Droit Aerien

ACNUSA/Jurisprudence ACNUSA

Délais de recours contre une décision administrative individuelle qui ne les mentionnent pas – délai de recours d’un an CAA Paris, 8 juin 2023, n°22PA03796

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Rappel du délai d'un an pour exercer un recours juridictionnel contre une décision administrative individuelle, à compter de sa notification, si celle-ci ne mentionne pas les voies et délais de recours offerts à l'intéressé. Ce délai vaut en règle générale et sauf circonstances particulières, et la circonstance que la décision ait été notifiée au siège d'exploitation et non au siège social est sans incidence, dans la mesure où la compagnie reconnaît avoir eu connaissance de l'amende prononcée lorsqu'elle a accusé réception du titre de perception y afférent et rappelant l'objet de la créance dont il poursuit le recouvrement.

Cour administrative d’appel de Paris, 4ème chambre, 8 juin 2023, 22PA03796, inédit au recueil Lebon ;

 

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société X… a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler la décision n° 19/2017 du 2 avril 2019 par laquelle l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires lui a infligé une amende administrative de 8 000 euros.

Par une ordonnance n° 2114850/4-1 du 18 juillet 2022, la présidente de la 4ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2022, la société X…, représentée par Me Y…, demande à la Cour :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) d’annuler la décision n° 19/217 du 2 avril 2019 par laquelle l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires lui a infligé une amende administrative de 8 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

[…]

 

Considérant ce qui suit :

1. La société X… s’est vue infliger par une décision n° 19/127 du 2 avril 2019 prise par le collège de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) une amende administrative de 8 000 euros pour n’avoir pas respecté, le 12 mai 2017, la procédure de départ sur l’aérodrome de Nantes Atlantique qui lui avait été notifiée par l’organisme de circulation aérienne. Par une ordonnance du 18 juillet 2022, dont la société X… relève appel, la présidente de la 4ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté comme étant manifestement irrecevable, du fait de sa tardiveté, la demande de cette société tendant à l’annulation de l’amende prononcée à son encontre.

Sur la régularité de l’ordonnance attaquée et la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l’article R. 222-1 du code de justice administrative : « Les présidents de tribunal administratif (…) les présidents de formation de jugement des tribunaux (…) peuvent, par ordonnance : (…) 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n’est pas tenue d’inviter leur auteur à les régulariser ou qu’elles n’ont pas été régularisées à l’expiration du délai imparti par une demande en ce sens (…) ».

3. D’une part, aux termes de l’article R. 421-5 du même code : « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ». D’autre part, aux termes de l’article R. 421-1 du même code : « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (…) ». Aux termes de l’article R. 421-7 de ce code : « (…) Ce même délai est augmenté de deux mois pour les personnes qui demeurent à l’étranger. (…) ». Il résulte des dispositions citées au point 2 que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai n’est pas opposable.

4. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance.

5. La société X… fait valoir que la décision attaquée lui a été notifiée à tort à Zaventem, lieu de son siège d’exploitation, et non à Wevelgem, lieu de son siège social, et que de ce fait, le délai de recours à son encontre n’a pu commencer à courir qu’à compter du 26 janvier 2021, jour où l’ACNUSA lui a transmis formellement cette décision. Toutefois, cette circonstance est sans incidence, dans la mesure où la société X… reconnaît avoir eu connaissance, le 19 juillet 2019, de l’amende contestée lorsqu’elle a accusé réception du titre de perception y afférent, lequel rappelait l’objet de la créance dont il poursuivait le recouvrement, à savoir une : « amende administrative en vue d’assurer la protection de l’environnement des riverains des aérodromes (…) réunion plénière du 2/04/2019 : décision n° 19/127 – 1705NTE219 ». Certes, le titre de perception ne contenait pas la mention des voies et délais de recours qui ne pouvaient donc pas lui être opposés. Toutefois, la requête de la société X… à l’encontre de la décision du 2 avril 2019 a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris, le 7 juillet 2021, soit au-delà du délai raisonnable d’un an dont elle disposait, aucune circonstance particulière ne justifiant en l’espèce ce dépassement. Par suite, la demande de première instance était manifestement tardive lorsqu’elle a été adressée au tribunal administratif de Paris et relevait ainsi du 4° précité de l’article R. 222-1 du code de justice administrative. La circonstance, à la supposer établie, que la décision contestée n’aurait pas été jointe à la notification, ce qui aurait contraint la société X… à en solliciter la communication auprès de l’ACNUSA puis de la commission d’accès aux documents administratifs, étant sans incidence compte tenu, ainsi qu’il a été dit, de la connaissance qu’elle avait eue de cette décision le 19 juillet 2019.

6. Il résulte de ce qui précède que la société X… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, la présidente de la 4ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande sur le fondement du 4° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative.

 

[…]

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société X… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société X… et à l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires.