Droit Aerien

ACNUSA/Jurisprudence ACNUSA

Faits constitutifs d’une récidive et absence de conséquences du défaut d’information de la compagnie de certains éléments procéduraux CAA Paris, 24 avril 2019, n°18PA00553

MENU

Même si les dossiers d’instructions communiqués à la compagnie, de même que la lettre convoquant la compagnie à la réunion plénière, ne comportaient pas l’invitation à présenter ses observations dans un délai d’un mois, alors prévue par l’article R 227-2 du code de l’aviation civile, la société a présenté utilement des observations par courrier électronique suite aux notifications de manquement, et n’a pas été empêchée de produire, à tout moment de la procédure et notamment entre la réception du dossier d’instruction et la réunion plénière, toutes observations utiles.

 

Cour administrative d’appel de Paris, 7ème chambre, 24 avril 2019, 18PA00553, inédit au recueil Lebon ;

 

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société X… a demandé au Tribunal administratif de Paris, par deux demandes distinctes, à titre principal, d’annuler les décisions n° 16/030-1409CDG6181 et n° 16/031-1409CDG6187 du 12 janvier 2016 par lesquelles l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) lui a infligé des amendes administratives de montants respectifs de 38 000 euros et 40 000 euros et, à titre subsidiaire, de réduire le montant des amendes à de plus justes proportions.

Par un jugement n° 1606503, 1606504/2-1 du 6 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a réduit respectivement à 33 000 euros et 35 000 euros le montant des amendes infligées à la société X…, l’a déchargée du paiement de ces amendes en tant qu’elles excèdent ces montants et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 février 2018 et le 20 mars 2019, l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) […] demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de fixer les deux amendes mises à la charge de la société X… aux sommes respectives de 38 000 et 40 000 euros ;

3°) de rejeter l’appel incident formé par la société X… ;

4°) de mettre à la charge de la société X… le versement d’une somme de 4000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

[…]

Considérant ce qui suit :

1. L’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) relève appel du jugement du 6 février 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a réduit respectivement à 33 000 euros et 35000 euros les deux amendes de 38000 euros et 40000 euros qu’elle avait infligées à la société X… par décisions n° 16/030-1409CDG6181et n° 16/031-1409CDG6187 du 12 janvier 2016, à raison de l’atterrissage, le 8 septembre 2014 à 3h12, d’un aéronef de type A321- 210 certifié 3, suivi du décollage du même appareil le même jour à 5h29, en méconnaissance de l’arrêté du 20 septembre 2011 portant restrictions d’exploitation de l ’aérodrome de Paris-Charles-de-Gaulle. La société X… présente des conclusions incidentes tendant à la décharge totale ou partielle du montant des amendes mises à sa charge.

Sur l’appel principal :

[…]

En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal administratif pour réduire les sanctions :

4. Il résulte de l’instruction que la société X… a fait l’objet d’un procès-verbal de constat de manquement n° 240798 en date du 25 juin 2014 à raison de l’atterrissage, sur l’aérodrome de Paris-Charles-de-Gaulle, le 25 avril 2014 à 23h27, d’un aéronef de type A321-210 certifié 3. Cette dernière infraction, alors même qu’elle n’est relative qu’à un atterrissage, doit être regardée comme une infraction à des mesures de restriction de même nature que celles visées par les deux décisions litigieuses, que ce soit l’atterrissage du 8 septembre 2014 à 3h12 d’un aéronef de type A321-210 certifié 3 ou le décollage du même appareil le même jour à 5h29. En outre, si la preuve de la notification de ce procès-verbal du 25 juin 2014 n’a pas été produite par l’ACNUSA, la compagnie a produit elle- même à l’appui de ses deux demandes présentées devant le tribunal administratif ce procès-verbal, sur lequel était apposé un tampon portant le terme allemand « eingang » et la date du 9 juillet 2014, correspondant nécessairement à la date de réception par elle du document. De plus, la compagnie a également produit ses deux courriels de réponse à cette notification de manquement n° 240798, en date des 10 et 11 juillet 2014, par lesquels elle faisait valoir ses observations sur le manquement constaté. Il résulte de ce qui précède que la notification à la société X… d’un procès-verbal de manquement au titre d’une infraction à des mesures de restriction de même nature que celles visées par les décisions litigieuses, antérieure à la date du 8 septembre 2014, est établie. Par suite, c’est à tort que, pour réduire les amendes litigieuses, le Tribunal administratif de Paris a considéré qu’il ne résultait pas de l’instruction que l’intéressée s’était déjà vue notifier un ou des procès-verbaux de manquement au titre d’infractions à des mesures de restriction identiques et que, en conséquence, l’ACNUSA ne pouvait considérer que les faits litigieux avaient été commis en état de récidive.

5. Il appartient à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par la société X… devant le Tribunal administratif de Paris.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par la société X… :

6. D’une part, aux termes de l’article L. 6361-12 du code des transports :  » L’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires prononce une amende administrative à l’encontre :

1° De la personne exerçant une activité de transport aérien public au sens de l’article L. 6412-1 (…) ne respectant pas les mesures prises par l’autorité administrative sur un aérodrome fixant : a) Des restrictions permanentes ou temporaires d’usage de certains types d’aéronefs en fonction de leurs émissions atmosphériques polluantes, de la classification acoustique, de leur capacité en sièges ou de leur masse maximale certifiée au décollage; (…) c) Des procédures particulières de décollage ou d’atterrissage en vue de limiter les nuisances environnementales engendrées par ces phases de vol (…) « . L’article L. 6361-13 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, issue de l’article 90 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, précise que s’agissant des personnes morales, le montant maximal de l’amende est porté à 40000 euros lorsque le manquement concerne les mesures de restriction des vols de nuit. En outre, en application du V de l’article 1er de l’arrêté du 20 septembre 2011 portant restrictions d’exploitation de l ’aérodrome de Paris-Charles-de-Gaulle, les aéronefs certifiés chapitre 3 avec une marge cumulée inférieure à 10 EPNdB ne peuvent atterrir entre 22 heures et 6 heures, heures locales.

7. D’autre part, aux termes de l’article L. 6361-14 du code des transports, dans sa rédaction applicable : «Les fonctionnaires et agents mentionnés à l’article L. 6142- 1 constatent les manquements aux mesures définies par l’article L. 6361-12. Ces manquements font l’objet de procès-verbaux qui, ainsi que le montant de l’amende encourue, sont notifiés à la personne concernée et communiqués à l’autorité. (…) L’instruction et la procédure devant l’autorité sont contradictoires. (…) Au terme de l’instruction, le rapporteur notifie le dossier complet d’instruction à la personne concernée. Celle-ci peut présenter ses observations au rapporteur (…) ». Aux termes de l’article R. 227-1 du code de l’aviation civile, dans sa rédaction applicable : « A compter de la notification, prévue au III de l’article L. 227-4, du procès- verbal et du montant de l’amende encourue, la personne concernée dispose d’un délai de quinze jours pour présenter par écrit ses observations à l’autorité. A réception des observations ou, à défaut, à l’issue de ce délai, le rapporteur permanent saisit les fonctionnaires et agents chargés de l’instruction des manquements et leur communique, lorsqu’elles existent, les observations de la personne concernée. A l’issue de leur instruction, ces fonctionnaires et agents transmettent le dossier au rapporteur permanent (…)». Et aux termes de l’article R. 227-2 du même code, également dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce : « Le rapporteur permanent clôt l’instruction menée par les fonctionnaires et agents mentionnés à l’article R. 227-1.

Il communique le dossier d’instruction à la personne concernée en lui précisant les faits reprochés, leur qualification, les textes applicables à ces faits et l’amende encourue et en l’invitant à présenter ses observations dans un délai d’un mois. / A réception de ces observations ou, à défaut, à l’issue de ce délai, le rapporteur permanent communique le dossier au président de l’autorité. Ce dernier fait convoquer la personne concernée au minimum un mois avant la séance au cours de laquelle l’affaire doit être examinée en lui communiquant le dossier complet de l’instruction qui comporte une notification des griefs retenus, les textes qui les fondent et le montant de l’amende encourue et en lui indiquant qu’elle peut se présenter ou se faire représenter à la séance (…) ».

