COUR D’APPEL DE VERSAILLES 1ère chambre 1ère section
ARRÊT N° CONTRADICTOIRE Code nac : 36F
DU 22 NOVEMBRE 2022 N° RG 21/05633
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
FAITS ET PROCÉDURE
M. [B] a adhéré, en septembre 2013, à l’association AH (ci-après ‘l’association’) dont l’objet est de promouvoir, faciliter et organiser la pratique de l’aviation par ses membres.
Il est par ailleurs le fondateur du site internet ‘ X ‘, plate-forme dédiée à la mise en relation spécialisée dans le coavionnage.
Ayant constaté la publication sur ce site d’une annonce proposant, sous le nom ‘[D] [B]’, un vol aller-retour pour le salon aéronautique de [Localité 6] du 19 au 22 avril 2016 moyennant un prix de 120 euros par place et la réservation par M. [B] d’un avion de sa flotte pour les mêmes dates, l’association a, le 18 avril 2016, bloqué le compte de l’intéressé et interdit son vol, considérant qu’il contrevenait à 1’interdiction du coavionnage par son règlement intérieur, modifié en ce sens le 28 novembre 2015, et à la réglementation en vigueur.
Par courrier recommandé du 27 avril 2016, le président de l’association a convoqué M. [B] devant la commission de discipline de l’association, le 23 mai 2016, et lui a fait interdiction, à titre conservatoire et jusqu’à la décision de cette instance, d’utiliser les avions de l’aéro-club.
Par courriel du 17 avril 2016, puis par lettres des 19 mai et 12 juin 2016, M. [B] a contesté se livrer à une activité de coavionnage avec les avions de l’association et a indiqué que l’annonce litigieuse était une annonce fictive postée par son ‘community manager’ qui réalisait des tests fonctionnels pour le site ‘coavmi.com’ au moyen d’un faux profil.
Le président de l’association a notifié à M. [B] son exclusion définitive le 14 juin 2016.
M. [B] a vainement contesté cette exclusion par lettre de son conseil adressé à l’association le 11 juillet 2016.
C’est dans ces circonstances que, par acte introductif d’instance du 28 septembre 2016, M. [B] a fait assigner l’Aéro Club AH devant le tribunal de grande instance de Nanterre (devenu tribunal judiciaire) aux fins notamment de dire et juger nulle la sanction d’exclusion prononcée à son encontre et ordonner sa réintégration.
Par jugement contradictoire rendu le 22 mai 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
— Débouté M. [B] de l’intégralité de ses demandes,
— Débouté l’association AH de ses demandes reconventionnelles visant à la suppression et à l’interdiction de publication d’une vidéo sur la plate-forme Youtube ainsi qu’à la condamnation de M. [B] pour procédure abusive,
— Condamné M. [B] à payer à l’association Ah la somme de 5 000 euros au titre de l’article 77 du code de procédure civile’,
— Condamné aux dépens,
— Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.
M. [B] a interjeté appel de ce jugement le 18 décembre 2020 à l’encontre de l’association AH (procédure enregistrée sous le numéro de répertoire général 20/6382).
Par ordonnance d’incident rendue le 17 juin 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l’affaire du rôle au fondement de l’article 526 du code de procédure civile et dit qu’il sera statué sur les dépens et les indemnités réclamées au fondement de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de l’instance au fond.
Le 7 septembre 2021, l’affaire a été enrôlée sous le numéro de répertoire général 21/5633, les diligences justifiant la radiation ayant été accomplies.
Par ses dernières conclusions notifiées le 16 septembre 2022, M. [B] demande à la cour, au fondement des articles 1134 devenu 1103 et 1104, et 1147 devenu 1231-1 et suivants du code civil, de la Liberté d’association, du principe fondamental reconnu par les lois de la République, et issu de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, des Statuts et le Règlement intérieur, de la règle non bis in idem, de :
— Le dire et juger recevable et bien fondé en son appel,
— Débouter l’association AH de toutes ses demandes, fins et conclusions y compris ses demandes de rectification et reconventionnelles,
Ce faisant,
— Infirmer le jugement rendu entre les parties le 22 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre, 1ère Chambre, en ce qu’il :
* le déboute de l’intégralité de ses demandes,
* le condamne à payer à l’association AH la somme de 5 000 euros au titre de l’article 77 du code de procédure civile,
* le condamne aux dépens,
* Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.
Et statuant à nouveau sur ces chefs,
— Dire et juger que l’association AH ne démontre pas qu’il aurait commis un manquement grave de nature à justifier une exclusion définitive,
— Dire et juger nulle et de nul effet la sanction d’exclusion qui lui a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 juin 2016, et en tout cas infondée et disproportionnée, et en tirer toutes les conséquences,
— Débouter l’association AH de toutes ses demandes, fins et
conclusions,
— Ordonner à l’association AH de le réintégrer immédiatement en qualité de membre de cette association et ce sous astreinte définitive de 300 euros par jour de retard passé le délai de 5 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
— S’entendre condamner l’association AH à lui payer les sommes de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis et 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
— S’entendre condamner l’association AH aux entiers dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Dans tous les cas,
— Dire et juger que l’équité commande de ne pas le condamner sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’en appel.
Par ses dernières conclusions notifiées le 19 septembre 2022, l’association AH demande à la cour de :
— Rectifier la décision prononcée le 22 mai 2020 en ce que le tribunal a condamné M. [B] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article « 77 » du code de procédure civile,
— Remplacer « 77 » par « 700 » afin que, après rectification, M. [B] soit condamné à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
— Confirmer le jugement rendu le 22 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre,
— Débouter M. [B] de toutes ses demandes,
Reconventionnellement,
— Condamner M. [B] à lui verser la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
— Condamner M. [B] à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
— Condamner M. [B] aux dépens.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 22 septembre 2022.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l’appel et à titre liminaire,
….
Le tribunal a ensuite estimé que le moyen tiré de l’absence de définition du ‘coavionnage’ par le règlement intérieur était inopérant dès lors que ce terme était défini par la réglementation applicable invoquée par la demanderesse comme désignant des ‘vols à frais partagés effectués par des particuliers’ comme il résulte de l’article 6, paragraphe 4 bis, sous a), du règlement UE de la Commission du 5 octobre 2012 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes conformément au règlement (CE) n° 216/2008 du Parlement européen et du Conseil ; qu’il était et est comme tel clairement compréhensible par l’ensemble des membres de l’association destinataires du règlement intérieur ; que M. [B], qui admet se livrer à cette pratique en dehors de l’aéro-club n’en donnait pas, pour les besoins de la cause, une définition différente de celle retenue par le texte précité comme par l’association pour motiver son exclusion.
Le tribunal a considéré que la mise en ligne d’une annonce sur le site internet dédié au coavionnage, soit ‘X’, à destination de [Localité 6], en Allemagne, avec réservation concomitante d’un appareil du club pour des dates et une destination correspondant à ce déplacement (départ le 19 avril 2016 et retour le 21 avril 2016), compte tenu des différents éléments de preuve versés aux débats, était de nature à justifier l’exclusion notifiée à M. [B] par l’association, ce dernier ayant violé le règlement intérieur de l’association.
….
* l’association a violé la règle non bis idem en ce qu’elle lui a infligé une exclusion de fait depuis le 18 avril 2016, soit en dehors de toute convocation devant la commission de discipline ; une telle exclusion à titre conservatoire constitue un manquement au principe général du droit selon lequel un même manquement ne peut donner lieu à deux sanctions outre que cette exclusion à titre conservatoire n’est pas prévue par les statuts et le règlement intérieur ;
* le second manquement a été retenu comme établi par le tribunal de manière partiale sans tenir compte des autres éléments qui ont vocation à retirer aux présomptions leur caractère prétendument grave, précis et concordant ; il en est ainsi des éléments suivants qui ont été écartés sans fondement par le tribunal :
— les horaires et le modèle de l’avion, différents, étaient déterminants dans le cadre de la réservation d’avion,
— l’attestation de M. [K] était probante,
— ces différences démontreraient au contraire, selon lui, le lien très ténu entre l’annonce test et l’association de sorte que celle-ci l’a sanctionné sur un simple soupçon inquisitorial d’une opération non avérée de coavionnage et n’aurait de ce fait pas justifié la sanction d’exclusion définitive ;
* le premier juge, pour confirmer la décision d’exclusion définitive, a adopté des motifs qui ne sont pas ceux qui ont justifié la sanction prononcée à son encontre par l’association en ce que :
— la sanction a été motivée par renvoi à celle de la lettre du 27 avril 2016 à savoir en raison du caractère ‘dangereux’ et ‘illégal’ de cette activité de coavionnage qui, selon l’association, constituerait ‘du transport public de passager’ (pièce 3),
— or, tant les instances européennes que le Conseil d’Etat ont confirmé l’absence de risque spécifique lié à cette activité,
— la définition de ce terme n’est pas si évidente que le retient le premier juge et du reste son adversaire fait elle-même la distinction entre le vol à frais partagés et le coavionnage qui serait interdit ; cette distinction tiendrait non seulement au niveau du montant des frais partagés, mais aussi à la proximité des passagers avec le pilote ; ainsi, partager les frais intrinsèquement liés au vol serait autorisé, comme le serait le transport de ses proches.
