Texte intégral
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 60C
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 SEPTEMBRE 2023
N° RG 21/02406
N° Portalis DBV3-V-B7F-UOCJ
AFFAIRE :
G.I.E. LA REUNION AERIENNE
C/
[K] [B]
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Décembre 2020 par le TJ de NANTERRE
N° Chambre : 2
N° RG : 14/01109
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Julie GOURION
Me Pierre-ann LAUGERY
Me Natacha MAREST-CHAVENON
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, dans l’affaire entre :
G.I.E. LA REUNION AERIENNE
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentant : Me Julie GOURION, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 – N° du dossier 2211029
Représentant : Me Nicolas JOLY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0413
APPELANTE
****************
Monsieur [K] [B]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Me Pierre-ann LAUGERY, Postulant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 129
INTIME
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D’ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Natacha MAREST-CHAVENON de la SELARL REYNAUD AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 177 – N° du dossier 382754
Représentant : Me Jean-françois LAIGNEAU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gwenael COUGARD, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence PERRET, Président,,
Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame FOULON
FAITS ET PROCEDURE :
M. [K] [B] était propriétaire d’un appareil ULM sur lequel il formait des élèves pilotes.
Le 17 octobre 2009, il a décollé de la base aérienne de [Localité 7] avec pour passager un élève pilote, M. [J]. Lors de ce vol, l’appareil a heurté le sol et s’est embrasé, causant de
graves brûlures aux deux hommes.
Par ordonnance du 27 septembre 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de La Rochelle a ordonné une mesure d’expertise au contradictoire de M. [B], de son assureur, La Réunion Aérienne, et de la Fédération Française de planeurs ultra-légers motorisés,
confiée au docteur [N] [Z] et a rejeté la demande de provision formée par M. [J] en raison de l’existence de contestations sérieuses, une procédure pénale étant en cours.
L’expert a déposé son rapport le 20 janvier 2012 aux termes duquel elle a considéré que l’état de M. [J] n’était pas consolidé.
Par jugement du 14 février 2012, le tribunal correctionnel de La Rochelle a déclaré M. [B] coupable des faits de blessures involontaires avec incapacité supérieure à 3 mois et a
reçu la constitution de partie civile de M. [J]. Ce jugement a été confirmé par un arrêt du 11 octobre 2012 de la cour d’appel de Poitiers.
Le 7 février 2013, M. [J] a saisi la Commission d’indemnisation des victimes
d’infraction du tribunal de grande instance de La Rochelle (la CIVI) aux fins d’expertise et a
sollicité une provision de 150 000 euros. Le Fonds de Garantie des Victimes des actes de Terrorisme et d’autres Infractions (le FGTI) a versé à M. [J] l’indemnité provisionnelle sollicitée.
Le docteur [Z] a de nouveau été désigné en qualité d’expert.
Le 25 juillet suivant, le FGTI, par l’intermédiaire de son conseil, a adressé à La Réunion Aérienne, déniant sa garantie, une mise en demeure d’avoir à appliquer la clause de sauvegarde des victimes à hauteur du plafond prévu par l’article 22 de la Convention de Varsovie, et à lui rembourser, en conséquence, la somme de 114 336 euros, en vain.
Le docteur [Z] a déposé son rapport le 31 janvier 2012 aux termes duquel il a fixé la date de consolidation de l’état de M. [J] au 5 juillet 2016 et a notamment conclu à l’existence d’un déficit fonctionnel permanent de 40%.
C’est dans ces conditions que par actes d’huissier en date des 27 et 31 décembre 2013, le FGTI a fait assigner, devant le tribunal de grande instance de Nanterre, M. [B] et son assureur, le Groupement d’intérêt économique La Réunion Aérienne (ci-après la Réunion
Aérienne), en application des dispositions de l’article 706-11 du code de procédure pénale, s’estimant subrogé dans les droits et actions de M. [J] à hauteur de la provision versée.
Par ordonnance du 18 octobre 2016, le juge de la mise en état a rejeté la demande d’expertise formée par le FGTI.
A la suite du dépôt du rapport d’expertise du docteur [Z], un accord transactionnel d’indemnisation est intervenu entre le FGTI et M. [J] et a été homologué par le président de la CIVI du tribunal de grande instance de La Rochelle le 5 février 2019. En exécution de cette ordonnance, le FGTI a indemnisé M. [J] à hauteur de la somme de 391 622,04 euros.
Par jugement du 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
— déclaré recevables les demandes du FGTI comme n’étant pas prescrites,
— dit que le FGTI est subrogé dans les droits de M. [J],
— dit que le recours subrogatoire du FGTI, subrogé dans les droits de M. [J], à l’encontre de M. [B] et de son assureur, La Réunion Aérienne, est recevable,
— dit que M. [B] est responsable civilement de l’intégralité des préjudices causés à M. [J] du fait de l’accident du 17 octobre 2009 et devra rembourser au FGTI l’intégralité des indemnités qu’il a versées à M. [J],
— dit que la garantie responsabilité civile souscrite par M. [B] auprès de La Réunion Aérienne comporte une « clause de sauvegarde des victimes »prévoyant que la clause d’exclusion dont se prévaut la compagnie d’assurance, relative au « vol en rase-motte », qui n’est pas opposable au FGTI.
