Cour administrative d’appel de Paris, 4ème chambre, 6 mai 2014, 13PA01454, inédit au recueil Lebon ;
Vu la requête, enregistrée le 15 avril 2013, présentée pour la compagnie X… […] ; la compagnie X… demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1205620/3-2 en date du 13 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 31 janvier 2012 du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration lui infligeant une amende de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
2°) d’annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
[…]
1. Considérant que, par une décision du 31 janvier 2012, le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration a infligé à la compagnie X… une amende de 2 500 euros, sur le fondement des dispositions de l’article L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, au motif que la compagnie aérienne avait débarqué le 5 avril 2011 à l’aéroport de Roissy un passager se disant Andy Monday Oviarobo, de nationalité indéterminée, en provenance de Bristol et pourvu d’un document de voyage manifestement usurpé, et qu’elle avait ainsi manqué à ses obligations de contrôle ; que, par la présente requête, la compagnie X… relève régulièrement appel du jugement en date du 13 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision ;
Sur les conclusions aux fins d’annulation :
2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 6421-2 du code des transports : « Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu’après justification qu’ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d’arrivée et aux escales prévues » ; que selon l’article L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Est punie d’une amende d’un montant maximum de 5 000 euros l’entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d’un autre Etat, un étranger non ressortissant d’un Etat de l’Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l’accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité / Est punie de la même amende l’entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque, dans le cadre du transit, un étranger non ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne et démuni du document de voyage ou du visa requis par la loi ou l’accord international qui lui est applicable compte tenu de sa nationalité et de sa destination » ; que l’article L. 625-2 du même code dispose que : « Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l’un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d’Etat. Copie du procès-verbal est remise à l’entreprise de transport intéressée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par l’autorité administrative compétente. L’amende peut être prononcée autant de fois qu’il y a de passagers concernés. Son montant est versé au Trésor public par l’entreprise de transport. / L’entreprise de transport a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d’un mois sur le projet de sanction de l’administration. La décision de l’autorité administrative, qui est motivée, est susceptible d’un recours de pleine juridiction. / L’autorité administrative ne peut infliger d’amende à raison de faits remontant à plus d’un an » ; qu’aux termes de l’article L. 625-5 du même code : « Les amendes prévues aux articles L 625-1, L. 625-3 et L. 625-4 ne sont pas infligées : / (…) Lorsque l’entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l’embarquement et qu’ils ne comportaient pas d’élément d’irrégularité manifeste » ;
3. Considérant qu’il résulte tant des dispositions précitées, adoptées en vue de donner leur plein effet aux stipulations de l’article 26 de la convention de Schengen signée le 19 juin 1990, que de l’interprétation qu’en a donnée le Conseil constitutionnel dans sa décision susvisée du 25 février 1992, qu’elles font obligation aux transporteurs aériens de s’assurer, au moment des formalités d’embarquement, que les voyageurs ressortissants d’Etats non membres de l’Union européenne sont en possession de documents de voyage, le cas échéant, revêtus des visas exigés par les textes, leur appartenant, non falsifiés et valides ; que si ces dispositions n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l’étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas des éléments d’irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l’entreprise de transport ; qu’en l’absence d’une telle vérification, le transporteur encourt l’amende administrative prévue par l’article L. 625-1 précité;
4. Considérant qu’en l’espèce, il ressort des pièces du dossier d’appel que, le 4 juin 2010, M. A… se disant M. B… C…, de nationalité indéterminée, a débarqué à l’aéroport de Roissy en provenance du vol référencé X… mais opéré par la société A… ; que, par suite, il ne pouvait pas être reproché à la compagnie X… de ne pas avoir constaté, au moment des formalités d’embarquement à l’aéroport de Bristol auxquelles elle n’a pas procédé, que l’intéressé était en possession d’un document de voyage manifestement usurpé ;
5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la compagnie X… est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 31 janvier 2012 contestée ; qu’il y a lieu, par suite, de faire droit à cette demande ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu’il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 800 euros au titre des frais exposés par la compagnie X… et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n°1205620/3-2 du 13 février 2013 et la décision du 31 janvier 2012 par laquelle le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration a infligé à la compagnie X… une amende de 2 500 euros sont annulés.
Article 2 : L’Etat versera à la compagnie X… une somme de 800 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.