M. [B] en déduit que le règlement intérieur de l’association n’est ni clair ni précis et ne saurait justifier la sanction mise en oeuvre à son encontre. Il insiste sur le fait qu’il a été sanctionné au fondement d’un règlement intérieur imprécis qui n’interdit pas clairement la réservation d’un avion par un pilote membre, accompagné d’un ou de plusieurs passagers non membres. Encore et surtout, il soutient qu’il ne saurait être sanctionné pour des faits qui ne se sont pas produits, pour la commission d’une infraction non consommée, supposée, donc ni effective ni avérée. Il rappelle que l’annonce en question était une annonce fictive.
Il rappelle également que le coavionnage est autorisé par les instances européennes lesquelles priment sur les instances nationales et sur la DGAC. Au reste, il fait valoir que le Conseil d’Etat dans une décision du 22 juin 2017 a annulé la décision de la DGAC relative au coavionnage organisé au travers d’une plate forme internet ou tout autre moyen de publicité.
En définitive, M. [B] sollicite sa réintégration après l’annulation de la décision.
L’association poursuit la confirmation du jugement et rétorque que, après avoir soutenu en première instance que le règlement intérieur ne lui était pas opposable, il prétend nouvellement en appel que la décision n’a pas été adoptée régulièrement en ce qu’il ignorait la composition de la commission de discipline, qu’il n’aurait pas été convoqué et qu’il n’aurait pas été avisé de la délibération.
A cet égard, elle rappelle que M. [B] était présent devant la commission de discipline, qu’il en connaissait la composition, que l’article 6 du règlement intérieur précise sa composition, son mode de délibération et son mode de convocation ; que le courrier d’exclusion a précisé tous ces points (pièce 6 adverse) ; que le quorum était atteint ; que c’est bien la commission de discipline, compétente en la matière (article 6 du règlement intérieur) qui a prononcé cette exclusion comme elle en a le pouvoir. L’association en conclut que ce moyen ne pourra qu’être écarté.
Elle souligne en outre que les articles 5 des statuts et 6 du règlement intérieur autorisent le conseil d’administration soit directement, soit par l’intermédiaire d’une commission désignée par lui de statuer ; qu’en l’espèce, comme le mentionne la lettre de convocation de M. [B] (pièce 3 adverse), c’est la commission de discipline qui a prononcé la sanction conformément aux dispositions de l’article 6 du règlement intérieur (pièce 2 adverse). Il s’ensuit, selon elle, que les statuts et le règlement intérieur ont été respectés. Elle observe que l’article 10 des statuts précise que le bureau directeur est l’organisme d’exécution du conseil d’administration dont il détient les pouvoirs (pièce adverse 1) et que le président du bureau de l’association pouvait valablement rédiger le courrier l’informant de la décision d’exclusion prise par la commission et ce, peu important, que l’information relative à la décision prise par la commission soit ensuite notifiée par le Président du bureau, par ailleurs président de la commission de discipline, cet état de chose n’entraînant au demeurant aucun grief.
S’agissant de la mesure conservatoire, l’association fait valoir que le président d’une association peut légitimement prendre toute mesure conservatoire dans le silence des statuts et du règlement intérieur (Com., 4 décembre 2019, pourvoi n° 17-31.094) et qu’en l’espèce, il en a été ainsi ce qui a été expressément indiqué dans la lettre de convocation du 27 avril 2016, confirmée par la commission de discipline de sorte que le grief de double sanction n’est pas fondé. L’association ajoute que cette décision prise à titre conservatoire était justifiée puisque l’entretien s’est déroulé le 17 avril et que le vol était prévu le 19 avril.