— dit que la faute de M. [B] à l’origine de l’accident doit être qualifiée de faute inexcusable au sens de l’article 25 de la convention de Varsovie, et que dès lors, la limitation de garantie prévue par la clause de sauvegarde des victimes et l’article 22 de ladite convention n’a pas vocation à s’appliquer,
— condamné, en conséquence, in solidum M. [B] et son assureur, La Réunion Aérienne, à rembourser au FGTI les indemnités servies à M. [J], pour la somme totale de 541 622,04 euros, avec intérêt au taux légal à compter du jugement déféré,
— dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l’article
1343-2 du code civil,
— déboute M. [B] de sa demande de garantie formée à l’encontre de son assureur, La Réunion Aérienne, en raison de la clause d’exclusion dont se prévaut la compagnie d’assurance, relative au « vol en rase-motte »,
— débouté le FGTI de sa demande au titre de la garantie assurance individuelle à la place,
— condamné in solidum M. [B] et son assureur,La Réunion Aérienne, à payer au FGTI la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamné in solidum M. [B] et son assureur, La Réunion Aérienne, aux entiers dépens avec recouvrement direct en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
— ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,
— rejeté le surplus des demandes.
Par acte du 12 avril 2021, La Réunion Aérienne a interjeté appel.
Par dernières écritures du 3 janvier 2022, la Réunion Aérienne prie la cour de :
— déclarer recevable et fondé l’appel qu’elle a interjeté,
Y faisant droit,
— réformer le jugement déféré, en ce qu’il a :
*déclaré recevables les demandes du FGTI comme n’étant pas prescrites,
* dit le recours subrogatoire du FGTI à l’encontre de M. [B] et La Réunion Aérienne recevable,
* dit que la garantie responsabilité civile souscrite par M. [B] auprès de La Réunion Aérienne comporte une clause de sauvegarde des victimes prévoyant que la clause d’exclusion dont se prévaut la compagnie d’assurance relative au « vol en rase-motte » n’est pas opposable au FGTI,
* dit que la faute de M. [B] à l’origine de l’accident doit être qualifiée de faute inexcusable
au sens de l’article 25 de la convention de Varsovie, et que dès lors, la limitation de garantie prévue par la clause de sauvegarde des victimes et l’article 22 de ladite convention n’a pas vocation à s’appliquer,
* condamné in solidum M. [B] et son assureur, La Réunion Aérienne, à rembourser au FGTI les indemnités services à M.[J], pour la somme totale de 541 622,04 euros,
* condamné in solidum M. [B] et son assureur, La Réunion Aérienne à la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
Statuant à nouveau,
— déclarer que le régime de prescription est celui énoncé à l’article L 6421-4 du code des transports,
— déclarer l’action du FGTI par assignation délivrée le 31 décembre 2013 prescrite,
— déclarer la créance de la CIVI inopposable à l’assureur en ce qu’elle repose sur une expertise médicale qui n’a pas été menée au contradictoire des parties mais uniquement devant la CIVI, la rendant elle-même inopposable,
— déclarer que la créance de la CIVI ne fixe aucunement la créance du FGTI à l’encontre de l’auteur de l’infraction et de l’assureur en l’absence de toute action menée par la victime en réparation de ses dommages devant les juridictions,
— déclarer au surplus que la créance de la CIVI dont il est demandé remboursement par le FGTI ne tient pas compte de la créance des tiers payeurs qui n’a pas été déterminée et fixée et qu’en conséquence elle est irrecevable,
En conséquence,
— déclarer le FGTI irrecevable en son action et ses demandes,
En tout état de cause,
— déclarer la créance réclamée en remboursement non fondée et injustifiée poste par poste de préjudice,
— débouter le FGTI de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions à l’encontre de La Réunion Aérienne,
— condamner le FGTI à la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Si par extraordinaire, l’action et la créance dont se prévaut le FGTI étaient jugées recevables :
— déclarer que La Réunion Aérienne est légitimement fondée à se prévaloir de la clause d’exclusion de garantie visées aux conditions générales de la police d’assurance souscrite ainsi que de la clause de sauvegarde des victimes, opposables à M. [J], au FGTI, à la Caisse d’assurances maladie et autres organismes et de tout ayant droit,
— déclarer qu’en application de la clause de sauvegarde des victimes prévue au contrat d’assurance, La Réunion Aérienne ne sera tenue à garantie à l’égard de M. [J], du FGTI, de la Caisse de Sécurité Sociale et autres organismes et de tout autre ayant droit que dans la limite maximale de 114 336,76 euros, tous préjudices confondus,
En conséquence,
— condamner le FGTI à restituer à La Réunion Aérienne l’ensemble des sommes reçues en exécution à titre provisoire du jugement déféré en ce qu’elles sont supérieures au plafond de garantie fixé à la somme de 114 336, 76 euros,
— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté le FGTI de sa demande au titre de la garantie individuelle accident à la place pour une somme de 6 400 euros,
— condamner le FGTI au paiement de la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,
— dire que les dépens d’appel pourront être directement recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
Par dernières écritures du 6 octobre 2021, le FGTI prie la cour de :
Au préalable,
— juger que l’assignation de M. [J] en date du 25 juin 2011 a interrompu le délai de prescription jusqu’au prononcé de l’ordonnance du 27 septembre 2011, date à laquelle un nouveau délai de 2 ans a commencé à courir,
— juger que la désignation du docteur [Z] a immédiatement suspendu ce nouveau délai de prescription de 2 ans jusqu’au dépôt de son rapport, le 20 janvier 2012.
