Droit Aerien

ASECNA

Immunité d’exécution de l’ASECNA – CA Paris, 13 juin 2013, n° 13/06185

MENU

La possibilité d'aménagement de l'exécution provisoire doit répondre à un motif légitime, et la constitution d'une garantie, à seule fin d'échapper à l'exécution provisoire, ne répond à cette exigence. L'ASECNA ne peut être privée de la condamnation à l'exécution provisoire dont elle a bénéficié, sauf à justifier des difficultés dans l'exécution des causes du jugement.

 

Texte intégral

[…]

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 5

ORDONNANCE DU 13 JUIN 2013

[…]

L’AGENCE POUR LA SECURITE DE LA NAVIGATION AERIENNE EN AFRIQUE ET A MADAGASCAR – ASECNA, établissement de droit public international

[…]

SOCIÉTÉ FLY CONGO anciennement dénommée HEWA BORA AIRWAYS, société de droit étranger

DÉFENDERESSES

 

Et après avoir entendu les conseils des parties représentées lors des débats de l’audience publique du 23 Mai 2013 :

Faits constants :

L’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA), établissement de droit public international, dont le siège est à Dakar (Sénégal) et le siège administratif à Paris, assure la responsabilité du contrôle aérien au-dessus du continent africain et factures ses services aux compagnies aériennes dont les avions survolent son secteur.

HEWA BORA AIRWAYS (X) est une compagnie aérienne dont le siège est en XXX.

Y est une société de droit belge qui soutient être l’agent de X.

 

Par jugement contradictoire du 21 janvier 2009, le tribunal de commerce de Paris a :

— déclaré les demandes de l’ASECNA recevables et bien fondées à l’encontre de X et Y,

— condamné solidairement X et Y à payer à l’ASECNA la somme de 2 129 486,09 euros majorée des intérêts de retard au taux de 6% à compter du 31è jour suivant chaque facture avec capitalisation annuelle,

— débouté l’ASECNA de sa demande de dommages et intérêts,

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

 

Le tribunal a ordonné l’exécution provisoire du jugement.

La société Y a interjeté appel de cette décision le 10 mars 2009.

Par ordonnance du 15 décembre 2009, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l’affaire du rôle de la Cour, sur le fondement de l’article 526 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 8 juin 2011, le Délégataire du Premier Président, saisi par la société Y, sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile, aux fins de voir arrêter l’exécution provisoire du jugement et ordonner la réinscription au rôle de l’affaire, a rejeté toutes les demandes présentées par cette dernière.

Par décision du 21 février 2013, la Cour de cassation a déclaré non admis le pourvoi formé contre cette ordonnance.

Par acte du 28 mars 2013, la société Y a assigné l’ASECNA et la société FLY CONGO, anciennement dénommée HEWA BORA AIRWAYS, en référé devant le Premier Président, aux fins de se voir autorisée à consigner la somme de 1 700 000 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 521 du code de procédure civile.

La société FLY CONGO ne s’est pas présentée à l’audience ni fait représenter.

 

Prétentions et moyens de Y :

Dans son assignation, complétée par des écritures du 23 mai 2013, reprises oralement à l’audience, Y fait valoir que sa demande, fondée sur les dispositions de l’article 521 du code de procédure civile, est recevable, car selon une jurisprudence constante, la possibilité d’aménagement prévue par ce texte, n’est pas subordonnée à la condition de la démonstration de circonstances manifestement excessives, et que cette demande est bien fondée, car l’ASECNA ne conteste pas qu’elle bénéficie d’une immunité de juridiction et d’exécution, et qu’elle-même, ne pouvant exécuter par prélèvement sur ses fonds propres, n’a d’autre alternative que celle d’obtenir un financement qu’elle ne pourra se procurer sans garantie de récupération en cas de réformation du jugement au fond.

Elle s’explique également sur le montant de la consignation sollicitée, précisant que la société X a réglé à l’ASECNA la somme de 500 000 euros, que l’ASECNA a pratiqué le 6 avril 2010 à son préjudice une saisie conservatoire à concurrence de la somme de 200 765,83 euros et que l’ASECNA a été condamnée par jugement définitif du tribunal de commerce de Kinshasa le 19 août 2010 à payer à X à titre de dommages et intérêts la somme de 250 000 euros.

