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Sur les limites de l’obligation de réparer
Il résulte des dispositions de l’article L 322-3 du code de l’aviation civile applicable au litige, que la responsabilité du transporteur de personne est régie par les dispositions de la Convention de Varsovie et que la limite de responsabilité du transporteur relative à chaque passager, prévue par le paragraphe premier de l’article 22 de la de convention, est fixée à 114.336,76 €.
Il apparaît en conséquence que Mme Y ne peut être tenue au-delà de cette somme et que la compagnie d’assurances qui l’assure ne peut elle-même, à supposer que sa garantie soit due, être tenue au-delà de la somme que son assuré est lui-même tenu de verser.
Sur la garantie de la compagnie Allianz
Les conditions particulières du contrat limitent l’usage de l’appareil au vol de loisirs de tourisme et/ou déplacement aériens pour affaire à l’exclusion de tout autre utilisation .
L’article 5c des conditions générales prévoit par ailleurs que la garantie n’est pas engagée si le vol est entrepris ou poursuivi en infraction avec la réglementation concernant les conditions de vol et les qualifications qui s’y trouvent attachées.
L’article 7 b relatif à la sauvegarde des droits des victimes précise enfin que l’assureur reste néanmoins tenu à l’égard des ayants-droit de la victime jusqu’à concurrence du plafond de responsabilité du transporteur aérien prévu par l’article 22 de la Convention même si cette convention ou ce plafond ne s’applique pas, ou encore si l’assuré ou ses préposés ne pouvaient pour quelques cause que ce soit invoquer cette convention ou ce plafond.
La compagnie Allianz maintient, à titre principal, que la police d’assurance souscrite par M. Y ne garantissait pas l’usage de l’appareil pour des vols de présentation au cours de manifestations aériennes, que le tribunal ne pouvait assimiler un vol de loisirs à un vol de présentation comportant une évolution acrobatique au cours d’une manifestation aérienne, que la présence d’un passager est interdite dans le cadre d’un vol de présentation et que la garantie n’est en conséquence pas due. À titre subsidiaire elle maintient :
— que dans l’hypothèse où il serait jugé que la journée du XXX n’est pas une manifestation aérienne, il conviendrait au cas ou une faute serait retenue à l’encontre de Monsieur Y, que l’indemnisation du préjudice soit limitée à la somme de 114’336,76 € en application de l’article L 322-3 du code de l’aviation civile ;
— que dans l’hypothèse où il serait retenu que la journée du XXX est une manifestation aérienne, la présence de M. X à bord de l’appareil accidenté était interdite dans le cadre d’un vol de présentation effectuée en manifestation aérienne en application de l’article 5.4 e) de l’arrêté du 24 juillet 1991 relatif aux conditions d’utilisation des aéronefs civils mais que toutefois en application de l’article 7 b relatif à la sauvegarde des droits des victimes l’assureur reste néanmoins tenu à l’égard des ayants-droit de la victime jusqu’à concurrence du plafond 114.336,76 €.
Les consorts X font valoir :
— que l’accident n’a pas eu lieu au cours d’une compétition mais d’un simple rassemblement de pilotes qui se distrayaient en volant avec leurs appareils qu’il s’agit donc bien d’un vol de loisirs, que la journée portes ouvertes organisée ne peut recevoir la qualification de manifestation aérienne au sens du décret du 4 avril 1996, et qu’en tout état de cause sont seulement exclues de la garantie les manifestations aériennes pour lesquelles la vitesse est le facteur essentiel de classement des concurrents ce qui n’est pas le cas en l’espèce de sorte que la garantie de la compagnie est due.
— que le plafond de garantie prévu par l’article 7 b de la convention annexe B relative à la responsabilité civile à l’égard des personnes non transportées et des occupants est inapplicable en raison de ce qu’il ne s’agissait pas d’une manifestation aérienne, que l’article 5.4 ne peut avoir vocation à s’appliquer puisque M. Y comme son passager disposaient du brevet de pilote ;
Mme Y soutient pour sa part :
— qu’aucune des clauses invoquées par l’assureur n’est valide ou applicable dans la présente espèce en raison de ce qu’il n’y a pas eu d’information prè-contractuelle (article L112-2 du code des assurances), de ce que ces clauses d’exclusions ne sont ni formelles ni limitées (article L 113-1 du code des assurances), de ce que les causes d’exclusion lui sont inopposables et de ce que ces clauses sont frappées de nullité puisqu’en particulier la clause résultant de la présence de passagers qui est invoquée amène à considérer que la garantie n’est acquise que lorsque la responsabilité n’est pas engagée en sorte qu’elle n’est jamais amenée à jouer ;
— que la journée du XXX a été une simple journée portes ouvertes informelle organisée par l’aéro-club, qu’elle ne réunit pas les trois conditions cumulatives d’une manifestation aérienne au sens de l’arrêté du 4 avril 1996, et que la brochure de la fédération française aéronautique précise qu’une journée portes ouvertes n’est pas une manifestation aérienne au sens de l’arrêté du 4 avril 1996.