En conséquence,
— juger qu’en application de la convention de Varsovie, l’action de M. [J], dans les droits duquel est subrogé le FGTI, n’était pas prescrite avant le 20 janvier 2014,
— juger qu’en tout état de cause, s’agissant d’un dommage corporel, l’action civile de M. [J], et partant du FGTI, n’est pas prescrite puisque M. [J] est consolidé depuis le 5 juillet 2016 et que le délai de prescription est de 10 ans,
— déclarer recevable et non prescrite l’action du FGTI, subrogé dans les droits de M. [J], diligentée par acte du 31 décembre 2013,
— confirmer par conséquent le jugement entrepris,
A titre principal :
— constater que M. [B] a été déclaré coupable du fait de blessures involontaires sur la personne de M. [J] à l’occasion de l’accident d’ULM du 17 octobre 2009,
— constater que les juridictions pénales de première instance et d’appel ont parfaitement caractérisé tant la faute de « M. [B] [qui] n’a pas respecté les hauteurs minimales de vol » que le lien de causalité entre cette faute et les préjudices de M. [J], la cour ayant retenu que « M. [J] subit un préjudice corporel directement causé par l’infraction ».
— constater que les juridictions pénales de première instance et d’appel ont déclaré recevable la constitution de partie civile de M. [J],
— juger que le vol du 17 octobre 2009 à l’origine des blessures de M. [J], était garanti par le contrat d’assurance souscrit auprès de la Réunion Aérienne par la Fédération Française de planeur ultra-léger motorisés auquel avait adhéré M. [B],
— juger que la garantie responsabilité civile ainsi souscrite, quelle que soit la police applicable,
comporte une « clause de sauvegarde des victimes » prévoyant que la clause d’exclusion dont se
prévaut La Réunion Aérienne, relative au « vol en rase-mottes », n’est pas opposable aux victimes ou à leurs ayants-droits,
— juger que la faute de M. [B] à l’origine de l’accident doit être qualifiée de faute inexcusable au sens de l’article 25 de la convention de Varsovie, si bien que la limitation de garantie prévue par la clause de sauvegarde des victimes n’a pas vocation à s’appliquer,
— constater que le contrat d’assurances comporte également une garantie « assurance individuelle accident à la place » qui prévoit en cas de DFP de 40% une indemnisation à hauteur
de 6 400 euros (16 000 euros x 40% = 6 400 euros),
— constater que le FGTI a versé à M. [J] une indemnité globale de 541 622,04 euros en indemnisation du préjudice corporel qu’il a subi du fait de l’accident du 17 octobre 2009,
— juger que le FGTI est subrogé dans les droits de M. [J] à hauteur des sommes ainsi versées,
— constater que M. [B] et La Réunion Aérienne ont refusé de participer aux opérations d’expertise du Professeur [Z] désigné par la CIVI de La Rochelle (Ordonnance du 18 octobre 2016),
En conséquence,
— juger que M. [B] est responsable civilement de l’intégralité des préjudices causés à M. [J] du fait de l’accident du 17 octobre 2009 et devra rembourser au FGTI l’intégralité des indemnités qu’il a versées à M. [J],
— juger que M. [B] a commis une faute inexcusable interdisant à La Réunion Aérienne de voir sa garantie limitée.
En conséquence,
— condamner in solidum M. [B] et La Réunion Aérienne à rembourser au FGTI les indemnités servies à M. [J], pour la somme totale de 541 622,04 euros,
Si par extraordinaire, l’existence d’une faute inexcusable de M. [B] ne devait pas être retenue,
— condamner tout de même M. [B] à rembourser au FGTI les indemnités servies à M. [J] pour la somme totale de 541 622,04 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 juillet 2013 et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ( ancien article 1154 du Code civil).
— condamner La Réunion Aérienne au titre de la garantie « responsabilité civile », in solidum avec M. [B], à payer au FGTI une somme de 114 336 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 juillet 2013 et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil (ancien article 1154 du Code civil).
