Droit Aerien

Assurance

Impossibilité pour la CPAM de se prévaloir d’une clause de garantie civile admise – CA Paris, pole 2 – ch. 5, 4 juin 2019, n° 18-09564

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La clause de garantie civile admise, impliquant, d'une part, que la responsabilité est admise et non que le 'responsable’ soit mis en cause par la victime ; et permettant, d'autre part, avec l’accord de l’assureur, d’offrir aux victimes une garantie qui suppose que contre indemnisation de ses dommages, aucune action en responsabilité ne soit intentée à l’encontre de la personne qui a souscrit une police avec une telle clause, ne saurait profiter à la CPAM pour asseoir sa demande récursoire.

 

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 5

ARRET DU 17 SEPTEMBRE 2019

(n° 2019/ 215 , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/09564 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5VZJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Décembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 15/11221

APPELANTE

LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE PARIS agissant poursuites et diligences de son Directeur Général domicilié en cette qualité au siège

[…]

[…]

N° SIRET : 323 841 353 00911

Représentée et ayant pour avocat plaidant de Me Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMÉES

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[…]

[…]

N° SIRET : 399 227 354 00145

Représentée et ayant pour avocat plaidant de Me Fabrice PRADON du PARTNERSHIPS CLYDE & CO LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : P0429

Madame A Y

[…]

[…]

Assignée le 20 août 2018 à étude d’huissier et n’ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 04 Juin 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Gilles GUIGUESSON, Président

Monsieur Christian BYK, Conseiller

Monsieur Julien SENEL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Christian BYK, Conseiller, dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET

ARRET :

— réputé contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

— signé par Monsieur Gilles GUIGUESSON, Président de chambre et par Monsieur Benoît Perez, Greffier présent lors de la mise à disposition.

 » »’

Madame A Y , affiliée auprès de la CPAM de PARIS, a été victime d’un accident aérien le 11 juin 2005 alors qu’elle avait pris place en tant que passagère à titre gratuit à bord d’un ULM pi1oté par monsieur B C X, assuré auprès de la

société AXA CORPORATE SOLUTIONS.

Le contrat d’assurance comportait notamment une garantie ‘Responsabilité civile admise’, qui permet l’indemnisation du passager victime, sans qu’il ait à prouver une faute du pilote.

Elle implique une négociation amiable et prévoit une indemnisation plafonnée à

115.000 euros.

Compte tenu de ses blessures, madame A Y a subi de nombreuses opérations pendant les 3 semaines de son hospitalisation et un arrêt de travail jusqu’au mois de septembre 2005.

Le 21 mai 2007, elle a informé la CPAM de PARIS de 1’accident et lui a communiqué le protocole de versement d’acompte régu1arisé le 11 avril 2007.

Le 7 novembre 2007, la CPAM a sollicité l’intervention d’AXA CORPORATE SOLUTIONS puis l’a informée de sa créance provisoire le premier août 2008. Puis, le 4 mai 2012, madame A Y a informé la CPAM de la signature le 7 novembre 2011 d’un protocole définitif d’indemnisation.

Malgré des relances par courriers des 17 octobre 2012, 31 octobre 2013, 25 octobre 2014 et une mise en demeure du 20 mars 2015, la société AXA CORPORATE SOLUTIONS n’ a pas procédé au règlement de la créance de la CPAM de PARIS. C’est dans ces conditions que, par acte d’huissier du 19 octobre 2016 , celle-ci a assigné devant le Tribunal de grande instance de Paris la société AXA CORPORATE SOLUTIONS, afin de la voir condamnée au règlement des débours exposés.

Par jugement du 21 décembre 2017, le tribunal a déclaré irrecevables les demandes de la CPAM en raison de la prescription de son action. et l’a condamnée à payer la somme de 3.000 euros à la société AXA CORPORATE SOLUTIONS au titre de l’article 700

du code de procédure civile.

Par déclaration reçue le 16 mai 2018 et enregistrée le 22 mai, la CPAM a fait appel de cette décision et, aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 6 février 2019, elle demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré ses demandes irrecevables et de condamner AXA à lui verser la somme de 68.350,83 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 mars 2015, outre la somme de 34.175,42 euros au titre de la pénalité de l’article L.376-4 du code de la sécurité sociale , l’indemnité forfaitaire de gestion, due de droit conformément aux dispositions d’ordre public de l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale au montant fixé par arrêté ministériel au moment du règlement, soit 1.080 euros au 1er janvier 2019 et 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile .

Par dernières conclusions notifiées le 16 octobre 2018, AXA sollicite la confirmation et la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

CE SUR QUOI, LA COUR

– Sur la recevabilité:

Considérant que la CPAM fait valoir que si la cour considérait que l’accident d’ULM est un accident aérien soumis à la Convention de Varsovie, le délai de prescription courrait du jour de l’accident, date à laquelle l’ULM devait arriver à destination , et non pas dans les deux ans de l’information sibylline fournie en limite de cette prescription par la victime après versement d’un acompte transactionnel hors la présence de la CPAM ;

Qu’en effet, si l’article 29 de la Convention de Varsovie prévoit la déchéance de l’action si elle n’est pas exercée dans les deux ans de l’accident, il s’agit, précise expressément ce texte, de l’action en responsabilité alors qu’en l’espèce l’action de la caisse ne s’inscrit pas dans la caractérisation de la responsabilité de monsieur X, qui est acquise par l’effet de la transaction signée avec madame Y, mais dans le cadre de la mise en ‘uvre de l’action récursoire qui lui est ouverte par le code de la sécurité sociale ;

