Droit Aerien

Règlement (CE) n° 261/2004/Définitions

La notion de « annulation » ne vise pas exclusivement l’hypothèse de l’absence de tout décollage de l’avion concerné, mais couvre également le cas où cet avion a décollé, mais, pour quelque raison que ce soit, a été par la suite contraint de retourner à l’aéroport de départ et où les passagers dudit avion ont été transférés sur d’autres vols. – CJUE, 13 octobre 2011, Rodriguez, C-83/10

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La notion d’«annulation», telle que définie à l’article 2, sous l), du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91, doit être interprétée en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause au principal, elle ne vise pas exclusivement l’hypothèse de l’absence de tout décollage de l’avion concerné, mais couvre également le cas où cet avion a décollé, mais, pour quelque raison que ce soit, a été par la suite contraint de retourner à l’aéroport de départ et où les passagers dudit avion ont été transférés sur d’autres vols.

Texte Intégral

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

13 octobre 2011 (*)

«Renvoi préjudiciel – Transport aérien – Règlement (CE) nº 261/2004 –Article 2, sous l) – Indemnisation des passagers en cas d’annulation d’un vol – Notion d’‘annulation’ – Article 12 – Notion d’‘indemnisation complémentaire’ – Indemnisation en vertu du droit national»

Dans l’affaire C‑83/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de lo Mercantil nº 1 de Pontevedra (Espagne), par décision du 1er février 2010, parvenue à la Cour le 11 février 2010, dans la procédure

Aurora Sousa Rodríguez,

Yago López Sousa,

Rodrigo Manuel Puga Lueiro,

Luis Ángel Rodríguez González,

María del Mar Pato Barreiro,

Manuel López Alonso,

Yaiza Pato Rodríguez

contre

Air France SA,

[…]

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, sous l), et 12 du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91 (JO L 46, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant sept passagers à Air France SA (ci-après «Air France») au sujet de l’indemnisation du préjudice qu’ils estiment avoir subi à la suite des retards importants et des désagréments occasionnés par les problèmes techniques rencontrés par l’avion de cette compagnie aérienne lors d’un vol reliant Paris (France) à Vigo (Espagne).

[…]

Le litige au principal et les questions préjudicielles

19      Les requérants au principal ont conclu avec Air France un contrat de transport aérien en vue de les emmener de Paris (France) à Vigo (Espagne) par le vol 5578 de ladite compagnie. Ce vol était fixé à la date du 25 septembre 2008, avec un départ de l’aéroport Paris-Charles de Gaulle à 19 h 40.

20      Quelques minutes après le décollage de l’avion à l’heure prévue, le pilote a décidé de faire demi-tour vers son point de départ, l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle, en raison d’une défaillance technique de l’avion. Après le retour à l’aéroport d’origine, rien n’indique dans le dossier au principal que l’avion ait ensuite redécollé et soit parvenu, avec retard, à sa destination.

21      Trois des passagers du vol concerné ont été invités à prendre un vol partant le lendemain, le 26 septembre 2008, à 7 h 05, de l’aéroport de Paris-Orly, à destination de Porto (Portugal), d’où ils ont gagné Vigo au moyen d’un taxi. Un autre voyageur s’est vu proposer d’emprunter, le même jour, un vol de Paris à Vigo, via Bilbao. Quant aux passagers restants, Air France les a placés sur son vol Paris-Vigo, décollant également le 26 septembre 2008, à la même heure que celui ayant connu l’avarie (19 h 40). À l’exception de l’un de ceux-ci, aucun passager du vol de la veille n’aurait été hébergé aux frais d’Air France ou n’aurait reçu une quelconque assistance de cette compagnie aérienne.

22      Sept des passagers du vol 5578, à savoir les requérants au principal, ont assigné Air France en dommages et intérêts devant le Juzgado de lo Mercantil nº 1 de Pontevedra (tribunal de commerce de Pontevedra), pour inexécution du contrat de transport aérien.

23      Les requérants au principal sollicitent l’indemnisation visée à l’article 7 du règlement n° 261/2004 à concurrence du montant forfaitaire de 250 euros chacun, tel que prévu par cette disposition. L’un des requérants réclame, en outre, le remboursement des frais qu’il a dû exposer pour son transfert en taxi de l’aéroport de Porto jusqu’à Vigo. Un autre requérant demande le remboursement de ses frais de repas pris à l’aéroport de Paris, ainsi que ceux liés au gardiennage de son chien durant une journée de plus que celle initialement prévue. Tous les requérants demandent, enfin, la condamnation d’Air France à leur payer une somme supplémentaire au titre de la réparation du dommage moral qu’ils estiment avoir subi.

24      C’est dans ces circonstances que le Juzgado de lo Mercantil nº 1 de Pontevedra a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      [L]a notion d’’annulation’ définie à l’article 2, sous l), [du règlement n° 261/2004] doit[-elle] être interprétée comme visant exclusivement l’absence de départ du vol à l’horaire prévu ou comme couvrant également tous les cas où un vol avec réservation aurait décollé mais n’aurait pas atteint sa destination, y compris le cas du retour forcé à l’aéroport d’origine pour des raisons techniques[?]

