— pour le 15 mai 2011, les autorisations des maires des communes concernées par le décollage ainsi que l’autorisation écrite du ou des propriétaires des parcelles des terrains sur lesquels les décollages des montgolfières étaient effectués.

Quatre vols au total devaient être effectués.

Il était précisé que le pilote assurait seul les fonctions de commandant de bord et était seul compétent pour apprécier les conditions météorologiques, la faisabilité des vols et les pistes de décollage.

En application de ce contrat, l’association devait régler à la SARL SALERS MONTGOLFIERE la somme de 5 600 euros.

Puis, une convention a été signée entre la SARL SALERS MONTGOLFIERE et M. X Y, pilote de montgolfière, le 12 juin 2011 prévoyant qu’en complément de la convention mentionnée ci-dessus, il était décidé :

‘pour des raisons d’organisation que seule la montgolfière de 14 places appartenant à Monsieur Y sera utilisée. Aussi, Monsieur Y déclare avoir souscrit une assurance de transporteur public de passagers, avoir toutes les autorisations administratives de la DGAC pour accomplir ces vols pour lesquels il engage sa seule responsabilité en cas d’incident ou d’accident. Il percevra l’intégralité des sommes versées par l’association dès que celle-ci aura effectué tous ses règlements.’

— M. Y soutient en premier lieu que la Convention de Varsovie n’a pas vocation à s’appliquer puisqu’elle est relative au transport aérien international, et que les textes prévoyant son application en droit interne, les articles L. 321-3 et L. 22-3 du code de l’aviation civile, n’existent plus, ayant été abrogés par une ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010.

L’article 17 de la Convention de Varsovie énonce que le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de mort, de blessure ou de toute autre lésion corporelle subie par un voyageur lorsque l’accident qui a causé le dommage s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toutes opérations d’embarquement et de débarquement.

Contrairement à ce que prétend M. Y, les dispositions prévoyant l’application de la Convention de Varsovie dans l’ordre interne existent toujours et, figurent désormais aux articles L. 6421-4 et L. 6422-2 du code des transports.

Le premier de ces articles prévoit que la responsabilité du transporteur aérien non soumis aux dispositions de l’article L. 6421-3 est régie par les stipulations de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929, dans les conditions définies par les articles L. 6422-2 à L. 6422-5. Toutefois, la limite de la responsabilité du transporteur relative à chaque passager est fixée à 114 336 euros.

Sauf stipulations conventionnelles contraires, la responsabilité du transporteur aérien effectuant un transport gratuit n’est engagée, dans la limite prévue par le premier aliéna, que s’il est établi que le dommage a pour cause une faute imputable au transporteur ou à ses préposés. La responsabilité du transporteur aérien ne peut être recherchée que dans les conditions et limites prévues par le présent article, quelles que soient les personnes qui la mettent en cause et quel que soit le titre auquel elles prétendent agir.

— Puis, M. Y soutient qu’il n’était pas propriétaire de la montgolfière qui appartenait à la société M N AMEIDA ; qu’il n’avait aucun rapport de droit direct avec les passagers d’où l’absence de qualité de transporteur ; que la convention signée avec la SARL SALERS MONTGOLFIERE le plaçant contre rémunération, sous la subordination de cette société, il existait un lien de préposition à l’égard de la société de transport aérien. Il fait valoir que la SARL SALERS MONTGOLFIERE lui avait confié la mission de pilotage de l’aéronef sans qu’il ne puisse prendre d’initiatives ni modifier les contrats préalables (contrat de transport et contrat de prêt de matériel).

Néanmoins, dans la convention signée avec la SARL SALERS MONTGOLFIERE, M. Y a mentionné être propriétaire de la montgolfière : ‘seule la montgolfière de 14 places appartenant à Monsieur Y sera utilisée’. Il ne peut désormais valablement invoquer le fait que la montgolfière appartienne à une société dont il est le gérant pour échapper à sa responsabilité alors qu’il a indiqué le contraire dans le contrat.

Il est ensuite mentionné que : ‘Monsieur Y déclare avoir souscrit une assurance de transporteur public de passagers, avoir toutes les autorisations administratives de la DGAC pour accomplir ces vols pour lesquels il engage sa seule responsabilité en cas d’incident ou d’accident.’.

Puis, il est précisé que ‘il percevra l’intégralité des sommes versées par l’association dès que celle-ci aura effectué tous ses règlements’.

Entendu par les services de gendarmerie le 7 juillet 2011 après l’accident, M. Y a déclaré avoir la qualité d’auto-entrepreneur pour exercer son activité de pilotage de façon saisonnière ; qu’il était rémunéré 300 euros par vol par la société SALERS MONTGOLFIERE, un billet étant délivré à chaque passager par M. A qui était partie prenante dans la société ; qu’en ce qui concernait le vol du jour de l’accident, ce vol n’était pas organisé par la société SALERS MONTGOLFIERE, M. A ayant joué le rôle d’apporteur d’affaire en faisant l’intermédiaire entre une association qui désirait effectuer un vol, et lui-même qui détenait le matériel et les compétences. Ainsi, d’après ses propres déclarations, M. Y n’est nullement intervenu en qualité de préposé de la SARL SALERS MONTGOLFIERE.

Par conséquent, par des motifs pertinents qu’il convient d’adopter, le tribunal a considéré que M. Y était le transporteur au sens de la Convention de Varsovie puisque la convention liant la SARL SALERS MONTGOLFIERE et celui-ci stipulait qu’il était assuré et qu’il engageait sa responsabilité en cas d’incident ou d’accident, cette disposition étant justifiée par le fait que le transport était effectué par lui, dans sa montgolfière, la SARL SALERS MONTGOLFIERE n’ayant de fait qu’un rôle d’organisateur.

– Sur la mise en oeuvre de la responsabilité

Il résulte de l’article 17 de la Convention de Varsovie et des articles L.6421-4 et L.6422-2 du code des transports que soit le transport n’est pas gratuit, et le transporteur est responsable de plein droit sans qu’une faute de pilotage soit à démontrer, soit à l’inverse le transport est gratuit, et il convient de faire la démonstration d’une faute.

En l’espèce, le transport n’était pas gratuit, et M. Y est donc responsable de plein droit des conséquences de l’accident du 2 juillet 2011.

La société INTER MUTUELLES ENTREPRISES, assureur de la SARL SALERS MONTGOLFIERE a indemnisé plusieurs victimes de leurs dommages qui ont établi des quittances subrogatives au profit de l’assureur :

> M. B C : 2 205,80 euros ;

> Mme D C : 4 080 euros ;

> Mme E F : 6 943,72 euros ;

> Mme D G : 4 593,45 euros ;

> Mme H I : 5 529,39 euros ;

> M. J C : 2 448,48 euros.

M. Y a conclu s’en rapporter aux justificatifs fournis par les intimés s’agissant des sommes versées aux passagers transportés et à la CPAM.

Ainsi, il sera tenu de payer à la société INTER MUTUELLES ENTREPRISES la somme de 25

800,84 euros au titre de ces indemnisations, avec intérêts au taux légal à compter de la décision, le jugement sera confirmé sur ce point.

– Sur la garantie d’ALLIANZ PORTUGAL

Selon l’article L.124-5 du code des assurances, l’assureur ne couvre pas l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s’il est établi que l’assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de souscription de la garantie.

En outre, selon l’article L.113-8 dudit code, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que ce risque omis ou dénaturé a été sans influence sur le sinistre.

Il est établi qu’au moment où M. Y a signé la convention avec la SARL SALERS MONTGOLFIERE et au jour de l’accident, il n’était pas assuré.

Lorsqu’il a été entendu par les services de gendarmerie le 7 juillet 2011, celui-ci a déclaré qu’il ne détenait pas pour son activité en France de certificat de transporteur aérien, que la réglementation portugaise imposait une assurance adaptée, qu’il possédait ce certificat ainsi que l’assurance couvrant son activité, et qu’il s’engageait à leur fournir ces pièces.

La société ALLIANZ PORTUGAL justifie que M. Y a sollicité la souscription d’un contrat d’assurance au nom de la société M N O, société portugaise dont il est le gérant, assurant sa responsabilité civile avec effet rétroactif au 1er juillet 2011 ; que le 20 juillet 2011, elle a soumis à la société M N O un contrat avec prise d’effet au 1er juillet 2011 à condition qu’il n’y ait aucun sinistre, et celle-ci a déclaré qu’il n’y avait eu aucun sinistre entre le 1er juillet et le 5 août 2011.

Dans ces conditions, les demandes en garantie formées à l’encontre de la société ALLIANZ PORTUGAL doivent être rejetées, et le jugement confirmé par substitution de motifs.

– Sur les préjudices de la SARL SALERS MONTGOLFIERE

— Maître Z ès qualités de liquidateur de la SARL SALERS MONTGOLFIERE expose en premier lieu qu’elle a dû entreposer dans ses locaux la montgolfière qui ne lui appartenait pas ; qu’au vu de la place considérable qu’elle prenait, son administrée a été contrainte de louer un garage pour l’entreposer, soit 810 euros de loyers au 31 décembre 2014, et de contracter une assurance pour un total de 436 euros.

M. Y conteste devoir payer ces sommes, n’étant pas propriétaire de la montgolfière, il estime que la société M N O aurait dû être appelée en cause.

Néanmoins, il a été rappelé que par acte d’huissier du 27 février 2012, la société INTER MUTUELLES ENTREPRISES et la société SALERS MONTGOLFIERE avaient fait assigner M. Y afin de procéder à la saisie conservatoire de la montgolfière et protéger leurs intérêts. ; que le juge de l’exécution avait fait droit à la demande par jugement du 22 février 2013 pour une créance évaluée à 12 000 euros et, que la saisie avait eu lieu le 21 mai 2013.

La société M N O n’est pas partie à la convention signée entre la SARL SALERS MONTGOLFIERE et M. Y. Si cette société est ou a été propriétaire de la montgolfière saisie, M. Y n’a pas fait état de cette situation de droit qui aurait permis d’anéantir la procédure de saisie.

Ainsi que l’a relevé le tribunal, le fait d’avoir dû entreposer la montgolfière litigieuse de juillet 2013 à décembre 2014 est en lien direct avec l’accident et ses conséquences. M. Y sera ainsi condamné à rembourser à Me Z en sa qualité de liquidateur de la SARL SALERS MONTGOLFIERE la somme de 810 euros au titre des loyers et 436 euros au titre de l’assurance contractée entre janvier 2014 et janvier 2015, les sommes invoquées n’étant pas contestées dans leur quantum.

— Me Z, ès qualités, soutient en second lieu que l’accident a nui à la réputation, de la SARL SALERS MONTGOLFIERE ce qui lui a causé un préjudice financier et une perte de clientèle estimés à 21 323,84 euros : la baisse de son chiffre d’affaires est due à l’écho médiatique de cet accident puisque les autres sociétés exerçant la même activité n’ont pas été touchées.

Néanmoins, il n’est pas rapporté la preuve que l’accident aurait nui à la réputation de la SARL SALERS MONTGOLFIERE, aucune faute de conduite n’étant par ailleurs invoquée à l’encontre du pilote puisqu’il est question d’une rafale de vent.

Le liquidateur de la SARL SALERS MONTGOLFIERE ne produit aux débats aucune pièce permettant de constater le retentissement médiatique de cet accident. La simple production des comptes de la société est insuffisante.

En outre, ainsi que l’a relevé le tribunal, le lien de causalité entre la faute de M. Y qui consiste plus en l’absence d’assurance que dans la faute de pilotage, et la baisse du chiffre d’affaires n’est pas avéré d’autant que les difficultés de la société ont persisté conduisant à sa liquidation judiciaire cinq ans après l’accident.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Succombant à l’instance, M. Y sera condamné aux dépens.

Sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il sera en outre condamné à verser à la société ALLIANZ PORTUGAL la somme de 1 500 euros, et celle de 2 000 euros à la société INTER MUTUELLES ENTREPRISES et Me Z ès qualités de liquidateur de la SARL SALERS MONTGOLFIERE.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Condamne M. X, K L Y à verser à la société ALLIANZ PORTUGAL la somme de 1 500 euros et à la société INTER MUTUELLES ENTREPRISES et Me Z ès qualités de liquidateur de la SARL SALERS MONTGOLFIERE, celle de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. X, K L Y aux dépens de l’appel.

Le Greffier, Le Président,