L’association justifie l’interdiction du coavionnage par le fait qu’elle la considère comme une activité dangereuse, illégale dans la mesure où elle constitue un transport public de passagers et pour laquelle les avions de l’association n’étaient pas assurés ce que savait M. [B] lequel a reçu une lettre recommandée avec accusé de réception le 12 juillet 2015 (pièce 1) lui spécifiant qu’elle ne le tolérerait pas au sein de l’aéro club. Elle ajoute qu’un courriel avait été adressé à l’ensemble de ses membres le 14 juillet 2015 (pièce 19).
Elle souligne que M. [B] avait été parfaitement informé des statuts et du règlement intérieur qui l’interdisaient. Elle observe à cet égard que M. [B] a participé à l’assemblée générale du 14 septembre 2015 ayant procédé à la modification du règlement intérieur, qu’il a accepté cette modification tendant à interdire ‘le coavionnage ou tout autre pratique comparable ou similaire’ (pièces 20, 21). S’agissant du grief tiré de la définition imprécise du terme ‘coavionnage’ elle s’étonne que M. [B] ait pu voter l’adoption d’un texte confus, qu’il ne comprenait pas. Elle fait valoir que le terme est très clair pour les pilotes en ce qu’il recouvre une activité de transport public de passagers, différente du transport privé de passager que la jurisprudence assimile à un transport gratuit. Elle insiste sur le fait que le transport public de passagers nécessite des licences de pilotage spécifiques, des assurances également spécifiques et qui, de toute façon, ne peut se pratiquer dans tous les aéro-clubs. Elle ajoute que même si cette activité est autorisée en France, en Europe, chaque aéro-club est libre de l’autoriser ou de l’interdire et souligne que M. [B] était libre de transporter des personnes qu’il connaissait, mais pas d’emmener des inconnus venant vers lui par l’intermédiaire de sa plate-forme Internet. Elle relève encore que M. [B] était libre de pratiquer cette activité au sein d’une autre association qui l’autoriserait, ce qu’il fait du reste aujourd’hui puisqu’il est adhérent d’un aéro club le permettant, soit à [Localité 8] (pièce 22).
S’agissant du grief ayant été retenu par le tribunal comme justifiant la sanction prononcée, elle fait valoir, poursuivant la confirmation du jugement de ce chef, que :
* M. [E], instructeur, a attesté (pièce 3) que M. [B] lui a confié, le 12 avril 2016, avoir l’intention d’utiliser l’avion Cessna 172 (train rentrant) pour se rendre en Allemagne, à [Localité 6], dans le Land du Bade-Würtenberg pour le salon de l’aviation légère qui devait se tenir du 20 au 23 avril 2016,
* M. [B] a réservé cet avion du 19 avril au 22 avril 2016 (pièce 16),
* un membre du club qui observe les sites de coavionnage a averti, par courriel le 16 avril, l’association qu’un certain [D] [B] proposait sur le site internet X un aller/retour pour [Localité 6] (pièce 5),
* les éléments du site X confirmaient le contenu de ce courriel puisqu’il y était indiqué un vol prévu de [Localité 7] à [Localité 6] le 19 avril 2016 et de [Localité 6] à [Localité 7] le 21 avril 2016, précisant qu’il restait 3 places sur 3 (pièces 6 et 7) ; cette annonce, qui a été créée le 1er avril 2016, précise que l’avion était un Cessna 172 (train rentrant) et que le prix par place est de 120 euros ;
* le décalage d’horaire, faible, entre l’annonce X et la réservation est inopérante dès lors que M. [B] a voulu se laisser une marge vis-à-vis de l’aéro-club en prenant l’avion avant l’heure de retrouver ses passagers et le restituant après les avoir déposés et comme il n’est pas qualifié de nuit, il s’est laissé la possibilité de dormir sur place et de ne rentrer que le lendemain ; elle souligne que M. [B] est d’une mauvaise foi extrême en reprochant à l’association de tirer des conséquences sur des éléments non avérés en particulier en insistant sur le fait que l’annonce ne mentionnait pas le nom de l’association alors que, sachant pertinemment que ce vol n’était pas autorisé par elle, il ne pouvait que se garder d’en faire la publicité pour l’association ; de même, s’il n’a pas mis une photo d’un avion de l’association, en précisant toutefois sur son annonce que le vol aurait lieu sur un avion Cessna 172 (train rentrant), c’était pour la même raison ; s’agissant de la présentation du pilote, elle relève que l’annonce mentionne ‘[D] [B], 29 ans’ (pièces 6 et 7) et que sur le profil de ce [D] [B], il est indiqué ‘accueil [X] [B]’ (pièce 8), il est également précisé que celui-ci parle l’anglais, l’arabe et français et qu’il justifie de 110 heures de vol (pièce 8).