— condamner en outre La Réunion Aérienne au titre de la garantie « assurance individuelle accident à la place », in solidum avec M. [B], à payer au FGTI une somme complémentaire de 6 400 euros, avec intérêt au taux légal sur la somme de 4 800 euros à compter de l’assignation.
En tout état de cause :
— condamner solidairement M. [B] et La Réunion Aérienne à payer au FGTI une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
— débouter M. [B] et La Réunion Aérienne de l’intégralité de leurs demandes telles que dirigées à l’encontre du FGTI.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2023.
MOTIFS
‘ sur la prescription de l’action
La Réunion Aérienne dit être fondée à opposer au FGTI les mêmes exceptions qu’elle était fondée à opposer à la victime, M. [J], notamment la prescription. Elle expose que l’accident s’étant produit à l’occasion d’un transport aérien, le régime de la prescription est soumis aux conditions de l’article L6421-3 du code des transports découlant des stipulations de la convention de Varsovie du 12 octobre 1929. Elle affirme que le FGTI ne peut se prévaloir des dispositions de droit commun de l’article 2226 du code civil, qui prévoient une prescription de 10 ans en cas de dommage corporel.
Elle fait valoir que M. [J] qui a saisi la CIVI n’a pas interrompu la prescription et qu’il n’a mené aucune action sur ses intérêts civils pour obtenir réparation de son préjudice devant les juridictions de droit commun civiles ou pénales, puisque s’il est constitué partie civile devant le juge pénal il n’a pas formé de demande de réparation ; qu’il a seulement saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de La Rochelle à l’encontre de M. [B], la Réunion Aérienne, la FFPULM aux fins d’expertise. Elle prétend que l’action en référé expertise a suspendu la prescription mais ne l’a pas interrompue, la suspension courant jusqu’au dépôt du rapport. Elle argue de ce que l’article 2239 prévoit que le délai suspendu pendant les opérations d’expertise recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à 6 mois, disposition qui exclut l’effet interruptif de la prescription. Elle expose que le délai a été suspendu le 27 septembre 2011, date de l’ordonnance ordonnant la mesure d’expertise jusqu’au 20 janvier 2012, date de dépôt du rapport, qu’un délai de 1 an 11 mois 10 jours avait couru entre la date de l’accident et la date de l’ordonnance du 27 septembre 2011, que ce délai a recommencé à courir à la date du dépôt du rapport, qu’à cette date il ne restait plus que 20 jours pour totaliser les deux années écoulées, de sorte que le délai qui a recommencé à courir ne pouvait être inférieur à 6 mois, soit jusqu’au 20 juin 2012. Elle en déduit que l’action initiée le 31 décembre 2013 par le FGTI à l’encontre de la Réunion Aérienne est prescrite.
Elle critique le tribunal judiciaire de Nanterre d’avoir combiné l’effet interruptif à l’effet suspensif, alors que la cour de cassation a affirmé que l’effet suspensif de l’article 2239 du code civil écarte l’effet interruptif prévu par l’article L114-2 du code des assurances qui maintient la désignation de l’expert dans la catégorie des modes d’interruption de la prescription biennale (pourvoi n° 15-19792).
En réponse, le FGTI affirme que l’action indemnitaire de M. [J] n’est pas prescrite compte tenu de la date de consolidation en juillet 2016, par effet de l’article 2226 du code civil. Il soutient ensuite que si la cour retenait que le délai de prescription applicable à cette espèce est celui de l’article L6422-5 du code des transports, il n’en demeure pas moins que la prescription n’est pas acquise, que l’article 2241 du code civil prévoit que la demande en justice interrompt le délai de prescription, que cette interruption a pris fin à la date à laquelle l’ordonnance de référé a été rendue, qu’à cette date un nouveau délai de prescription biennale a démarré, soit le 27 septembre 2011, que ce délai a aussitôt été suspendu par effet de l’article 2239 du code civil (19-12.255), du fait de la désignation d’un expert, ce jusqu’au 20 janvier 2012, date de dépôt du rapport, date à laquelle le nouveau délai de deux ans a repris cours, soit jusqu’au 20 janvier 2014. Il en déduit la recevabilité de son action.
Sur ce,
En vertu de l’article L.6422-5 du code des transports, dont l’application au présent litige n’est pas discutée par les parties, l’action en responsabilité contre le transporteur est intentée, sous peine de déchéance, dans le délai de deux ans à compter de l’arrivée à destination, du jour ou l’aéronef aurait dû arriver ou de l’arrêt du transport. L’action en responsabilité, à quelque titre que ce soit, ne peut être exercée que dans les conditions prévues par le présent chapitre.
Ce délai s’applique au recours du FGTI qui exerce un droit propre par subrogation dans le droit d’action de la victime.
Du fait de la subrogation, il peut exercer les droits et actions de M. [J], et bénéficier en conséquence des mêmes causes d’interruption ou de suspension du délai de prescription.
