Droit Aerien

Assurance

Opposabilité de la clause de Responsabilité Civile Admise – CA Riom, 11 mars 2015, n° 13-02684

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La clause de Responsabilité Civile Admise constitue une garantie complémentaire de la responsabilité civile dont les démarches fixées par cette clause ne peuvent se réclamer, et ne peuvent être déclarées inopposables à la victime ou aux ayants droits, en application de l'article L.112-6 du code des assurances, lorsqu'elles n'ont été effectuées ni dans leurs modalités ni dans leurs délais.

 

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

TF

ARRET N°

DU : 11 Mars 2015

RG N° : 13/02684

ST

Arrêt rendu le onze Mars deux mille quinze

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Stéphane B, Président de chambre

M. François RIFFAUD, Président

Mme H I, Conseillère

lors des débats et du prononcé : Mme Carine CESCHIN, Greffière

Sur APPEL d’une décision rendue le 17 septembre 2013 par le Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand (RG 12/01409)

A l’audience publique du 15 janvier 2015 M. B a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC

ENTRE :

Mme J K AE Y

XXX

XXX

Melle M Y

XXX

XXX

Mme S Y épouse X

XXX

XXX

APPELANTS ayant pour représentants : Me Gilles-Jean PORTEJOIE de la SCP PORTEJOIE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND – Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

ET :

XXX

RCS de Nanterre N° 487 424 608

XXX

XXX

XXX

XXX

63100 CLERMONT-FERRAND

INTIMÉS ayant pour représentants : Me Jean CHEVRIER, avocat au barreau de PARIS (plaidant par Me Lionel GUIJARRO) – Me Nadine ZARETSKY-LAMBERT de la SCP SAGON VIGNOLLE ZARETSKY VIGIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

DEBATS :

A l’audience publique du 15 janvier 2015, la Cour a mis l’affaire en délibéré au 11 mars 2015 l’arrêt a été prononcé publiquement conformément à l’article 452 du code de procédure civile :

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le 6 avril 2010, un aéronef de type Jodel D 113 immatriculé F-FFXN, appartenant à l’aéroclub de Clermont-Limagne, piloté par A G, membre de l’aéroclub et avec à son bord Y AB s’est écrasé dans un champ sur la commune de Volvic ; le pilote et son passager sont décédés.

Les investigations effectuées par les services de la gendarmerie et la direction de l’aviation civile n’ont pas permis de connaître la cause de l’accident.

Par jugement contradictoire en date du 17 septembre 2013 le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a débouté AG AH J AE Y, Y M, Y S épouse X.

Le 24 octobre 2013, AG AH J AE Y, Y M, Y S épouse X ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions en date du 23 mai 2014, les consorts Y demandent à la Cour de réformer la décision entreprise et condamner solidairement l’aéroclub Clermont-Limagne à payer :

— à Mme Y J la somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et à, celle de 205.955 euros au titre de son préjudice économique,

— à Mme Y M la somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice moral, -à Mme X S née Y la somme de 25.000 euros en réparation de son préjudice moral.

Les appelantes invoquent le fait que l’aéroclub a souscrit une police d’assurance auprès de la compagnie Allianz garantissant sa responsabilité civile comprenant :

— une garantie de base considérant comme assurés : l’association, ses membres mais aussi toute personne ayant la garde de l’aéronef assuré avec l’autorisation de l’association souscriptrice ou du propriétaire de l’aéronef assuré, ce qui en l’espèce, est le cas M. Y ayant pris place en qualité de passager dans un avion piloté par M. A, membre de l’aéroclub, à l’occasion d’un vol touristique d’agrément local à titre gratuit ; l’existence d’une faute ne pouvant être contestée l’hypothèse d’une erreur de pilotage, selon les enquêteurs, ne pouvant être exclue,

— une garantie complémentaire, dite ‘responsabilité civile admise’ dont une clause prévoit que ‘les personnes non responsables de l’accident se trouvant à bord de l’aéronef assuré … peuvent prétendre à une indemnité…’ ; cette garantie devant être appliquée en l’espèce même si les ayants droit ont introduit une procédure contentieuse.

Dans leurs conclusions en date du 24 mars 2014, la compagnie Allianz et l’association Aéroclub Clermont-Limagne demandent la confirmation de la décision entreprise et, subsidiairement, de ramener les demandes indemnitaires à de plus justes proportions et dire que l’intervention de la compagnie Allianz est limitée pour chaque passager à la somme de 114.336,76 euros devant être répartie au marc le franc entre les ayants droit.