2)      [L]a notion d’’indemnisation complémentaire’, visée à l’article 12 de ce règlement, doit[-elle] être interprétée en ce sens qu’elle permet au juge national d’octroyer, en cas d’annulation, des dommages et intérêts couvrant également le préjudice moral qui résulte d’une inexécution du contrat de transport aérien, conformément aux critères dégagés par la législation et la jurisprudence nationales en matière d’inexécution contractuelle, ou bien, au contraire, en ce sens que cette indemnisation n’a trait qu’aux dépenses effectuées par les passagers qui ont été valablement justifiées et insuffisamment remboursées par le transporteur aérien eu égard aux dispositions des articles 8 et 9 du [règlement n° 261/2004], sans que ces dispositions aient été invoquées, ou enfin, en ce sens que ces deux notions d’indemnisation complémentaire sont compatibles entre elles[?]»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

25      Aux fins de l’indemnisation des passagers sur le fondement des dispositions combinées des articles 5 et 7 du règlement n° 261/2004, la juridiction de renvoi, appelée à déterminer si le vol en cause peut être qualifié d’«annulé», au sens de l’article 2, sous l), de ce règlement, demande, en substance, si la notion d’«annulation» vise exclusivement l’hypothèse de l’absence de tout décollage de l’avion concerné ou si elle couvre également le cas où cet avion, bien qu’ayant décollé, a été contraint de retourner à l’aéroport de départ, par la suite d’une défaillance technique de l’appareil.

26      Il convient d’emblée de rappeler que l’article 2, sous l), dudit règlement définit l’«annulation» comme «le fait qu’un vol qui était prévu initialement et sur lequel au moins une place était réservée n’a pas été effectué». Avant de pouvoir déterminer le sens de la notion d’«annulation», il convient donc préalablement de préciser celui de la notion de «vol», au sens de cet article.

27      À cet égard, la Cour a déjà considéré qu’un vol consiste, en substance, en une opération de transport aérien, étant ainsi, d’une certaine manière, une «unité» de ce transport, réalisée par un transporteur aérien qui fixe son itinéraire (arrêt du 10 juillet 2008, Emirates Airlines, C‑173/07, Rec. p. I‑5237, point 40). En outre, elle a précisé que l’itinéraire constitue un élément essentiel du vol, ce dernier étant effectué conformément à une programmation fixée à l’avance par le transporteur (arrêt du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a., C‑402/07 et C‑432/07, Rec. p. I‑10923, point 30).

28      Le terme «itinéraire» désignant le parcours à effectuer par l’avion de l’aéroport de départ à l’aéroport d’arrivée, selon une chronologie établie, il s’ensuit que, pour qu’un vol puisse être considéré comme effectué, il ne suffit pas que l’avion soit parti conformément à l’itinéraire prévu, mais encore faut-il qu’il ait atteint sa destination telle que figurant dans ledit itinéraire. Or, la circonstance que le décollage ait été assuré, mais que l’avion soit ensuite revenu à l’aéroport de décollage sans avoir atteint la destination figurant dans l’itinéraire, a pour effet que le vol, tel qu’il était prévu initialement, ne saurait être considéré comme ayant été effectué.

29      Ensuite, il ne découle nullement de la définition de l’article 2, sous l), du règlement n° 261/2004 que, au-delà du fait que le vol initialement prévu n’a pas été effectué, l’«annulation» de ce vol, au sens de cet article, requerrait l’adoption d’une décision explicite d’annuler celui-ci.

30      À cet égard, la Cour a précisé qu’il était possible, en principe, de conclure à une annulation lorsque le vol initialement prévu et retardé est reporté sur un autre vol, c’est-à-dire lorsque la programmation du vol initial est abandonnée et que les passagers de ce dernier rejoignent ceux d’un vol également programmé, cela indépendamment du vol pour lequel les passagers ainsi transférés avaient effectué leur réservation (arrêt Sturgeon e.a., précité, point 36).

31      Dans une telle situation, il n’est aucunement nécessaire que tous les passagers qui avaient réservé une place sur le vol initialement prévu soient transportés sur un autre vol. Seule importe, à cet égard, la situation individuelle de chaque passager ainsi transporté, c’est-à-dire le fait que, s’agissant du passager concerné, la programmation initiale du vol a été abandonnée.

32      À cet égard, il convient d’observer que tant l’article 1er, paragraphe 1, sous b), que les dixième et dix-septième considérants du règlement n° 261/2004, dans différentes versions linguistiques du règlement, font référence à l’annulation de «leur» vol.

33      Ainsi, il est constant que tous les requérants au principal ont été transférés sur d’autres vols, programmés le lendemain du jour du départ prévu, leur permettant d’atteindre leur destination finale, à savoir Vigo, pour certains moyennant une correspondance. «Leur» vol initialement prévu doit, par conséquent, être qualifié d’«annulé».

34      Enfin, il convient de relever que le motif pour lequel l’avion a été contraint de revenir à l’aéroport de départ et n’a, dès lors, pas atteint sa destination est dénué d’incidence sur la qualification d’«annulation», au sens de la définition susmentionnée de l’article 2, sous l), du règlement n° 261/2004. En effet, ce motif est seulement pertinent pour déterminer, dans le cadre de l’indemnisation du préjudice subi par les passagers en raison de l’annulation de leur vol, si, le cas échéant, ladite annulation «est due à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises», au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 261/2004, auquel cas aucune indemnisation n’est due.

35      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que la notion d’«annulation», telle que définie à l’article 2, sous l), du règlement n° 261/2004, doit être interprétée en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause au principal, elle ne vise pas exclusivement l’hypothèse de l’absence de tout décollage de l’avion concerné, mais couvre également le cas où cet avion a décollé, mais, pour quelque raison que ce soit, a été par la suite contraint de retourner à l’aéroport de départ et où les passagers dudit avion ont été transférés sur d’autres vols.

[…]

1)      La notion d’«annulation», telle que définie à l’article 2, sous l), du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91, doit être interprétée en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause au principal, elle ne vise pas exclusivement l’hypothèse de l’absence de tout décollage de l’avion concerné, mais couvre également le cas où cet avion a décollé, mais, pour quelque raison que ce soit, a été par la suite contraint de retourner à l’aéroport de départ et où les passagers dudit avion ont été transférés sur d’autres vols.