L’article 2241 du code civil prévoit que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion, alors que l’article 2239 du même code dispose que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès et le délai de prescription recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.
La suspension de la prescription ne peut bénéficier qu’à celui qui a formulé la demande de mesure d’instruction, en l’espèce M. [J], dans les droits duquel le FGTI est subrogé.
C’est à tort que la Réunion Aérienne prétend que l’application de l’article 2239 du code civil exclut l’interruption du délai de prescription. Le tribunal a jugé à raison que les deux textes se combinent, le délai de prescription ayant d’abord été interrompu par l’introduction de l’instance en référé par M. [J], puis un nouveau délai a couru au jour de l’ordonnance de décision, lequel a immédiatement été suspendu du fait de la mesure d’instruction ordonnée par le juge des référés. A la date du dépôt du rapport, le 20 janvier 2012, le délai suspendu a repris son cours, pour une durée de deux ans, jusqu’au 20 janvier 2014.
A la date d’introduction de l’instance par le FGTI, ce délai était en cours, de sorte que l’action était recevable.
Aucune disposition ne justifie d’écarter l’interruption du délai de prescription dans le cas où le délai est suspendu du fait de la mesure d’instruction ordonnée.
Le tribunal a exactement jugé que l’action initiée par le FGTI est recevable et la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’action est rejetée. Le jugement est confirmé en ce qu’il a déclaré l’action du Fonds non prescrite.
‘ sur l’absence de créance de droit commun, l’inopposabilité de l’expertise et l’irrecevabilité de la demande du FGTI
La Réunion Aérienne plaide que l’action du Fonds au titre du remboursement de l’indemnisation accordée à la victime ne repose sur aucun fondement en l’absence de créance de droit commun déterminée et débattue au contradictoire des parties et fixée par les juridictions. Elle estime que la demande n’est pas justifiée en l’absence de détermination du dommage poste par poste de préjudices par les juridictions, rappelant que l’expertise menée par le docteur [Z] ne l’était pas au contradictoire de l’assureur et de M. [B] et ne leur est en conséquence pas opposable.
Elle observe que le Fonds est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l’infraction ou tenues à un titre quelconque d’en assurer la réparation le remboursement des indemnités versées, ce dans la limite des réparations à la charge desdites personnes. Elle prétend qu’il n’a jamais été statué sur la responsabilité civile de l’auteur du dommage par les juridictions de droit commun qui n’ont de facto pas fixé la créance en réparation du préjudice, sur la limite et dans la limite de laquelle l’action en remboursement du Fonds pourrait uniquement s’exercer. Elle estime que la somme versée par la CIVI à titre provisionnel ne fixe aucunement la créance du Fonds à l’encontre de l’auteur de l’infraction et de l’assureur, mais seulement celle de la victime à l’égard du Fonds, en déduisant que le montant de l’indemnité fixé par la CIVI n’est pas opposable à l’auteur de l’infraction et à l’assureur, et observant que la CPAM n’a pas été mise dans la cause. Elle affirme qu’elle a discuté le préjudice et son évaluation.
En réponse, le Fonds réplique qu’aucune disposition procédurale n’impose à M. [J] de poursuivre son action indemnitaire devant la juridiction pénale, qu’il était libre de choisir cette procédure autonome menée devant la CIVI et que l’article L422-1 du code des assurances est clair, prévoyant qu’il est subrogé dans les droits de la victime, sans restriction. Il dit être également subrogé dans les droits de M. [J] pour faire fixer la dette de droit commun du responsable, de sorte que ni l’assureur ni le responsable ne peuvent arguer de l’inopposabilité de l’évaluation des préjudices tels que retenus par l’expert. Il observe qu’ils n’ont pas développé d’argument pour contester les évaluations retenues par le docteur [Z], et que les contestations soulevées sur le montant de l’indemnisation ne sauraient prospérer. Il fait remarquer que la créance de la CPAM a été déduite poste par poste, l’organisme social n’étant jamais partie à une instance devant la CIVI.
Sur ce,
Le tribunal a exactement jugé que le recours subrogatoire mené par le Fonds de garantie n’est pas subordonné à la diligence de la victime, l’article 706-11 du code de procédure pénale organisant en effet une procédure autonome sans imposer à la victime de mener à son terme une action contre le responsable ou le cas échéant son assureur.
Le recours subrogatoire ici exercé par le Fonds permet de faire évaluer et fixer la dette réparatoire pesant sur l’auteur de l’infraction, dont la responsabilité est appréciée si elle est discutée.
Il sera rappelé comme l’a fait le tribunal que M. [B] a été reconnu coupable du chef de blessures involontaires sur la personne de M. [J] avec ITT supérieure à trois mois par le tribunal correctionnel de La Rochelle, décision confirmée par la cour d’appel de Poitiers le 11 octobre 2012. La constitution de partie civile de M. [J] a été déclarée recevable et le lien entre le dommage subi par la victime et la faute pénale de M. [B] a été reconnu.
Il résulte de l’enquête menée et dont les principaux éléments ont été rappelés par l’arrêt de condamnation pénale que M. [B] a méconnu la hauteur minimale de vol qui est de 150 pieds pour des entraînements aux atterrissages forcés, situation qui a induit selon l’expert une perception erronée de la vitesse aggravée par la trajectoire suivie par l’appareil avant l’accident, puisque celui-ci volait avec vent de face, conduisant le pilote aux commandes à augmenter la puissance, avant de faire demi-tour, de se retrouver alors en situation de vent arrière, ce qui a eu pour effet d’augmenter la vitesse perçue, et n’a pas permis à M. [B] de percevoir le manque de vitesse air suffisamment à temps. L’intervention du pilote, qui a remis les gaz, lorsqu’il a réalisé cette situation, a été tardive, et la remise en puissance a seulement permis de limiter la vitesse verticale et d’atténuer la violence de l’impact, l’autogire étant alors trop proche du sol.
Ces éléments caractérisent la faute civile de M. [B], à l’origine directe et certaine du dommage subi par M. [J]. La responsabilité de M. [B], lequel ne la conteste pas à hauteur de cour, en l’absence de conclusions de sa part, est ainsi caractérisée. Il est donc tenu de supporter la réparation de l’entier préjudice subi par M. [J].
De la même façon, c’est encore à raison que le tribunal a rappelé que l’expertise menée par le docteur [Z] n’est pas inopposable à La Réunion Aérienne et à M. [B] au seul motif qu’elle n’a pas été menée à leur contradictoire. S’il est exact que le même expert a été désigné par le juge des référés au contradictoire de ces parties et qu’en définitive le docteur [Z] a diligenté ses opérations à l’occasion de la procédure initiée par M. [J] devant la CIVI, procédure à laquelle l’assureur et le pilote de l’ULM n’étaient pas présents, il n’en demeure pas moins que cette expertise a été communiquée à l’occasion de l’instance devant le tribunal de Nanterre et a pu faire l’objet d’un débat contradictoire.
Le Fonds justifie du constat d’accord homologué par la CIVI et des paiements effectués au profit de M. [J] pour une somme globale de 541 622,04 euros en réparation du préjudice subi à la suite de l’accident survenu le 17 octobre 2009, le détail des postes de préjudice étant par ailleurs précisé. Les critiques opposées par la Réunion Aérienne sont de pur principe et ne reposent sur aucune discussion sérieuse de l’évaluation faite par l’expert du préjudice ou de l’estimation faite par la CIVI des postes de préjudice. En toute hypothèse, la Réunion Aérienne excipe également d’une cause d’exclusion de sa garantie, laquelle sera examinée ci-après. M. [B], quant à lui, n’a pas conclu devant la cour.
C’est à tort que la Réunion Aérienne critique l’absence de mise en cause de la CPAM, alors que le recours subrogatoire du Fonds obéit à des règles propres, sans la présence de l’organisme social, dont il faut toutefois observer, comme l’a justement fait le tribunal, que sa créance a été déduite poste par poste.
Le Fonds est recevable en son action subrogatoire initiée à l’encontre du responsable de l’accident et de l’assureur de ce dernier.
‘ sur la limitation de la garantie à la charge de l’assureur en vertu de la clause de sauvegarde et la faute inexcusable invoquée par le Fonds
La Réunion Aérienne soutient que sa garantie est limitée à hauteur de 114 336,76 euros en raison de la clause de sauvegarde des victimes du fait de l’exclusion de garantie à raison du vol opéré en dessous des seuils d’altitude autorisés. Elle soutient que le plafond de garantie prévu par cette clause de sauvegarde est opposable au Fonds, contrairement à ce qu’a jugé ultra petita le tribunal. Elle rappelle qu’il dispose des mêmes droits que M. [J], de sorte qu’elle est fondée à lui opposer les mêmes exceptions dont elle aurait disposé à l’égard de la victime.
Elle prétend que la police en vigueur au moment de l’accident est la police n° 2007/00002 du 1er décembre 2006 à effet du 1er janvier 2007 à expiration du 31 décembre 2009 incluant les vols en ULM dans le champ de l’exclusion de garantie en cas de vol à basse altitude. Rappelant les stipulations contractuelles, elle indique que la clause de sauvegarde de victimes institue un plafond de garantie pour offrir une indemnisation minimale aux victimes alors que le principe est le refus de garantie par l’assureur en raison de l’exclusion.
Elle affirme que cette clause est opposable au Fonds et estime que le tribunal a opéré une confusion entre le plafond de garantie prévu par la clause de sauvegarde des victimes par renvoi à l’article 22 de la convention de Varsovie et le régime de responsabilité en matière de transport aérien qui renvoie à l’article 25 de ladite convention.
Selon elle, le tribunal a confondu également la faute constitutive d’une exclusion de garantie, ici le vol à basse altitude, et la faute inexcusable qui selon le régime de responsabilité permet une réparation intégrale en déplafonnant la limite de responsabilité de l’article 22. Elle rappelle que la limitation de responsabilité du transporteur aérien à 114 336,76 euros est écartée seulement dans l’hypothèse où le demandeur rapporte la preuve d’une faute dite inexcusable commise par le transporteur définie comme la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité d’un dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. Elle ajoute que ce régime de responsabilité trouve à s’appliquer en dehors de toute situation d’exclusion de garantie prévue par le contrat d’assurance, le tribunal ayant cru pouvoir faire application du régime de responsabilité du transporteur au présent cas alors que les circonstances de l’accident sont constitutives d’une cause d’exclusion de garantie qui n’oblige l’assureur pour sauvegarder le droit de la victime que dans la limite de 114 336,76 euros. Elle en déduit que l’assureur engagé par la clause de sauvegarde n’a pu que s’obliger dans la limite de ce plafond-là.
En réponse, le Fonds demande l’application de la clause de sauvegarde des victimes dans la limite du plafond prévu par l’article 22 de la convention de Varsovie tel qu’il est défini à l’article L6421-4 du code des transports. Il oppose que la police applicable est celle en vigueur au moment de la réclamation et non celle en cours à la date de l’accident. Il ajoute que les deux polices prévoient cette clause de sauvegarde. Il affirme que c’est en application de cette clause de sauvegarde que l’assureur entend limiter sa garantie et non en application d’une quelconque clause d’exclusion. Il observe cependant que cette clause ne pourra s’appliquer compte tenu de la faute inexcusable commise par M. [B] et non contestée par son assureur. Il soutient que la Cour de cassation valide le fait que les limites de responsabilité prévues par la convention de Varsovie ne s’appliquent pas.
Sur ce,
La police dont la Réunion Aérienne demande l’application prévoit que les garanties prennent effet à la date à laquelle le licencié s’est acquitté de sa licence, au début de chaque année, de sorte que c’est bien la police souscrite par M. [B] 2007-00002 applicable du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 qui s’applique, car celle en vigueur au moment de l’accident.
Cette police prévoit une exclusion de garantie à l’article 3 d) des conditions générales dans le cas où : « toute perte ou dommage subi du fait de l’utilisation intentionnelle de l’aéronef au-dessous des limites d’altitude de sécurité prévues par la réglementation en vigueur et, en particulier, du fait du vol dit »en rase-mottes« , sauf cas fortuit ou force majeure. »
M. [B] a été reconnu coupable d’une infraction pénale en considération de ce vol à une altitude insuffisante par rapport aux normes de sorte que la Réunion Aérienne est fondée à se prévaloir de cette exclusion de garantie.
Comme rappelé justement par le tribunal, la police d’assurance prévoit à l’annexe B un article 7 b) « sauvegarde des droits des victimes » la clause suivante : « ne sont pas opposables aux victimes ou à leurs ayants droit : (…) Les exclusions prévues aux alinéas c), d), e) de l’article 3 … des conditions générales.
Toutefois, lorsque les victimes sont présentes à bord de l’aéronef, l’assureur ne sera tenu à leur égard ou à l’égard de leurs ayants droit que jusqu’à concurrence du plafond de responsabilité du transporteur aérien prévu par l’article 22 de la Convention, même si cette Convention ou ce plafond ne s’appliquent pas, ou encore si l’assuré ou ses préposés ne pouvaient, pour quelque cause que ce soit, invoquer cette Convention ou ce plafond. »
L’article 22 de la Convention de Varsovie prévoit que le plafond s’élève à 114 336,76 euros.
Conformément aux stipulations contractuelles, la clause de sauvegarde de la victime doit être mise en oeuvre, dans le but de garantir une indemnisation minimale, et ce alors même que l’assureur est fondé à opposer une exclusion de garantie à son assuré. Cette clause contractuelle est opposable au Fonds, qui ne peut avoir plus de droits que la victime.
C »est à raison que l’assureur soutient que seule cette clause doit trouver application et qu’il ne s’agit pas là d’appliquer les principes de responsabilité en cas de transport aérien, mais seulement de mettre en oeuvre les dispositions nées du contrat d’assurance.
Cette clause limite la garantie de l’assureur au plafond d’indemnisation prévu à l’article 22 de la Convention de Varsovie, de sorte qu’il n’y a pas à considérer que l’assureur n’a pu que s’obliger dans les termes de la Convention qui déplafonne l’indemnisation en cas de faute inexcusable du transporteur. Raisonner autrement revient à opérer une confusion entre plafond de garantie et règle applicable à la détermination de la responsabilité. L’existence d’une faute inexcusable est sans incidence sur l’application du plafond prévu par la clause de sauvegarde, laquelle clause permet une indemnisation même en cas de garantie exclue. Le renvoi effectué par le contrat à l’article 22 de la Convention a pour seul but de faire référence au montant du plafond de garantie.
La Réunion Aérienne fait valoir à raison que les circonstances de l’accident sont constitutives d’une cause d’exclusion de garantie qui ne l’oblige pour sauvegarder le droit de la victime que dans la limite de 114 336,76 euros et en déduit qu’engagée par la clause de sauvegarde, elle n’a pu que s’obliger dans la limite de ce plafond-là.
Le débat sur la faute inexcusable du pilote, propre au débat sur la responsabilité de ce celui-ci, est, comme le soutient la Réunion Aérienne, sans objet pour apprécier l’étendue de sa garantie.
C’est de façon erronée qu’il a été dit par le tribunal qu’au motif d’une faute inexcusable du pilote, la garantie due par l’assureur devait être déplafonnée. Seule la question de la garantie due par l’assureur se pose à ce stade et la faute inexcusable du pilote est sans effet sur l’application de la clause de sauvegarde.
Le plafond de garantie applicable du fait de la clause de sauvegarde est opposable au Fonds, subrogé dans les droits de la victime.
En l’absence de critique du jugement par M. [B] sur la faute inexcusable, le jugement est confirmé en ce qu’il l’a condamné à rembourser le Fonds pour la totalité des sommes servies à la victime.
En conséquence, M. [B] est condamné à régler au Fonds la totalité des sommes versées par ce dernier à M. [J]. La Réunion Aérienne doit sa garantie dans les limites contractuelles ci-dessus rappelées et est condamnée in solidum avec M. [B] à hauteur de la somme de 114 336,76 euros, M. [B] étant condamné pour le tout, soit la somme de 541 622,04 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2020, date du jugement, lesquels intérêts seront capitalisés en application de l’article 1343-2 du code civil.
Il n’y a pas lieu de statuer sur la créance de restitution des sommes payées au Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions par la Réunion Aérienne en exécution du jugement, le présent arrêt valant titre exécutoire.
‘ sur la garantie due au titre de « l’assurance individuelle à la place »
La Réunion Aérienne sollicite le rejet de cette prétention du Fonds, affirmant que le capital prévu au contrat n’est versé que dans le cas d’une incapacité de l’assuré résultant d’un accident garanti. Elle observe que l’accident litigieux n’est pas garanti en vertu de la clause d’exclusion.
Elle ajoute qu’il s’agit d’une prestation forfaitaire dont le règlement est directement lié au paiement de la prime et servie au bénéfice de l’assuré spécifié au contrat, que tel n’est pas le cas du Fonds.
En réponse, le Fonds répond que le déficit fonctionnel permanent de M. [J] est de 40 %, que subrogé dans les droits de celui-ci, il est fondé à solliciter l’allocation d’une somme complémentaire de 6 400 euros, que l’assureur ne démontre pas que la réclamation faite par M. [J] l’a été avant le 31 décembre 2009 et donc que la police versée aux débats a vocation à s’appliquer à la cause.
Sur ce,
La clause en débat prévoit, dans la police applicable à la date de l’accident comme jugé plus haut, comme également dans la police postérieure, que la garantie individuelle à la place prévoit le versement d’une somme en cas d’incapacité permanente totale ou partielle pour l’assuré ou pour l’occupant non dénommé de la place passager du pilote ayant souscrit cette garantie pour le cas d’un accident garanti.
Tel n’est pas le cas du présent accident concerné par une cause d’exclusion de la garantie. Dans l’hypothèse d’une telle exclusion, seule la clause de sauvegarde permet l’indemnisation du dommage subi par le passager victime.
Le jugement qui a rejeté cette demande sera ainsi confirmé.
[…]
PAR CES MOTIFS,
La cour, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement, sauf en ce qu’il a dit que la garantie responsabilité civile souscrite par M. [B] comporte une clause de sauvegarde inopposable au Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions, en ce qu’il a dit que la faute de M. [B] doit être qualifiée d’inexcusable et qu’en conséquence la limitation de garantie prévue par la clause de garantie n’a pas vocation à s’appliquer, en ce qu’il a condamné in solidum M. [B] et son assureur la Réunion Aérienne à rembourser au Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions les indemnités servies à M. [J] pour la somme totale de 541 622,04 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Statuant à nouveau,
Dit que la clause d’exclusion de garantie est opposable au Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions et dit y avoir lieu à application de la clause de sauvegarde de la victime,
Condamne M. [B] à payer au Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions la somme de 541 622,04 euros servie à M. [J], avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2020, lesquels intérêts seront capitalisés en application de l’article 1343-2 du code civil,
Condamne la Réunion Aérienne, in solidum avec M. [B], à payer au Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions, à hauteur de la somme de 114 336,76 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2020, lesquels intérêts seront capitalisés en application de l’article 1343-2 du code civil,
Dit que le présent arrêt vaut titre exécutoire au titre des sommes réglées en exécution du jugement entrepris,
[…]