Que dès lors que la victime a, soit introduit son action en responsabilité contre l’auteur du

dommage dans le délai de prescription qui lui est opposable, soit transigé avec l’assureur du tiers responsable dans le délai de cette même prescription, le recours autonome de la caisse se trouve nécessairement recevable dans la mesure où il intervient comme une conséquence de la reconnaissance de la responsabilité du tiers ;

Qu’en l’espèce, l’assignation délivrée les 15 et 23 juillet 2015, sur le fondement de l’accord intervenu le 07 novembre 2011 et notifié à la CPAM le 04 mai 2012 uniquement, est intervenue dans les délais de la prescription de droit commun de telle sorte que la cour dira que la compagnie AXA est privée de la possibilité d’opposer à la CPAM de PARIS la prescription de sa créance relative aux prestations servies dans l’intérêt de madame Y ;

Considérant qu’AXA répond qu’aux termes des articles 22 et 29 de la Convention de Varsovie, l’action en responsabilité doit être introduite dans les 2 ans suivants l’événement et, qu’en l’espèce , le délai de prescription de 2 ans a commencé à courir à compter de la date de l’événement, soit le 11 juin 2005 ;

Qu’elle précise que , même en suivant l’analyse de la CPAM, qui prend pour point de départ le protocole définitif entre la victime et AXA, ce protocole a été communiqué à la CPAM de Paris le 4 mai 2012 de sorte que la prescription était acquise au jour de la saisine du tribunal, soit au 15 juillet 2015 ;

Considérant que la caisse de sécurité sociale (CPAM) dispose d’une action récursoire contre le tiers responsable des dommages afin d’obtenir le remboursement des sommes qu’elle a versées ;

Que cette action , qui constitue un droit propre, est fondée sur l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale et que celui-ci est recevable quelque soit le fondement de la responsabilité encourue ;

Que sa prescription ne saurait ainsi être celle de deux ans de l’article 29 de la Convention de Varsovie ,qui , au demeurant, concerne l’action en responsabilité contre le transporteur aérien ;

Qu’elle est, en revanche, soumise à la prescription quinquennale de droit commun (C. civil art. 2224) à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ;

Qu’en l’espèce, ce point de départ doit être fixé au 4 mai 2012, date à laquelle le protocole définitif conclu entre AXA et la victime lui a été remis de sorte que l’action ayant été engagée le 19 octobre 2016, l’action de la CPAM n’est pas prescrite ;

– Sur le droit à indemnisation de la CPAM subrogée dans les droits de la victime:

Considérant que la caisse estime qu’il importe peu que l’accord entre son affiliée et l’assureur ait été régularisé sur la base d’une clause de garantie civile admise puisqu’il consacre le droit du créancier dans les termes de la décision rendue par la Cour de cassation le 11 février 1997 ;

Que dès lors, sa créance devait être prise en compte dans l’indemnisation de la victime et être reversée à l’organisme tiers payeur au titre de son recours subrogatoire ;

Qu’elle ajoute qu’à supposer que la garantie souscrite par monsieur X au bénéfice de madame Y ne profiterait pas aux organismes tiers payeurs, une telle clause serait nulle de nul effet pour être contraire à la loi ;

Considérant qu’AXA réplique que la responsabilité de monsieur X n’a jamais été établie et, de surcroît, reconnue par son assureur ;

Qu’elle ajoute que la clause spéciale dite « Responsabilité Civile Admise » est purement transactionnelle, hors mis en jeu des responsabilités de sorte que cette garantie, et le paiement qui en découle, ne saurait profiter à la CPAM ;

Considérant qu’aux termes de l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale applicable au moment de l’accident, ainsi que rappelé dans les conclusions de la CPAM : -‘ Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d’indemnité mise à la charge du tiers qui répare l’atteinte à l’intégrité physique de la victime, à l’exclusion de la part d’indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d’agrément’;

Qu’il s’ensuit que si cette action suppose que soit mise en cause l’entière ou partielle responsabilité du tiers, ceci ne saurait résulter des faits de l’espèce, la clause dite de ‘responsabilité civile admise’ impliquant que la responsabilité est admise et non que le ‘responsable’ soit mis en cause, par la victime ;

Qu’au contraire, il s’agit là, avec l’accord de l’assureur, d’offrir aux victimes une garantie qui suppose que contre indemnisation de ses dommages, aucune action en responsabilité ne soit intentée à l’encontre de la personne qui a souscrit une police avec une telle clause de ‘responsabilité civile admise’;

Qu’il en résulte que la CPAM , dont la légitimité de la créance n’a pas été reconnue par l’assureur, ne saurait se prévaloir de cette clause de la police pour asseoir sa demande récursoire et qu’il convient de rejeter tant sa demande de remboursement que celle relative aux intérêts au taux légal ainsi que la demande d’indemnité de gestion, qu’en réalité il résulte de tout ce qui précède que la CPAM doit être déboutée de toutes ses demandes indemnitaires ;

– Sur les frais irrépétibles:

Considérant que l’équité commande de condamner la CPAM de PARIS à verser la somme de 1 000 euros à AXA, qu’en revanche , il n’ y a pas lieu de faire droit à sa demande à ce titre ;

PAR CES MOTIFS

Statuant en denier ressort, publiquement, par décision réputée contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré quant à la recevabilité et, statuant de nouveau de ce chef et, y ajoutant :

Déclare l’action de la CPAM de PARIS non prescrite et recevable ;

La déboute de toutes ses demandes en ce compris celle présentée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

La condamne ,sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à verser la somme de 1 000 euros à la société AXA CORPORATE SOLUTIONS et la condamne aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT