Droit Aerien

Aéroports/Redevances et taxes/Compétence/Redevances aéroportuaires

Compétence du juge administratif en matière de rétention d’aéronefs liée au non-paiement des redevances dues par l’exploitant – Tribunal des Conflits, 19 janvier 2004, n° C3386

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Le litige né de la mise en oeuvre d’une mesure de rétention d'aéronef n’est pas au nombre de ceux qui relèvent de la compétence judiciaire au titre des relations entre un établissement industriel et commercial et ses usagers, alors même que cette décision a pour origine le défaut de paiement, par l’exploitant des aéronefs, des redevances aéroportuaires recouvrées par un tel établissement en rémunération de services à caractère industriel et commercial.

 

[…]

Considérant que la compagnie A ne s’étant pas acquittée des redevances aéroportuaires, le directeur général d’Aéroports de Paris a décidé, le 6 février 2003, de retenir au sol deux aéronefs qu’elle exploitait ; que la SOCIETE C, qui voulait reprendre possession de ses deux avions après résiliation du contrat de location en raison de la perte, par la compagnie Air Lib, de sa licence d’exploitation, estimant que leur rétention était abusive et constitutive d’une voie de fait, a assigné l’établissement Aéroports de Paris devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir la levée de la mesure de rétention ainsi que sa condamnation à réparer le préjudice qu’elle subissait ;

Sur les conclusions d’Aéroports de Paris aux fins de non-lieu à statuer :

Considérant que si, par décision du 17 juillet 2003, le directeur général d’Aéroports de Paris a levé les mesures de rétention des deux avions appartenant à la SOCIETE C, le litige subsiste sur la demande aux fins d’indemnisation du préjudice financier découlant de l’immobilisation des appareils ;

Sur la compétence :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 224-4 du code de l’aviation civile : Les redevances sont dues par le seul fait de l’usage des ouvrages, installations, bâtiments et outillages qu’elles rémunèrent. En cas de non-paiement de redevances dues par l’exploitant de l’aéronef, l’exploitant de l’aérodrome est admis à requérir de l’autorité responsable de la circulation aérienne sur l’aérodrome que l’aéronef y soit retenu jusqu’à consignation du montant des sommes en litige ; qu’il résulte des articles R. 252-17 et R. 252-19 du même code que, dans les aérodromes exploités par Aéroports de Paris et leurs dépendances, la charge d’assurer la responsabilité de la circulation aérienne est confiée au directeur général d’Aéroports de Paris ;

Considérant que si la décision de recourir à une mesure de rétention des avions avait pour origine le défaut de paiement, par l’exploitant des aéronefs, des redevances aéroportuaires recouvrées par l’établissement public Aéroports de Paris en rémunération de services à caractère industriel et commercial, le litige qui oppose la SOCIETE C, propriétaire des avions immobilisés, à Aéroports de Paris, ne concerne que la mise en oeuvre des décisions administratives de rétention prises en application de l’article R. 224-4 du code de l’aviation civile par son directeur général ; qu’un tel litige n’est pas au nombre de ceux qui relèvent de la compétence judiciaire au titre des relations entre un établissement industriel et commercial et ses usagers ;

Considérant qu’il n’y a voie de fait justifiant par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire que dans la mesure où l’administration soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, soit a pris une décision ayant l’un ou l’autre de ces effets à la condition toutefois que cette dernière décision soit elle-même manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative ;

Considérant qu’à supposer que la décision de rétention ou le maintien d’une telle mesure, au préjudice de la SOCIETE C, soient considérées comme une atteinte grave à son droit de propriété, il est constant que la décision a été prise par le directeur général d’Aéroports de Paris en sa qualité d’autorité responsable de la circulation aérienne sur l’aéroport, par application des articles R. 252-17 et R. 252-19 du code de l’aviation civile et dans l’exercice du pouvoir qui lui est conféré par l’article R. 224-4 du code de l’aviation civile, issu de l’article 20 du décret n° 53-893 du 24 septembre 1953 lui même pris en application de la loi d’habilitation du 11 juillet 1953 ; qu’en conséquence, l’application des décisions en cause ne saurait constituer une voie de fait ; qu’il s’ensuit que c’est à bon droit que le conflit a été élevé ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté de conflit pris le 17 avril 2003 par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, est confirmé.

Article 2 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure engagée par la SOCIETE C contre Aéroports de Paris devant le tribunal de commerce de Paris et le jugement de cette juridiction en date du 31 mars 2003.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice qui est chargé d’en assurer l’exécution.