Cour administrative d’appel de Paris, 6ème chambre, 9 juin 2020, 19PA01770, inédit au recueil Lebon ;
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La compagnie R… a demandé au Tribunal administratif de Paris à titre principal, d’annuler la décision du 27 juin 2017 par laquelle le ministre de l’intérieur lui a infligé une amende de 5 000 euros sur le fondement des articles L. 625-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ou, subsidiairement de réduire à 500 euros le montant de l’amende et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1713442 du 3 avril 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 mai 2019, la compagnie R…, représentée par Me B…, demande à la Cour :
1°) d’annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 3 avril 2019 ;
2°) d’annuler la décision du ministre de l’intérieur du 27 juin 2017 lui infligeant une amende de 5 000 euros ou de la décharger de cette amende ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
[…]
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 27 juin 2017, le ministre de l’intérieur a infligé à la compagnie R…, sur le fondement des articles L. 625-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, une amende de 5 000 euros au motif qu’elle avait débarqué sur le territoire français, le 28 août 2016 un passager titulaire d’un passeport marocain ne respectant pas les conditions de l’article 6 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016. La compagnie R… a saisi le tribunal administratif de Paris d’une demande tendant à l’annulation de cette décision ou, subsidiairement à la réduction du montant de l’amende qu’elle prononce, mais le tribunal a rejeté cette demande par jugement du 3 avril 2019 dont cette compagnie aérienne interjette appel.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l’article L. 6421-2 du code des transports : « Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu’après justification qu’ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d’arrivée et aux escales prévues. ». Aux termes de l’article L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : « Est punie d’une amende d’un montant maximum de 5 000 euros l’entreprise de transport aérien (…) qui débarque, dans le cadre du transit, un étranger non ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne et démuni du document de voyage ou du visa requis par la loi ou l’accord international qui lui est applicable compte tenu de sa nationalité et de sa destination. ». Aux termes de l’article L. 625-2 du même code : « Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l’un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d’Etat. Copie du procès-verbal est remise à l’entreprise de transport intéressée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par l’autorité administrative compétente. (…) Son montant est versé au Trésor public par l’entreprise de transport. / L’entreprise de transport a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d’un mois sur le projet de sanction de l’administration. La décision de l’autorité administrative, qui est motivée, est susceptible d’un recours de pleine juridiction (…) ». Aux termes de l’article L. 625-5 du même code: « Les amendes prévues aux articles L. 625-1, et L. 625-4 ne sont pas infligées : (…) 2° Lorsque l’entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l’embarquement et qu’ils ne comportaient pas d’élément d’irrégularité manifeste. ».
3. Il résulte tant de ces dispositions, adoptées en vue de donner leur plein effet aux stipulations de l’article 26 de la convention de Schengen, signée le 19 juin 1990, que de l’interprétation qu’en a donnée le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 92-307 DC du 25 février 1992, qu’elles font obligation aux transporteurs aériens de s’assurer, au moment des formalités d’embarquement, que les voyageurs ressortissants d’Etats non membres de l’Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si ces dispositions n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l’étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d’éléments d’irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l’entreprise de transport. En l’absence d’une telle vérification, à laquelle le transporteur est d’ailleurs tenu de procéder en vertu de l’article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l’amende administrative prévue par les dispositions citées ci-dessus.
4. Aux termes de l’article 6 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 : » 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des États membres, d’une durée n’excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours, ce qui implique d’examiner la période de 180 jours précédant chaque jour de séjour, les conditions d’entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : / a) être en possession d’un document de voyage en cours de validité autorisant son titulaire à franchir la frontière qui remplisse les critères suivants: / i) sa durée de validité est supérieure d’au moins trois mois à la date à laquelle le demandeur a prévu de quitter le territoire des États membres. Toutefois, en cas d’urgence dûment justifiée, il peut être dérogé à cette obligation ; / (…) « .
5. Il ressort des termes mêmes de ce règlement que l’exigence relative à une durée de validité du passeport supérieure d’au moins trois mois à la date à laquelle la personne a prévu de quitter le territoire des états membres ne comporte pas de dérogation liée à la détention d’un visa Schengen quelle qu’en soit la date de fin de validité. Dès lors si la compagnie R… fait valoir que M. A…, pour prendre le 28 août 2016 un vol de cette compagnie au départ de Casablanca à destination de Paris, disposait d’un visa Schengen valide jusqu’au 10 septembre 2016, soit postérieurement à ce voyage, cette circonstance ne dispensait pas les agents de la société requérante de s’assurer que, en application des dispositions citées ci-dessus, son passeport présentait bien la durée de validité requise par ces dispositions. Or, le simple rapprochement de la date d’expiration de ce passeport, soit le 17 novembre 2016, avec la date prévue de son départ du territoire des Etats membres, nécessairement postérieure au 28 août 2016, aurait dû les conduire à refuser son embarquement, alors même que son visa Schengen était valide jusqu’au 10 septembre 2016. Par suite la société requérante n’est pas fondée à soutenir qu’elle n’aurait pas commis d’erreur flagrante et par voie de conséquence à demander l’annulation de la décision attaquée et la décharge de l’amende litigieuse.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la compagnie R… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut dès lors qu’être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la compagnie R… est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la compagnie R… et au ministre de l’intérieur.