Elle demande, en conséquence, de la déclarer recevable et bien fondée, de dire l’ASECNA mal fondée, de se voir autoriser à consigner, conformément aux dispositions de l’article 521 du code de procédure civile, la somme de 1 700 000 euros, et voir ordonner, en conséquence, la suspension de l’exécution provisoire du jugement du 21 septembre 2009, et la réinscription de l’appel interjeté au rôle de la cour sur justification de la consignation.

Elle sollicite en outre la condamnation de l’ASECNA aux dépens.

 

Prétentions et moyens de l’ASECNA :

Dans ses écritures du 23 mai 2013, reprises oralement à l’audience, l’ASECNA fait valoir que les demandes de Y sont irrecevables pour absence de circonstances nouvelles, au sens de l’article 488 du code de procédure civile, que l’ordonnance du 8 juin 2011 a autorité de la chose jugée, que le montant présenté par Y pour solliciter la consignation est manifestement erroné, que Y n’a eu de cesse d’obtenir la réformation du jugement entrepris devant des juridictions autres que la cour d’appel de Paris et que Y tente une fois encore de lui faire supporter sa carence.

Elle demande de dire Y irrecevable, et en tout cas mal fondée en sa demande de consignation, faute de démonstration qui lui incombe de conséquences manifestement excessives que risquerait d’entraîner le maintien de l’exécution provisoire, de la débouter de toutes ses demandes, de maintenir la radiation ordonnée par le conseiller de la mise en état dans son ordonnance du 15 décembre 2009 et de condamner Y au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens de la présente instance.

 

SUR QUOI,

Sur la recevabilité :

Considérant que selon l’article 480 du code de procédure civile, «le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche.» ;

Que selon l’article 1351 du code civil, «l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.» ;

Considérant que selon l’article 488 du code de procédure civile, «l’ordonnance de référé n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée. Elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu’en cas de circonstances nouvelles.» ;

Considérant que la demande aux fins de consignation formée à titre principal devant le premier président sur le fondement de l’article 521 du code de procédure civile, n’a pas le même objet que celle aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire ayant donné lieu à l’ordonnance du premier président du 8 juin 2011 ;

Que la présente demande ne se heurte donc pas à l’autorité de la chose jugée au provisoire, peu important à cet égard, la demande subséquente de réinscription au rôle, déjà présentée au premier président, et qui ne fait pas obstacle à une nouvelle demande tendant aux mêmes fins, sur justification de l’exécution de la décision attaquée ou de la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, ainsi qu’en dispose l’article 526 du code de procédure civile ;

Que les demandes sont, par conséquent, recevables ;

 

Sur le bien-fondé :

Considérant que si la possibilité d’aménagement de l’exécution provisoire prévue aux articles 517 à 521 du code de procédure civile n’est pas subordonnée à la condition prévue par l’article 524 du même code, à savoir que cette exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives, encore faut-il que celle-ci réponde à un motif légitime ;

Que la constitution d’une garantie, à seule fin d’échapper à l’exécution provisoire, ne répond pas à cette exigence ;

Considérant que le statut de l’ASECNA, invoqué par Y, était connu de cette dernière, et ne suffit pas en toute hypothèse à priver le créancier de la condamnation de l’exécution provisoire dont il a bénéficié ;

Qu’aucun élément ne vient étayer le risque de non-restitution en cas d’infirmation ;

Que l’ASECNA observe, par ailleurs, avec pertinence que Y aurait pu prendre toutes dispositions utiles, depuis le prononcé du jugement entrepris, le 21 janvier 2009, soit il y a plus de quatre ans, avec X devenue FLY CONGO, condamnée solidairement avec elle, et qui ne vient pas justifier de ses difficultés d’exécution, pour exécuter les causes du jugement et obtenir la réinscription de l’affaire au rôle de la cour ;

Que la demande de consignation formée par Y sera rejetée, de même que, par voie de conséquence, celle de réinscription au rôle de la cour d’appel ;

Considérant qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de l’ASECNA les frais irrépétibles qu’elle a exposés pour la présente instance ;

Considérant que Y, qui succombe, sera condamnée aux dépens du présent référé ;

 

PAR CES MOTIFS :

Déclarons la société Y recevable en ses demandes,

Rejetons toutes les demandes de la société Y,

Condamnons la société Y à payer à l’AGENCE POUR LA SÉCURITÉ DE LA NAVIGATION AÉRIENNE EN AFRIQUE ET A MADAGASCAR (ASECNA) la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons la société Y aux dépens du présent référé.

ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La Greffière

La Conseillère