Droit Aerien

INAD

Lorsque le passager ne devient dépourvu des documents requis qu’en raison d’une modification imprévue de son voyage, il appartient à la compagnie d’apporter la preuve du voyage initialement prévu CAA Versailles, 20 février 2018, n°17VE01154

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En l'espèce, la cour administrative d'appel a refusé d'annuler l'amende sanctionnant le débarquement par une compagnie aérienne d'un passager dépourvu du visa Schengen requis pour une correspondance intra-européenne. La compagnie soutenait que le passager devait à l'origine suivre des correspondances ne nécessitant pas un tel visa, mais que son trajet avait été modifié en raison d'un retard sur son premier vol. Cette cause exonératoire n'a pas été retenue par la juridiction car la compagnie n'apportait pour autant pas la preuve du voyage initialement programmé.

Cour administrative d’appel de Versailles, 4ème chambre, 20 février 2018, 16VE02871, inédit au recueil Lebon ;

 

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La compagnie X… a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d’annuler la décision du 17 avril 2015, par laquelle le ministre de l’intérieur a décidé de lui infliger une amende de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour avoir débarqué sur le territoire un voyageur démuni de visa Schengen.

Par un jugement n° 1505351, en date du 7 juillet 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2016, la compagnie X… […] demande à la Cour :

1° d’annuler ce jugement ;

2° d’annuler la décision du ministre de l’intérieur du 17 avril 2015 ;

3° de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

[…]

1. Considérant, qu’aux termes de l’article L. 6421-2 du code des transports : « Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu’après justification qu’ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d’arrivée et aux escales prévues » ; qu’aux termes du 1er alinéa de l’article L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Est punie d’une amende d’un montant maximum de 5 000 euros l’entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d’un autre Etat, un étranger non ressortissant d’un Etat de l’Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l’accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité. Est punie de la même amende l’entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque, dans le cadre du transit, un étranger non ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne et démuni du document de voyage ou du visa requis par la loi ou l’accord international qui lui est applicable compte tenu de sa nationalité et de sa destination » ; qu’aux termes de l’article L. 625-2 du même code : « Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l’un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d’Etat. Copie du procès-verbal est remise à l’entreprise de transport intéressée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par l’autorité administrative compétente. L’amende peut être prononcée autant de fois qu’il y a de passagers concernés. Son montant est versé au Trésor public par l’entreprise de transport. / L’entreprise de transport a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d’un mois sur le projet de sanction de l’administration. La décision de l’autorité administrative, qui est motivée, est susceptible d’un recours de pleine juridiction. / L’autorité administrative ne peut infliger d’amende à raison de faits remontant à plus d’un an » ; enfin, qu’aux termes de l’article L. 625-5 du même code : « Les amendes prévues aux articles L. 625-1 (…) ne sont pas infligées : (…) 2° Lorsque l’entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l’embarquement et qu’ils ne comportaient pas d’élément d’irrégularité manifeste » ;

2. Considérant qu’il résulte tant de ces dispositions, adoptées en vue de donner leur plein effet aux stipulations de l’article 26 de la convention de Schengen signée le 19 juin 1990, que de l’interprétation qu’en a donnée le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 92-307 DC du 25 février 1992, qu’elles font obligation aux transporteurs aériens de s’assurer, au moment des formalités d’embarquement, que les voyageurs ressortissants d’Etats non membres de la Communauté économique européenne, devenue l’Union européenne, sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides ; que si ces dispositions n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l’étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d’éléments d’irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l’entreprise de transport ; qu’en l’absence d’une telle vérification, le transporteur encourt l’amende administrative prévue par les dispositions précitées ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. B… A…, ressortissant libanais, a débarqué le 24 juin 2014 à l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle du vol n° AF 4087 en provenance de Boston (Etats-Unis d’Amérique) en possession d’un document de voyage démuni de visa Schengen alors qu’il devait embarquer le même jour sur un vol à destination de Rome ; que, par la décision litigieuse du 17 avril 2015, le ministre de l’intérieur a infligé à la compagnie X… une amende de 5 000 euros pour avoir débarqué sur le territoire français un ressortissant étranger dépourvu d’un document de voyage régulier ;

4. Considérant que si la compagnie X… soutient que M. A…, dont la destination finale était Beyrouth, ne devait à l’origine que transiter par l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle sans passer par Rome, de sorte que ce dernier n’aurait pas été tenu de présenter un visa Schengen, mais qu’il a été contraint de prendre un vol à destination de Rome en raison d’un retard de son premier vol Boston-Paris, elle se borne à produire une carte d’embarquement Boston Paris et une billetterie interne, dépourvue de toute explication et non traduite, sans transmettre le billet initialement édité en provenance de Boston et à destination de Beyrouth via l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle, alors que le ministre de l’intérieur a communiqué en première instance, outre la décision de refus d’entrée du 24 juin 2014 dans laquelle M. A… déclare vouloir se rendre à Beyrouth via Rome, les cartes d’embarquement du voyageur qui portent la mention d’une réservation pour un vol Paris-Rome ; que, par suite, elle ne justifie pas que le voyageur en cause aurait été dispensé de présenter un visa Schengen ; que ce défaut de visa constituait un élément d’irrégularité manifeste décelable par un examen normalement attentif de la part des agents de la société requérante ; que, par suite, la compagnie aérienne a commis un manquement à l’obligation de vérification qui lui incombait ; que, dans ces conditions, le ministre de l’intérieur a pu légalement faire application des dispositions précitées de l’article L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

5. Considérant que si la décision litigieuse du 17 avril 2015 précise que la compagnie X… n’a pas « au terme du délai imparti (…) émis d’observations de nature à mettre en cause le bien-fondé de la présente procédure et l’engagement de sa responsabilité pour méconnaissance de l’obligation de vérification documentaire, obligation de résultat qui est prévue et sanctionnée par l’article L. 625-1 du code susvisé », cette mention constitue un simple élément de contexte et ne saurait être regardée comme motivant en fait ou en droit la décision attaquée ; que, par suite, le moyen tiré par la compagnie X… de ce que le ministre aurait entendu lui opposer un aveu implicite des faits n’est pas fondé ;

6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la compagnie X… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la compagnie X… est rejetée.

 

Observation :

 

A été rendu sur des faits similaires et dans le même sens, par la cour administrative d’appel de Versailles, un arrêt n°17VE01154 du 10 avril 2018.