Droit Aerien

INAD/Jurisprudence INAD/Obligation des compagnies aériennes de contrôler les documents de voyage des passagers

Les moyens particuliers déployés par une compagnie pour procéder au contrôle des documents de voyage ne sont pas une circonstance exonératoire en présence d’une irrégularité aisément décelable CAA Paris, 6 mars 2012, n°10PA06022

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Dans le cas de passagers débarqués malgré des documents de voyage manifestement falsifiés, voire absents, n'est pas exonératoire pour la compagnie fautive le fait qu'elle ait déployé selon elle des efforts considérables dans différents aéroports pour procéder au contrôle des documents, et conclu des contrats d'assistance avec des agences spécialisées. En l'espèce, la cour avait refusé la réduction de l'amende demandée par la compagnie sur le fondement de cet argumentaire.

 

Cour administrative d’appel de Paris, 4ème chambre, 6 mars 2012, 10PA06022, inédit au recueil Lebon ;

 

Vu la requête, enregistrée le 22 décembre 2010, présentée pour la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS, dont le siège est 55 boulevard de Strasbourg à Paris (75010), représentée par son représentant légal en exercice, par Me Jackson ; la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0900687/3-3 en date du 16 novembre 2010 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l’annulation de quatre décisions du 24 janvier 2007, référencées R/06/360, R/06/361, R/06/985 et R/06/986, et de deux décisions du 30 janvier 2007, référencées R/06/656 et R/06/657, par lesquelles le ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire lui a infligé, à chaque fois, une amende de 5 000 euros ;

2°) d’annuler les quatre décisions des 24 janvier 2007 et, en tant qu’elles lui infligent une amende supérieure à 1 500 euros, les deux décisions des 30 janvier 2007 ;

3°) à titre subsidiaire, de minorer à 1 500 euros le montant des amendes prononcées par les décisions des 24 janvier 2007 ;

 

[…]

Considérant que la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS fait appel du jugement en date du 16 novembre 2010 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l’annulation de quatre décisions du 24 janvier 2007, référencées R/06/360, R/06/361, R/06/985 et R/06/986, et de deux décisions du 30 janvier 2007, référencées R/06/656 et R/06/657, par lesquelles le ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire lui a infligé, à chaque fois, une amende de 5 000 euros ;

Considérant qu’aux termes L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : Est punie d’une amende d’un montant maximum de 5 000 euros l’entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d’un autre Etat, un étranger non ressortissant d’un Etat de l’Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l’accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité. / Est punie de la même amende l’entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque, dans le cadre du transit, un étranger non ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne et démuni du document de voyage ou du visa requis par la loi ou l’accord international qui lui est applicable compte tenu de sa nationalité et de sa destination  ; qu’aux termes de l’article L. 625-2 du même code : Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l’un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d’Etat. Copie du procès-verbal est remise à l’entreprise de transport intéressée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par l’autorité administrative compétente. L’amende peut être prononcée autant de fois qu’il y a de passagers concernés. Son montant est versé au Trésor public par l’entreprise de transport. / L’entreprise de transport a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d’un mois sur le projet de sanction de l’administration. La décision de l’autorité administrative, qui est motivée, est susceptible d’un recours de pleine juridiction. / L’autorité administrative ne peut infliger d’amende à raison de faits remontant à plus d’un an  ; qu’en vertu de l’article L. 625-5 de ce code, l’amende prévue à l’article L. 625-1 n’est pas infligée lorsque l’étranger a été admis sur le territoire français au titre d’une demande d’asile qui n’était pas manifestement infondée ou lorsque l’entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l’embarquement et qu’ils ne comportaient pas d’élément d’irrégularité manifeste ;

Considérant qu’il appartient au juge administratif, saisi d’un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende sur le fondement des dispositions précitées du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, de statuer sur le bien-fondé de la décision contestée et de réduire, le cas échéant, le montant de l’amende infligée en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce ;

Sur la décision du 24 janvier 2007 référencée R/06/360 :

Considérant que le ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire a infligé à la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS une amende de 5 000 euros, sur le fondement des dispositions de l’article L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, au motif que la compagnie aérienne avait débarqué le 5 février 2006 à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle Mme X se disant , de nationalité indéterminée, en provenance de Tripoli, munie d’un passeport manifestement falsifié et qu’elle avait ainsi manqué à ses obligations de contrôle ;

Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction qu’un brigadier-chef de police en fonction à la direction de la police de l’air et des frontières de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle a dressé un procès-verbal, le 5 février 2006 à 12h30, constatant que la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS avait débarqué une personne munie d’un titre de voyage allemand établie sous le nom de et que ce titre de voyage était manifestement falsifié ; qu’il résulte de l’instruction, et en particulier de l’annexe à ce procès-verbal, et qu’il n’est pas sérieusement contesté, que le timbre humide sur la partie apposée sur la photographie figurant dans ce document de voyage a été refait et qu’il comportait des différences d’épaisseur des traits et de caractères avec l’autre partie du timbre humide ; que cette irrégularité était en l’espèce visible à l’oeil nu ; que le document en cause comportait dès lors des éléments d’irrégularité manifeste ; que, par suite, la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS a manqué aux obligations qui lui incombent en application de l’article L. 625-1 précité ;

Considérant, d’autre part, que si la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS fait valoir, pour demander une réduction de l’amende, les efforts considérables qu’elle a déployés, dans différents aéroports, pour procéder aux contrôles des documents de voyages de ses passagers, et fait état des contrats d’assistance qu’elle a conclus avec des agences spécialisées afin d’optimiser le travail de contrôle effectué par ses propres salariés, ces éléments ne constituent pas, par eux-mêmes, des circonstances particulières qui seraient de nature à permettre une réduction de l’amende au regard du manquement constaté dans le cas de Mme X se disant  ; qu’ainsi, compte tenu du caractère aisément décelable de l’irrégularité relevée, de l’absence de collaboration de la compagnie avec les services de police au moment du débarquement ou de toute autre circonstance particulière, la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS n’est pas fondée à demander la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée par la décision contestée ;

Sur les décisions du 24 janvier 2007 référencées R/06/361, R/06/985 et R/06/986 :

Considérant que le ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire a infligé à la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS trois amendes de 5 000 euros chacune, sur le fondement des dispositions de l’article L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, au motif que la compagnie aérienne avait débarqué le 9 mars 2006 à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, en provenance de Tripoli, Mme Kadidiatou, de nationalité malienne, accompagnée de ses enfants, Mlle Hatouma et Mlle Hawa, lesquelles étaient munies d’un visa et d’un passeport manifestement falsifié, et qu’elle avait ainsi manqué à ses obligations de contrôle ;

Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction qu’un brigadier-chef de police en fonction à la direction de la police de l’air et des frontières de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle a dressé trois procès-verbaux, le 9 mars 2006, respectivement à 11h50, 12h00 et 12h05, constatant que la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS avait débarqué Mme Kadidiatou, munie d’un visa manifestement falsifié, accompagnée de deux des enfants qui figuraient sur son passeport lequel était lui aussi manifestement falsifié ; qu’il résulte de l’instruction, et en particulier de l’annexe à ces procès-verbaux, que les trois enfants de Mme ont été inscrits, de manière manuscrite, sur le visa de cette dernière, qu’une mention typographique + 3X a également été rajoutée sur ce visa et, enfin, qu’il existait une discordance évidente entre l’âge des enfants inscrit sur le passeport de Mme (11 ans, 9 ans et 7 ans) et celui des enfants représentés sur les photographies ; que ces irrégularités étaient en l’espèce visibles à l’oeil nu ; que les documents en cause comportaient dès lors des éléments d’irrégularité manifeste ; que, par suite, la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS a manqué aux obligations qui lui incombent en application de l’article L. 625-1 précité ;