8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie.

9. Il résulte de l’instruction que les deux dossiers d’instruction n° 1409CDG6181et n° 1409CDG6187 relatifs aux deux manquements commis le 8 septembre 2014, reçus par la compagnie aérienne le 30 avril 2015 comportaient, d’une part, les procès-verbaux de constat de manquement, en date du 31 octobre 2014, mentionnant notamment la qualification des faits reprochés, les textes applicables et, en annexe, le montant des amendes encourues, d’autre part, les notifications de manquement, en date du 6 novembre 2014, et, enfin, les dossiers d’instruction de manquement, en date du 5 décembre 2014. Ils ne comportaient en revanche pas l’invitation à présenter des observations dans un délai d’un mois, prévue au premier alinéa de l’article R. 227-2 du code de l’aviation civile précité, non plus que la comprenait la lettre du 20 novembre 2015 convoquant la compagnie à la réunion plénière du 12 janvier 2016. Toutefois, il résulte également de l’instruction que, d’une part, la société a présenté utilement des observations par courrier électronique du 21 novembre 2014, suite aux notifications de manquement du 6 novembre 2014 et, d’autre part, qu’elle n’a pas été empêchée de produire, à tout moment de la procédure et notamment entre la réception, le 30 avril 2015, du dossier d’instruction et la réunion du 12 janvier 2016, toutes observations utiles. Dans ces circonstances, le défaut d’invitation à produire des observations dans le délai d’un mois n’a pas privé la société X… d’une garantie ni n’a pu exercer d’influence sur le sens de la décision prise dans chaque cas par l’ACNUSA. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure contradictoire prévue par les dispositions applicables n’aurait pas été respectée doit être écarté.

10. En second lieu, si la société X… soutient qu’elle n’a pas été informée de ce que les sanctions susceptibles de lui être appliquées seraient déterminées en tenant compte d’une récidive, aucune disposition législative ou règlementaire ni aucun principe général n’imposait une telle information. Par ailleurs, ainsi qu’il a été dit au point 4, les manquements commis par la compagnie le 8 septembre 2014 ont été commis en situation de récidive, contrairement à ce qu’elle prétend.

11. En troisième lieu, la société X… soutient que les sanctions prononcées sont en tout état de cause disproportionnées, notamment au regard du montant moyen ou médian des amendes prononcées par l’ACNUSA au cours de l’année 2017 et des décisions du Conseil d’Etat en matière de méconnaissance des restrictions horaires dans le cas où le dépassement reste inférieur à une heure. Toutefois, l’ACNUSA soutient sans être contredite que ces amendes n’étaient en tout état de cause pas relatives à des manquements de même nature et de même gravité que ceux de l’espèce et, d’autre part, que les décisions invoquées du Conseil d’Etat ont été rendues sous l’empire de textes antérieurs à l’article 90 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012, laquelle prévoit le doublement du montant maximal des amendes en cas de violation des restrictions applicables aux vols de nuit. En tout état de cause, les atterrissages et décollages litigieux, qui se sont déroulés en pleine nuit, dans une zone densément peuplée et en situation de récidive, ont constitué des infractions de nature à justifier les amendes infligées, d’un montant de 38 000 euros pour l’atterrissage et 40 000 euros pour le décollage. La circonstance que la société X… aurait eu des problèmes techniques, serait de bonne foi du fait que les informations contenues dans le système d’informations LIDO de la compagnie Z… n’étaient pas à jour le 8 septembre 2014 et qu’elle aurait eu une attitude « constructive », au demeurant non établie en raison de la situation de récidive, ne suffit pas à justifier une réduction du montant de ces amendes.

12. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède d’une part que l’ACNUSA est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a réduit le montant des amendes infligées à la société X…. Par suite, les demandes de la société X… devant le tribunal administratif et son appel incident devant la Cour doivent être rejetés.

 

[…]

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1606503, 1606504/2-1 du Tribunal administratif de Paris du 6 février 2018 est annulé.

Article 2 : Les demandes de la société X… présentées devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions incidentes présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : La société X… versera à l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) la somme de mille cinq cents euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) et à la société X….