Elle en conclut que c’est avec raison que le premier juge a retenu qu’il existait un faisceau d’indices permettant de retenir que M. [B] pratiquait le coavionnage interdit au sein de l’association.
Elle rappelle que les versions de M. [B] ont régulièrement divergé ; qu’après avoir affirmé que [D] [B] était un adhérent de X dont il voulait taire l’identité, il affirmait quelques heures plus tard, le même jour, soit le 17 avril, que cette annonce était fictive (pièce 9) et l’adresse électronique de l’émetteur du courriel était curieusement ‘de : [D] [B] [mailto:[Courriel 9]] (Pièce 9) de sorte qu’il est bien démontré que [D] [B] et M. [B] ne sont qu’une seule et même personne.
Elle prétend que la sanction était nécessaire, juste et proportionnée, fondée sur des éléments objectifs et a permis d’empêcher la poursuite d’une activité interdite puisque tout était en place pour que le coavionnage ait lieu. Elle dit donc avoir notifié les griefs qui lui étaient reprochés le 27 avril 2016 (pièce adverse 3), l’a convoqué devant la commission de discipline pour le 23 mai 2016 à 12 heures (pièce adverse 3) et à titre conservatoire lui a interdit d’utiliser les avions de l’association, ce qui ne peut être assimilé à une double sanction.
‘ Appréciation de la cour
La cour relève que M. [B] soutient tout à la fois, que la procédure ayant conduit à son exclusion n’a pas été respectée, que la sanction ne respecte pas la règle non bis idem, que l’infraction au règlement et aux statuts n’est pas établie, que la sanction est disproportionnée et qu’il n’est démontré ni que l’infraction a été consommée ni qu’il en soit l’auteur.
M. [B] ne soutenant plus que le règlement intérieur et les statuts lui sont inopposables, les développements de l’association en défense sur ce point sont sans portée.
S’agissant du non respect, selon lui, de la procédure ayant abouti à son exclusion, la cour observe que M. [B] ne précise ni les pièces du bordereau à l’appui desquelles ses prétentions sont fondées, ni les dispositions des textes qui, selon lui, auraient été enfreintes. Son adversaire, en revanche, fournit ces précisions à la cour.
L’article 5 des statuts, intitulé ‘démission – Radiation’ stipule (souligné par la cour) que ‘la qualité de membre du club se perd par :
— la démission,
— le décès,
— la radiation.
La radiation est prononcée par le conseil d’administration pour non paiement de la cotisation au-delà de deux mois après échéance, pour inobservation des règlements (et notamment du règlement intérieur) ou tous cas d’indiscipline portant atteinte à la sécurité (au sol ou en vol) ou à l’activité normale du club, et pour des motifs graves préjudiciables au club.
Le conseil d’administration statue après avoir entendu les explications que le membre visé sera appelé à lui fournir soit directement, soit par l’intermédiaire d’une commission désignée par le conseil d’administration.’
L’article 6 du règlement intérieur, relatif à la commission de discipline, précise ce qui suit :
‘- La commission de discipline se compose des membres du bureau, ainsi que du chef pilote en tant que rapporteur si l’ordre du jour entre dans sa compétence.
— Pour pouvoir délibérer valablement, la présence des 3/5 (trois cinquièmes) de ses membres est nécessaire.
— C’est le président qui convoque la commission et qui fixe l’ordre du jour.
— La commission statue sur le non respect par les sociétaires de l’esprit et de la lettre du présent règlement et plus précisément de ses articles 3.1, 4.1, 4.2 et 5.
— La composition peut prononcer des sanctions telles que avertissement, blâme, ré entraînement, interdiction provisoire de vol assortie de ré entraînement, et/ou interdiction de présence dans les installations du club et, en cas de faute grave, exclusion définitive.’
Il résulte ainsi des articles 5 des statuts et 6 du règlement intérieur que la radiation est prononcée, en particulier pour des motifs graves portant préjudice à l’association, par le conseil d’administration soit directement, soit par l’intermédiaire d’une commission désignée par lui ; que la commission de discipline ne peut statuer qu’en présence des 3/5 (trois cinquièmes) de ses membres.
L’article 10 des statuts précise en outre que le bureau directeur est composé d’un président, d’un secrétaire général et d’un trésorier ; que le bureau directeur est l’organisme d’exécution du conseil d’administration dont il détient tous les pouvoirs.
Selon les statuts, le président du bureau directeur est également le président de la commission de discipline et le président du bureau est habilité à rédiger le courrier informant un de ses membres des décisions prises par la commission de discipline.
Des propres productions de M. [B] (pièce 3), il apparaît qu’il a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 avril 2016 par le président de l’association, en sa qualité de représentant du conseil d’administration, devant la commission de discipline de l’association le lundi 23 mai 2016 pour répondre des infractions relatées dans cette lettre, par application des articles 3, alinéas 3.1, 3.4, sous alinéa 3.4.1, 5 et 6 du règlement intérieur. Aux termes de cette lettre, le président, agissant pour le compte du conseil d’administration, il lui était fait interdiction d’utiliser les avions de l’aéro-club.
Le président de l’association, pour le bureau de celle-ci, a notifié à M. [B] sa décision le 14 juin 2016 par lettre recommandée avec accusé de réception (pièce 6 de M. [B]). Il était mentionné que la commission de discipline s’était réunie le 23 mai, qu’elle était composée des membres du bureau de l’association, du chef pilote, qu’entendu dans ses explications M. [B] n’avait pas convaincu et qu’en raison de la gravité des faits reprochés, la commission avait décidé son exclusion.
Il s’ensuit que le président de l’association, représentant du conseil d’administration, a bien convoqué M. [B], devant la commission de discipline comme il avait le pouvoir de le faire aux termes des statuts et que cette commission, composée de l’ensemble de ses membres, donc le quorum ayant été atteint, a prononcé l’exclusion de ce dernier, comme le règlement intérieur l’autorisait.
Le moyen de M. [B] tiré du non respect de la procédure ayant mené à son exclusion est infondé et sera rejeté.
Contrairement à ce que soutient M. [B], c’est par d’exacts motifs, circonstanciés et pertinents, adoptés par cette cour, que le premier juge a retenu l’existence du second manquement qui lui était reproché, à savoir avoir publié une annonce sur son site X proposant un coavionnage, en l’espèce, 3 places pour un vol de [Localité 7] à destination de [Localité 6] le 19 avril 2016 et de [Localité 6] à [Localité 7] le 21 avril 2016 moyennant l’acquittement de 120 euros, annonce émanant de [D] [B] , 29 ans, sur un avion Cessna 172 (pièces 6 et 7 de l’intimée). Il sera ajouté que, contrairement aux allégations de M. [B], le second manquement retenu par l’association justifiant la sanction est essentiellement la violation de la part de cet adhérent de l’interdiction de pratiquer cette activité au sein de cette association (cf. lettre de convocation de M. [B] ; sa pièce 3).
Enfin, s’agissant du terme ‘coavionnage‘, pour lequel l’article 5, 5ème point, du règlement intérieur précise que cette pratique ‘ou toute autre pratique comparable ou similaire est strictement interdit(e) au sein de l’aéro-club’, contrairement à ce que soutient M. [B], son sens apparaît au contraire clair au sein du milieu des pilotes. La définition retenue du ‘coavionnage’ ou ‘co-avionnage’ est celle de l’utilisation conjointe et organisée d’un avion léger, par un pilote non professionnel et un ou plusieurs tiers passagers, dans le but d’effectuer un trajet commun. Il est d’autant plus surprenant que M. [B] prétende que ce terme n’était pas clair pour lui qu’il a voté la modification du règlement intérieur, sans que l’imprécision, alléguée aujourd’hui par ce dernier, n’ait été source de difficulté pour lui. En outre, il est à l’origine de la création d’un site dédié à cette activité de sorte qu’il est très mal venu de prétendre qu’il n’en comprend pas le sens.
Il sera également ajouté que le fait que cette activité soit autorisée sur d’autres aéro-clubs et ne soit pas illicite est inopérant dès lors que l’association justifie avoir informé les membres de l’interdiction qui leur était faite de la pratiquer en son sein au motif tout à fait légitime que ses appareils n’étaient pas assurés pour cette pratique.