Elles font valoir :

— qu’en application de l’article L.6421-4 c. des transports, la responsabilité du transporteur aérien ne peut être engagée, dans le cadre d’un vol à titre gratuit, que pour faute prouvée,

— que la clause de responsabilité civile admise -RC admise- prévoit deux conditions pour les bénéficiaires : le renoncement à toutes voies de recours et l’obligation de se prévaloir du droit à indemnité dans le délai de deux ans.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 novembre 2014.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la responsabilité pour faute de l’association Aéroclub Clermont-Limagne :

Il est constant que le vol que M. Y AB a effectué, en tant que passager, à bord de l’aéronef Jodel D 113 piloté par M. A, était un vol touristique à titre gratuit.

L’enquête effectuée par les services de la gendarmerie, déposée le 6 août 2010, mentionne dans ses conclusions :

‘l’enquête effectuée n’a pas permis d’établir les causes de cet accident.

Les éléments matériels restants de la machine sont beaucoup trop endommagés pour pouvoir être étudiés et pour pouvoir en tirer des conclusions irréfutables.

Aucune anomalie sur l’entretien de l’appareil n’a été découverte.

L’hypothèse d’un problème de personne à l’intérieur de l’habitacle ayant provoqué un blocage des commandes et une perte irréversible de contrôle de l’appareil reste plausible sans pour autant être confirmée.

L’hypothèse d’une erreur de pilotage ne peut être également exclue mais aucun élément ne permet de le démontrer’.

Ainsi si l’affirmation des appelantes selon laquelle ‘les manoeuvres de l’appareil, mises en parallèle avec le fait que M. A s’intéressait à la voltige à laquelle il envisageait de s’initier, permettent d’envisager un erreur de pilotage aboutissant au ‘décrochage’ de l’appareil tel que décrit dans le manuel de formation pour le brevet de pilote’ fut une hypothèse envisageable elle n’est pas établie par les constatations de l’enquête et ne permet pas de fonder une faute du pilote et de l’association Aéroclub Clermont-Limagne.

Sur la garantie complémentaire de la compagnie d’assurance Allianz :

La police d’assurance conclue entre l’aéroclub et la compagnie Allianz contient une clause dite ‘de responsabilité civile admise’ ainsi libellée :

‘pourvu que l’aéronef assuré concerné soit piloté par les personnes prévues aux dispositions particulières et utilisé dans les limites géographiques et d’usage fixées par lesdites dispositions :

Les personnes non responsables de l’accident se trouvant à bord de l’aéronef assuré (y compris l’assuré, les représentants légaux de la personne morale propriétaire de l’aéronef assuré) à l’exclusion des membres d’équipage et/ou de leurs ayants droit, peuvent prétendre à une indemnité calculée à concurrence du préjudice justifié (le préjudice justifié inclura les prestations et débours des organismes sociaux et assurances subrogées) – et dans la limite de la garantie par passager fixée aux dispositions particulières. A ce titre, nous renonçons à nous prévaloir de toute disposition législative ou conventionnelle permettant de vous exonérer de votre responsabilité.

Pour bénéficier de cette clause de Responsabilité Civile Admise la victime ou ses ayants droit doivent :

— renoncer à tout recours à votre encontre, celle de vos préposé et de nous-même ; toute assignation de la part de l’une quelconque de ces personnes ayant vocation au règlement de cette indemnité, à quel titre que ce soit, fera perdre par le fait même le bénéfice de cette garantie et nous pourrons alors nous prévaloir de toute disposition législative ou conventionnelle excluant ou limitant votre responsabilité.

— se prévaloir de leur droit à indemnité dans un délai de deux ans à compter du jour de l’accident’.

AG Y font valoir que l’ensemble des conditions fixées par cette clause sont remplies : l’aéronef étant assuré auprès de la compagnie Allianz, était piloté par M. A, membre de l’aéroclub, était utilisé dans les zones géographiques et d’usage fixées, leur époux et père se trouvant à bord et n’étant pas responsable de l’accident mais que les restrictions y figurant ne peuvent leur être opposées du fait de leur nullité et inopposabilité à leur encontre n’étant pas informées de son existence car étant un tiers au contrat ; cependant la Cour constate que cette clause constitue une garantie complémentaire de la responsabilité civile dont elles ne peuvent se réclamer, les démarches fixées par cette clause, et ne pouvant être déclarées inopposable en application de l’article L.112-6 c.ass, n’ayant été effectuées ni dans leurs modalités ni dans les délais.

En conséquence, la Cour confirme le jugement querellé et condamne les consorts Y qui succombent aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand en date du 17 septembre 2013 ;

Condamne in solidum Mme K J AE Y, Mme Y S épouse Z et Mlle Y M aux entiers dépens de l’instance.

Le greffier, Le président,

C. Ceschin S. B