Cour administrative d’appel de Paris, 7ème chambre, 10 décembre 2018, 17PA03671, inédit au recueil Lebon ;
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La compagnie X… a demandé au Tribunal administratif de Paris d’annuler la décision du 3 mai 2016 par laquelle le ministre de l’intérieur lui a infligé une amende de 5 000 euros en application de l’article L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Par un jugement n° 1610422 du 3 octobre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2017, et un mémoire enregistré le 28 septembre 2018, la compagnie X…, représentée par Me B…, demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1610422 du 3 octobre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d’annuler cette décision du ministre de l’intérieur en date du 3 mai 2016 ou de la décharger de l’amende ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
[…]
Considérant ce qui suit :
1. La compagnie X… relève appel du jugement du 3 octobre 2017 du Tribunal administratif de Paris rejetant sa demande d’annulation de la décision en date du 3 mai 2016 par laquelle le ministre de l’intérieur lui a infligé, sur le fondement de l’article L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, une amende de 5 000 euros pour avoir, le 21 mai 2015, débarqué sur le territoire français une personne de nationalité syrienne, en provenance de Singapour, titulaire d’un visa Schengen qui s’est révélé contrefait.
2. Aux termes de l’article L. 6421-2 du code des transports : « Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu’après justification qu’ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d’arrivée et aux escales prévues ». Par ailleurs, selon l’article L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d’un Etat avec lequel ne s’applique pas l’acquis de Schengen, un étranger non ressortissant d’un Etat de l’Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l’accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité est punie d’une amende d’un montant maximum de 10 000 euros. En vertu de l’article L. 625-2, l’entreprise de transport a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d’un mois sur le projet de sanction de l’administration. Enfin, en vertu du 2° de l’article L. 625-5, l’amende n’est pas infligée lorsque l’entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l’embarquement et qu’ils ne comportaient pas d’élément d’irrégularité manifeste.
3. Ces dispositions imposent à l’entreprise de transport de vérifier que l’étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d’irrégularité manifeste, décelable par un examen normalement attentif de ses agents.
4. Il résulte de l’examen de la copie du visa Schengen produite par l’administration, et alors que l’original du document lui a été vainement demandé dans le cadre de l’instruction de la présente affaire, que ne peuvent être qualifiées de manifestes les anomalies retenues pour fonder la sanction, à savoir d’une part, que la micro-ligne de sécurité « EUR » située sous l’en-tête « VISA » est altérée, que le fond d’impression présente à cet endroit une mauvaise définition ainsi qu’une mauvaise irisation des couleurs, d’autre part, que l’altération du fond d’impression se retrouve non seulement autour de la pastille holographique où les guillochis altérés manquent de détail et de netteté, mais aussi au centre du document où les lettres de sécurité « EUR » sont peu visibles et l’irisation des couleurs est de mauvaise qualité. Par ailleurs, la « planche comparative » également produite par l’administration, si elle permet de comparer les détails en cause de la copie à ceux d’un document authentique, ne permet pas davantage d’en déduire que les anomalies présentaient un caractère manifeste sur l’original, aisément décelable à l’oeil nu par le personnel de la compagnie aérienne, même formé à ces questions. Dans ces conditions, la compagnie X… doit être regardée comme établissant que la falsification du document présenté par l’étranger n’était pas manifeste.
5. Il résulte de ce qui précède que la compagnie X… est fondée à soutenir, sans qu’il soit besoin d’examiner le moyen relatif à la procédure suivie, que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la sanction qui lui a été infligée le 3 mai 2016.
6. Enfin, il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l’Etat, partie perdante, le versement à la compagnie X… d’une somme de 1 500 euros au titre des frais de l’instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1610422 du 3 octobre 2017 du Tribunal administratif de Paris et la décision du ministre de l’intérieur en date du 3 mai 2016 sont annulés.
Article 2 : L’Etat versera à la compagnie X… la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la compagnie X… et au ministre de l’intérieur.
Observations :
Ont été rendus par la même juridiction, le même jour, dans le même sens, un arrêt n°17PA03676 et un arrêt n°17PA03684.