En outre, c’est de manière tout aussi infondée que M. [B] soutient qu’il aurait été sanctionné à deux reprises pour la même infraction alors que la mesure conservatoire d’exclusion temporaire et l’exclusion définitive sont une seule et même sanction. Au reste, l’absence d’exclusion temporaire aurait caractérisé le manque de gravité de la faute commise par M. [B] rendant infondée l’exclusion définitive subséquente. En effet, on imagine mal qu’il puisse être fait grief à un membre d’avoir commis une faute grave sans qu’elle entraîne une sanction forte avec mesure conservatoire adoptée. L’article 5 du règlement intérieur prévoit du reste expressément que la radiation ne peut être prononcée que pour des motifs graves. De plus, comme le dit pertinemment l’intimée, en raison de la proximité de la date de départ du vol prohibé envisagé, il y avait bien urgence à prendre cette mesure.
Enfin, la mesure n’apparaît pas disproportionnée dès lors que M. [B] a délibérément enfreint les règles de l’association après s’être engagé à ne pas pratiquer cette activité au sein de l’aéro-club (pièce 3 de M.[B]) et alors qu’il savait que les avions de ce club n’étaient pas assurés en conséquence ce qui faisait courir un risque grave à celui-ci. A cet égard, l’intimée démontre (pièce 22) avoir diffusé une information spéciale sur l’interdiction de cette pratique en janvier 2016 laquelle indiquait expressément ce qui suit ‘Nous ne sommes pas en mesure de garantir la sécurité de passagers non conscients des différences existant avec le transport public. Nous ne sommes pas assurés pour cette activité, les règles fiscales nous l’interdisent et les dirigeants du club ne sont pas prêts à assumer une telle responsabilité.’
Il s’ensuit que la décision litigieuse a été prise régulièrement, que c’est à bon droit que le tribunal a retenu que le manquement reproché était constitué, que la sanction ne saurait être annulée et que la demande de réintégration de M. [B] ne pouvait pas être accueillie.
Le jugement déféré sera dès lors confirmé en ses dispositions qui rejettent l’ensemble des demandes de M. [B].
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par l’association
‘ Moyens des parties
L’association fait valoir que le recours de M. [B] est abusif car il ne cherche qu’à récupérer de l’argent pour développer son activité à son détriment ; qu’il n’a pas exécuté la décision au mépris de l’exécution provisoire qui assortissait le jugement déféré ; qu’il demande sa réintégration alors qu’il est exclu depuis cinq années et que cette démarche va complètement à l’encontre de l’esprit associatif. Elle en déduit être fondée à solliciter la condamnation de M. [B] à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice en résultant.
M. [B] demande le rejet de cette prétention.
‘ Appréciation de la cour
L’association ne précise pas le fondement de sa demande.
En outre, la cour relève que le tribunal a rejeté cette demande aux motifs que l’association ne justifiait pas de l’existence du préjudice allégué. L’association ne poursuit pas l’infirmation de ce chef du dispositif, mais ‘reconventionnellement’ sollicite 8 000 euros pour procédure abusive. La cour interprète les écritures de l’intimée comme une demande de dommages et intérêts pour appel abusif.
Cependant, force est de constater que l’association n’énonce ni la nature du préjudice subi ni ne justifie de son existence.
Par voie de conséquence, sa demande infondée ne pourra qu’être rejetée.
Sur les demandes accessoires
Le tribunal qui a exactement statué sur les dépens et les frais irrépétibles sera confirmé de ces chefs.
M. [B], partie perdante, sera condamné aux dépens d’appel comprenant les dépens de l’incident. Par voie de conséquence, sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
Il apparaît équitable d’allouer des sommes à l’association au titre des frais irrépétibles qu’elle a engagés pour assurer sa défense devant cette cour, ainsi que devant le conseiller de la mise en état dans le cadre de l’incident. M. [B] sera dès lors condamné à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
Dans les limites de l’appel,
SUBSTITUE au paragraphe suivant, figurant au dispositif du jugement rendu le 22 mai 2020 (RG 16/10882), page 7 :
‘Condamne M. [X] [B] à payer à l’association AH la somme de cinq mille euros (5 000 euros) au titre de l’article 77 du code de procédure civile ;’
Ce paragraphe :
‘Condamne M. [X] [B] à payer à l’association AH la somme de cinq mille euros (5 000 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;’
DIT qu’il sera fait mention du présent arrêt rectificatif sur la minute et sur les expéditions du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 22 mai 2020 ;
CONFIRME le jugement ;
Y ajoutant,
REJETTE la demande de dommages et intérêts de l’association AH;
CONDAMNE M. [B] aux dépens d’appel, comprenant les dépens de l’incident ;
REJETTE sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [B] à verser à l’association AH la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.