Le Fonds de garantie qui s’en remet sur ce point aux conclusions de Mme Y,souligne que les exclusions de garanties doivent être claires, précises et limitatives, et que dans le doute elles doivent s’interpréter contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté.
La compagnie d’assurances Allianz ne conteste pas le bien-fondé de la demande formulée à son encontre par Mme Y ayant pour objet de voir juger que la garantie est due en raison de ce qu’elle n’a pas rempli son obligation pré – contractuelle d’information telle que prévue par l’article L 112-2 du code des assurances. Elle ne fournit en outre aucun justificatif démontrant qu’elle a satisfait à cette obligation. La compagnie d’assurances ne conteste pas non plus que la clause d’exclusion prévue par l’article 5 contrevient aux dispositions de l’article L 113-1 du code des assurances lesquelles imposent que les clauses d’exclusion soient formelles et limitées .
Il s’avère qu’en l’espèce cette clause d’exclusion, qui doit être interprétée restrictivement, prévoit que le vol ne doit pas être entrepris ou poursuivi en infraction avec la réglementation concernant les conditions de vol qui s’y trouvent attachées, est imprécise et générale et qu’elle ne contient pas de limites.
Il convient par conséquent de retenir cette clause d’exclusion de garantie prévue à l’article 5 du contrat est inopposable à Mme Y et qu’en toute hypothèse la compagnie Allianz lui doit sa garantie.
Le vol effectué n’était pas ainsi qu’il l’a été précédemment indiqué, un vol de démonstration destiné à montrer les qualités de l’appareil à un éventuel acquéreur mais un vol de nature ludique effectué pour le simple plaisir des occupants de l’appareil.
La réglementation concernant les conditions de vol, que le pilote est tenu de respecter, est par ailleurs celle applicable à l’événement auquel il participe et non celles applicables à un événement d’une autre nature. L’exclusion de garantie prévue au contrat ne peut en effet jouer si le pilote n’a pas suivi les règles concernant une autre épreuve que celle prévue par les organisateurs de la réunion.
L’aéro-club de Montendre ayant décidé d’organiser une journée portes ouvertes et non une manifestation aérienne, la compagnie d’assurance ne peut donc se prévaloir de ce que M. Y n’a pas respecté la réglementation concernant les manifestations aériennes, alors qu’aucun élément ne pouvait de surcroît laisser penser qu’il s’agissait d’une manifestation de ce type puisque l’aéro-club n’avait lui même pas effectué de déclaration en ce sens auprès de la Préfecture, qu’il n’y avait pas de directeur de vol de désigné alors qu’il y en a obligatoirement un en cas de manifestation aérienne, et alors qu’il n’y avait pas de personnel à la tour de contrôle, et qu’il n’y avait pas d’emplacement réservé au public.
En participant à la journée portes ouvertes, M. Y n’était donc tenu qu’au respect de la réglementation relative à une manifestation de cette nature laquelle n’interdit pas le transport de passagers.
Les conditions de l’exclusion invoquée par la compagnie Allianz ne sont donc pas établies. La compagnie Allianz demeure en outre tenue d’indemniser les ayants droit de la victime en vertu de l’obligation de sauvegarde prévue à l’article 7 du contrat.
Il convient donc de condamner la compagnie Allianz à garantir Mme Y non seulement en raison de ce que la clause d’exclusion de garantie prévue à ce titre lui est inopposable, mais également parce que les conditions de cette exclusion ne sont pas réunies, et en application de l’article 7 sus mentionné qui prévoit qu’il revient aux ayants droit de la victime la somme de 114.336,76 € à laquelle Mme Y se trouve elle-même tenue.
Sur la réparation du préjudice
L’article L 322-3 du code de l’aviation civile n’exige pas pour être applicable que le transport soit effectué à titre professionnel ni même qu’il soit payant. C’est donc de manière inopérante que les consorts X invoquent ce moyen.
La somme à laquelle Mme Y et la compagnie Allianz sont tenues tant en vertu des articles L 322-3 du code des assurances que de l’article 7 du contrat est limité à 114.336,76 €.
Il sera par conséquent de jugé que seule cette somme est susceptible de revenir aux consorts X.
Le tribunal a exactement évalué le préjudice de Mme P X à la somme totale de 145.562 € (23.000 € + 120.562 € + 2.414 €) et le préjudice global de l’ensemble des consorts X à 242.361 €.
Le montant préjudice subi est par conséquent très supérieur au montant de la garantie. Il convient donc de condamner in solidum Mme Y et son assureur au paiement de la somme de 114.336,76 € qui est effectivement due.
Il n’y a pas lieu par contre de faire droit aux demandes d’indemnisation supplémentaires présentées par les consorts X puisqu’ils peuvent seulement prétendre à la somme de 114.336,76 € susmentionnée. De cette somme sera déduite celle de 4.047,52 € dont le paiement est sollicité par la Caisse primaire d’assurance-maladie de la Gironde en remboursement des débours dont elle a préalablement fait l’avance et dont le montant n’est pas discuté. Le solde disponible après déduction de cette somme de 4.047,52 € qui s’élève à 110.289,24 € sera attribué au fonds de garantie qui est subrogé dans les droits des consorts X auxquels il a réglé une somme de 208.961 €.
Il sera fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit des consorts X, du Fonds de garantie, et de la Caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde. Il ne sera pas fait application de ce texte au profit des autres parties.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Constate que le 18 avril 2012, Mme P X, agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille G X et également en qualité d’héritière de M. L X son grand-père, Mlle BR-BS X, agissant à titre personnel et en qualité d’héritière de M. L X son grand-père, Mme R Z née X, agissant à titre personnel et en qualité d’héritière de M. L X son père, Mme N D née X, agissant tant à titre personnel qu’en qualité d’héritière de L X, son père, et BE X, agissant tant à titre personnel qu’en qualité d’héritière de son père L X, (les consorts X) sont intervenus dans la procédure,
Infirme le jugement entrepris, et statuant à nouveau :
Dit que l’accident survenu le XXX est intervenu à l’occasion d’un transport aérien, que les dispositions de l’article L 322-3 du code de l’aviation civile lui sont applicables et que M. AC Y a commis une faute de pilotage qui engage sa responsabilité,
Dit que l’indemnisation du préjudice des consorts X est limitée au montant de 114.336,76 € prévu par l’article L 322-3 du code de l’aviation civile et qu’il ne peut leur être attribué une somme supérieure,
Constate que le préjudice des intéressés s’élève à une somme de 242.361 €, supérieure à 114.336,76 € et qu’ils peuvent par conséquent prétendre à cette dernière somme,
Dit que les clauses d’exclusion de garantie prévues au contrat d’assurance sont inopposables à Madame Y et que la compagnie d’assurances Allianz lui doit dés lors sa garantie,
Dit que la compagnie d’assurances Allianz global Corporate speciality France ne peut se prévaloir de l’exclusion de garantie concernant le transport de passager prévue en matière de manifestation aérienne, et qu’elle est en conséquence, tenue également à ce titre, de garantir Mme Y,
Dit qu’elle est en outre tenue à l’égard des ayants-droit de la victime en application de l’article 7 b du contrat d’assurance dans les limites du plafond de responsabilité du transporteur aérien prévu par l’article 22 de la Convention de Varsovie,
Constate que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions qui a versé 208.961 € aux consorts X est subrogé dans leurs droits, que sa créance et celle du tiers payeur absorbent la totalité de la somme de 114.336,76 € due par Mme Y et par la compagnie Allianz, et que les consorts X ne peuvent donc réclamer à titre principal aucune somme supplémentaire aux intéressées,
Condamne Mme Y en qualité d’ayant droit de son mari M. AC Y in solidum avec la compagnie d’assurances Allianz à verser à la Caisse primaire d’assurance-maladie de la Gironde la somme de 4.047,52 € et au Fonds de garantie des victimes la somme de 110.289,24 €,
Les condamne à verser aux consorts X une indemnité de 2.000 €, au Fonds de garantie une indemnité de 1.000 € et à la Caisse primaire d’assurance-maladie de la Gironde une indemnité de 300 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Les condamne aux dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités prévues par l’article 699 du code de procédure civile.