Considérant, d’autre part, que si la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS fait valoir, pour demander une réduction de l’amende, les efforts considérables qu’elle a déployés, dans différents aéroports, pour procéder aux contrôles des documents de voyages de ses passagers, et fait état des contrats d’assistance qu’elle a conclus avec des agences spécialisées afin d’optimiser le travail de contrôle effectué par ses propres salariés, ces éléments ne constituent pas, par eux-mêmes, des circonstances particulières qui seraient de nature à permettre une réduction de l’amende au regard des manquements constatés dans le cas de Mme et de ses enfants ; qu’ainsi, compte tenu du caractère aisément décelable de l’irrégularité relevée, de l’absence de collaboration de la compagnie avec les services de police au moment du débarquement ou de toute autre circonstance particulière, la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS n’est pas fondée à demander la réduction du montant des amendes qui lui ont été infligées par les décisions contestées ;

Sur la décision du 30 janvier 2007 référencée R/06/656 :

Considérant que le ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire a infligé à la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS une amende de 5 000 euros, sur le fondement des dispositions de l’article L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, au motif que la compagnie aérienne avait débarqué le 6 juin 2006 à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle M. X se disant , de nationalité indéterminée, en provenance de Tripoli, muni d’un passeport manifestement falsifié et qu’elle avait ainsi manqué à ses obligations de contrôle ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction et n’est pas contesté que le passeport de M. X se disant comportait des éléments d’irrégularité manifeste lors de son débarquement par la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS ; que si la compagnie requérante soutient qu’elle n’a pas embarqué sur son vol des personnes démunies de documents de voyage, elle ne produit toutefois aucun document, et en particulier pas la photocopie d’un passeport de l’intéressé dépourvu d’irrégularités manifestes, de nature à établir qu’elle aurait bien en l’espèce respecté les obligations qui lui incombent en application de l’article L. 625-1 précité ; que si la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS fait également valoir, pour demander une réduction de l’amende, les efforts considérables qu’elle a déployés, dans différents aéroports, pour procéder aux contrôles des documents de voyages de ses passagers, et fait état des contrats d’assistance qu’elle a conclus avec des agences spécialisées afin d’optimiser le travail de contrôle effectué par ses propres salariés, ces éléments ne constituent pas, par eux-mêmes, des circonstances particulières qui seraient de nature à permettre une réduction de l’amende au regard du manquement constaté dans le cas de M. X se disant  ; qu’ainsi, compte tenu du caractère aisément décelable de l’irrégularité relevée, de l’absence de collaboration de la compagnie avec les services de police au moment du débarquement ou de toute autre circonstance particulière, la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS n’est pas fondée à demander la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée par la décision contestée ;

Sur la décision du 30 janvier 2007 référencée R/06/657 :

Considérant que le ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire a infligé à la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS une amende de 5 000 euros, sur le fondement des dispositions de l’article L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, au motif que la compagnie aérienne avait débarqué le 8 juin 2006 à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle Mme Catherine, de nationalité camerounaise, en provenance de Tripoli, démunie de visa et qu’elle avait ainsi manqué à ses obligations de contrôle ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction et n’est pas contesté que Mme était démunie de visa lors de son débarquement par la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS ; que si la compagnie requérante soutient qu’elle n’a pas embarqué sur son vol des personnes démunies de documents de voyage, elle ne produit toutefois aucun document, et en particulier pas la photocopie du visa de l’intéressée, de nature à établir qu’elle aurait bien en l’espèce respecté les obligations qui lui incombent en application de l’article L. 625-1 précité ; que si la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS fait valoir, pour demander une réduction de l’amende, les efforts considérables qu’elle a déployés, dans différents aéroports, pour procéder aux contrôles des documents de voyages de ses passagers, et fait état des contrats d’assistance qu’elle a conclus avec des agences spécialisées afin d’optimiser le travail de contrôle effectué par ses propres salariés, ces éléments ne constituent pas, par eux-mêmes, des circonstances particulières qui seraient de nature à permettre une réduction de l’amende au regard du manquement constaté dans le cas de Mme  ; qu’ainsi, compte tenu du caractère aisément décelable de l’irrégularité relevée, de l’absence de collaboration de la compagnie avec les services de police au moment du débarquement ou de toute autre circonstance particulière, la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS n’est pas fondée à demander la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée par la décision contestée ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l’annulation des quatre décisions du 24 janvier 2007 et des deux décisions du 30 janvier 2007 contestées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la compagnie AFRIQIYAH AIRWAYS est rejetée.