Droit Aerien

INAD/Jurisprudence INAD/Obligation des compagnies aériennes de contrôler les documents de voyage des passagers

Constitue une preuve suffisante de l’absence de manquement la production par la compagnie d’une liste des passagers sur laquelle ne figure pas le nom de l’INAD CAA Paris, 22 février 2011, n°09PA04605

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Le défaut de la preuve du manquement allégué justifie l'annulation de l'amende. En l'espèce, la compagnie avait produit dans le cadre de la procédure contradictoire la liste des passagers du vol concerné, sur laquelle l'INAD ne figurait pas. La circonstance que cette liste n'avait pas été authentifiée par la police de l'air et des frontières n'était pas suffisante à faire estimer que la compagnie aérienne l'aurait dressée et présentée de mauvaise foi. Par conséquent, faute d'éléments supplémentaires, la cour avait admis cette liste et considéré que la preuve que la compagnie aérienne aurait transporté l'INAD n'était pas rapportée.

Cour administrative d’appel de Paris, 4ème chambre, 22 février 2011, 09PA04605, inédit au recueil Lebon ;

 

Vu la requête, enregistrée le 24 juillet 2009, présentée pour la compagnie M…, […] :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 0701412-0701413/3-3 en date du 8 juin 2009 en tant que le vice-président de section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision LIB/ ECT/2 – R/05/2292 du 19 septembre 2006 par laquelle le ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire lui a infligé une amende de 5 000 euros ;

2°) d’annuler la décision du 19 septembre 2006 susmentionnée ;

3°) d’ordonner à l’administration de lui rembourser la somme de 5 000 euros assortie des intérêts aux taux légal à compter de la date de perception de l’amende ;

4°) à titre subsidiaire, de minorer le montant de l’amende et d’ordonner à l’administration de lui rembourser la somme correspondant à cette minoration assortie des intérêts aux taux légal à compter de la date de perception de l’amende ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

[…]

Considérant que, par une décision du 19 septembre 2006, le ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire a infligé à la compagnie M… une amende de 5 000 euros, sur le fondement des dispositions de l’article L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, au motif que cette compagnie aérienne avait débarqué le 14 novembre 2005 à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle Mlle , née en Palestine, en provenance de Beyrouth et démunie de document de voyage ; que, par la présente requête, la compagnie M… fait appel de l’ordonnance en date du 8 juin 2009 en tant que le vice-président de section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision du 19 septembre 2006 ;

Considérant qu’en vertu des dispositions combinées des articles R. 421-1 et R. 421-7 du code de justice administrative, le délai de recours contentieux, pour les personnes qui demeurent à l’étranger, est de quatre mois à compter de la notification de la décision ;

Considérant que la décision du 19 septembre 2006 a été notifiée le 21 septembre 2006 non pas au siège de la compagnie M…, situé à Beyrouth, au Liban, mais à l’adresse du représentant en France de cette société ; que, dès lors, la société requérante, dont la domiciliation se situe bien à l’étranger, disposait bien d’un délai de recours contentieux de quatre mois à l’encontre de cette décision ; que la compagnie M… a contesté la décision du 19 septembre 2006 par une demande qui a été enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Paris le 19 janvier 2007, soit, en tout état de cause, avant l’expiration du délai de recours contentieux dont elle disposait ; que, par suite, la compagnie M… est fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le vice-président de section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme irrecevable et à en demander l’annulation pour ce motif ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la compagnie M… ;

Considérant qu’aux termes L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : Est punie d’une amende d’un montant maximum de 5 000 euros l’entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d’un autre Etat, un étranger non ressortissant d’un Etat de l’Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l’accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité. / Est punie de la même amende l’entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque, dans le cadre du transit, un étranger non ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne et démuni du document de voyage ou du visa requis par la loi ou l’accord international qui lui est applicable compte tenu de sa nationalité et de sa destination  ; qu’aux termes de l’article L. 625-2 du même code : Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l’un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d’Etat. Copie du procès-verbal est remise à l’entreprise de transport intéressée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par l’autorité administrative compétente. L’amende peut être prononcée autant de fois qu’il y a de passagers concernés. Son montant est versé au Trésor public par l’entreprise de transport. / L’entreprise de transport a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d’un mois sur le projet de sanction de l’administration. La décision de l’autorité administrative, qui est motivée, est susceptible d’un recours de pleine juridiction. / L’autorité administrative ne peut infliger d’amende à raison de faits remontant à plus d’un an  ; qu’en vertu de l’article L. 625-5 de ce code, l’amende prévue à l’article L. 625-1 n’est pas infligée lorsque l’étranger a été admis sur le territoire français au titre d’une demande d’asile qui n’était pas manifestement infondée ou lorsque l’entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l’embarquement et qu’ils ne comportaient pas d’élément d’irrégularité manifeste ; qu’en application de l’article R. 625-1 dudit code, le procès-verbal mentionné au premier alinéa de l’article L. 625-2 est transmis au ministre chargé de l’immigration. Il comporte le nom de l’entreprise de transport, les références du vol ou du voyage concerné et l’identité des passagers au titre desquels la responsabilité de l’entreprise de transport est susceptible d’être engagée, en précisant, pour chacun d’eux, le motif du refus d’admission. Il comporte également, le cas échéant, les observations de l’entreprise de transport. Copie du procès-verbal est remise à son représentant, qui en accuse réception  ; qu’enfin, aux termes de l’article R. 625-3 du code précité, le ministre chargé de l’immigration notifie à l’entreprise de transport, par lettre recommandée avec accusé de réception, le projet de sanction prévu au deuxième alinéa de l’article L. 625-2. L’entreprise de transport est invitée à faire valoir ses observations éventuelles dans le délai d’un mois à compter de cette notification. Le dossier est mis à sa disposition pendant ce délai. L’entreprise peut se faire délivrer copie à ses frais de tout ou partie de la procédure (…)  ;

Considérant que les manquements des entreprises de transport aux obligations de contrôle qui leur incombent en application des dispositions précitées du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne constituent pas des contraventions ou des délits ; que, dès lors, les procès-verbaux constatant ces manquements n’entrent pas dans le champ d’application des articles 431 et 537 du code de procédure pénale ; qu’il ne ressort d’aucune autre disposition législative ou réglementaire, et notamment pas de la procédure contradictoire organisée préalablement à la décision d’infliger une amende, que ces procès-verbaux fassent foi jusqu’à preuve contraire ; qu’il appartient seulement à l’administration, lors de l’élaboration des procès-verbaux, de rechercher et de recueillir tous les éléments permettant de considérer que les entreprises de transport ont manqué à leurs obligations puis, dans le cadre de la procédure contradictoire qui se déroule ensuite, de permettre à l’autorité compétente de s’assurer de la réalité de ces manquements et d’estimer leur gravité et, enfin, le cas échéant, d’infliger une amende en prenant en compte l’ensemble des considérations de l’affaire et en particulier les éventuels observations et éléments produits par l’entreprise de transport ;

Considérant qu’en l’espèce, il résulte de l’instruction qu’un agent de police chargé du contrôle des visas des transits aéroportuaires aux arrivées du Terminal 2F de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle a appréhendé, le 14 novembre 2005 à 15h25, une personne démunie de document de voyage qui a déclaré s’appeler Mlle , être née en Palestin, et avoir été débarquée par la compagnie M… d’un vol arrivé le matin du 14 novembre en provenance de Beyrouth ; que le procès-verbal prévu par l’article L. 625-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile a alors été dressé, le 16 novembre 2005, et transmis à la compagnie aérienne ; que, dans le cadre de la procédure contradictoire qui s’est déroulée par la suite, la compagnie M… a produit la liste des passagers du vol arrivé le 14 novembre 2005 au matin sur laquelle le nom de Mlle ne figure pas ; que si le ministre fait valoir, dans ses écritures, que cette liste était dépourvue de valeur probante dès lors qu’elle n’avait pas été authentifiée par la police de l’air et des frontières, cette circonstance n’est pas, à elle seule, de nature à faire estimer que la compagnie M… se serait livrée à une falsification de cette liste ; que, faute d’éléments supplémentaires susceptibles d’établir la fraude à laquelle se serait livrée la société requérante, il y a lieu, en l’espèce, de considérer que les informations qu’a communiquées l’administration française à la compagnie M… n’ont pas permis de déterminer si la personne qui a été appréhendée a effectivement été débarquée par la compagnie le 14 novembre 2005 au matin ; que, dans ces conditions, la preuve que cette personne aurait été embarquée par la compagnie aérienne sans document de voyage ou munie d’un document de voyage comportant des éléments d’irrégularité manifeste n’est pas rapportée ; que, dès lors, le ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire ne pouvait, pour ce motif, infliger à la société requérante une amende de 5 000 euros sur le fondement de L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que la compagnie M… est fondée à demander l’annulation de la décision du 19 septembre 2006 contestée ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

Considérant qu’eu égard au motif retenu, le présent jugement implique nécessairement que la somme de 5 000 euros que la compagnie M… a versée le 18 septembre 2007 en exécution de la décision du 23 mai 2007 lui soit restituée, augmentée, dès lors que ceux-ci sont demandés, des intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2007 ;

Considérant, dès lors, qu’il y a lieu d’ordonner au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, de verser à la compagnie M… la somme de 5 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2007 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la compagnie M… et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L’ordonnance n° 0701412-0701413/3-3 en date du 8 juin 2009 du vice-président de section du Tribunal administratif de Paris est annulée en tant qu’elle a rejeté la demande de la compagnie M… tendant à l’annulation de la décision LIB/ ECT/2 – R/05/2292 du 19 septembre 2006.

Article 2 : La décision LIB/ ECT/2 – R/05/2292 du 19 septembre 2006 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, de rembourser à la compagnie M… la somme de 5 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2007. Le ministre tiendra le greffe de la cour (service de l’exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.

Article 4 : L’Etat (ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration) versera à la compagnie M… une somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.