Vu la requête, enregistrée le 15 juin 2010, présentée pour la compagnie M…, […] :
1°) d’annuler le jugement n° 0714468/3-1 en date du 16 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 5 juillet 2007 par laquelle le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales lui a infligé une amende de 5 000 euros ;
2°) d’annuler la décision du 5 juillet 2007 susmentionnée ;
3°) d’ordonner à l’administration de lui rembourser la somme de 5 000 euros assortie des intérêts aux taux légal à compter de la date de perception de l’amende et de la capitalisation des intérêts ;
4°) à titre subsidiaire, de minorer le montant de l’amende et d’ordonner à l’administration de lui rembourser la somme correspondant à cette minoration assortie des intérêts aux taux légal à compter de la date de perception de l’amende et de la capitalisation des intérêts ;
5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
[…]
Considérant que, par une décision du 5 juillet 2007, le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales a infligé à la compagnie M… une amende de 5 000 euros, sur le fondement des dispositions de l’article L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, au motif que la compagnie aérienne avait débarqué le 28 octobre 2006 à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle M. X se disant Youssef Khoure, de nationalité indéterminée, en provenance de Beyrouth et démuni de document de voyage et qu’elle avait ainsi manqué à ses obligations de contrôle ; que la compagnie M… fait appel du jugement en date du 16 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de ladite décision ;
Sur les conclusions aux fins d’annulation :
Considérant qu’aux termes L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : Est punie d’une amende d’un montant maximum de 5 000 euros l’entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d’un autre Etat, un étranger non ressortissant d’un Etat de l’Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l’accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité / Est punie de la même amende l’entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque, dans le cadre du transit, un étranger non ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne et démuni du document de voyage ou du visa requis par la loi ou l’accord international qui lui est applicable compte tenu de sa nationalité et de sa destination ; qu’aux termes de l’article L. 625-2 du même code : Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l’un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d’Etat. Copie du procès-verbal est remise à l’entreprise de transport intéressée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par l’autorité administrative compétente. L’amende peut être prononcée autant de fois qu’il y a de passagers concernés. Son montant est versé au Trésor public par l’entreprise de transport. / L’entreprise de transport a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d’un mois sur le projet de sanction de l’administration. La décision de l’autorité administrative, qui est motivée, est susceptible d’un recours de pleine juridiction. / L’autorité administrative ne peut infliger d’amende à raison de faits remontant à plus d’un an ; qu’en vertu de l’article L. 625-5 de ce code, l’amende prévue à l’article L. 625-1 n’est pas infligée lorsque l’étranger a été admis sur le territoire français au titre d’une demande d’asile qui n’était pas manifestement infondée ou lorsque l’entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l’embarquement et qu’ils ne comportaient pas d’élément d’irrégularité manifeste ; qu’en application de l’article R. 625-1 dudit code, le procès-verbal mentionné au premier alinéa de l’article L. 625-2 est transmis au ministre chargé de l’immigration. Il comporte le nom de l’entreprise de transport, les références du vol ou du voyage concerné et l’identité des passagers au titre desquels la responsabilité de l’entreprise de transport est susceptible d’être engagée, en précisant, pour chacun d’eux, le motif du refus d’admission. Il comporte également, le cas échéant, les observations de l’entreprise de transport. Copie du procès-verbal est remise à son représentant, qui en accuse réception ; qu’enfin, aux termes de l’article R. 625-3 du code précité, le ministre chargé de l’immigration notifie à l’entreprise de transport, par lettre recommandée avec accusé de réception, le projet de sanction prévu au deuxième alinéa de l’article L. 625-2. L’entreprise de transport est invitée à faire valoir ses observations éventuelles dans le délai d’un mois à compter de cette notification. Le dossier est mis à sa disposition pendant ce délai. L’entreprise peut se faire délivrer copie à ses frais de tout ou partie de la procédure (…) ;
Considérant, en premier lieu, que la procédure contradictoire organisée par les dispositions précitées impose que l’entreprise de transport, au vu du procès-verbal qui lui est remis, soit mise à même de présenter utilement des observations sur les faits constatés par ce procès-verbal avant que le ministre chargé de l’immigration ne décide de lui notifier le projet de sanction puis, pendant le mois suivant sa notification, sur ce projet ; que cette procédure constitue ainsi une formalité substantielle dont la méconnaissance entache d’illégalité l’amende infligée sur le fondement de l’article L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que si le procès-verbal prévu par l’article L. 625-2 précité, qui a été établi le 28 octobre 2006, n’a pas été immédiatement remis dans les locaux de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle à l’un des représentants de la compagnie M…, il a en revanche été transmis au siège de cette société le 13 novembre 2006 par télécopie ; que le projet de la sanction en litige a été décidé le 28 mars 2007 ; que, dans ces conditions, compte tenu du délai séparant la remise du procès-verbal du projet de sanction, la compagnie M… a bien été mise à même de présenter, en temps utile, des observations sur les faits constatés par ce procès-verbal ; qu’il est par ailleurs constant que cette même société a pu utilement présenter des observations sur le projet de sanction dans le mois qui a suivi sa notification ; que la circonstance, à la supposer établie, que le procès-verbal n’ait pas été signé par la personne qui l’a dressé n’est pas, à elle-seule, de nature à entacher la procédure d’irrégularité dès lors que la compagnie aérienne a pu régulièrement prendre connaissance des constatations de faits qui y étaient relatés et présenter des observations sur ces faits ; que, par suite, la compagnie M… n’est pas fondée à soutenir que la procédure suivie a méconnu le respect des principes du contradictoire et des droits de la défense ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’il ne résulte pas de l’instruction, et notamment pas des déclarations que M. X se disant Youssef Khoure a faites lors de l’examen de sa demande d’asile du 31 octobre 2006, que le ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire a entaché d’illégalité la décision du 2 novembre 2006 rejetant la demande d’asile de l’intéressé comme manifestement infondée ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation, par la décision contestée, du 1° de l’article L. 625-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit être écarté ;
Considérant, en dernier lieu, qu’il appartient au juge administratif, saisi d’un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende sur le fondement des dispositions précitées du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, de statuer sur le bien-fondé de la décision contestée et de réduire, le cas échéant, le montant de l’amende infligée en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce ;
Considérant, d’une part, que les manquements des entreprises de transport aux obligations de contrôle qui leur incombent en application des dispositions précitées du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne constituent pas des contraventions ou des délits ; que, dès lors, les procès-verbaux constatant ces manquements n’entrent pas dans le champ d’application des articles 431 et 537 du code de procédure pénale ; qu’il ne ressort d’aucune autre disposition législative ou réglementaire, et notamment pas de la procédure contradictoire organisée préalablement à la décision d’infliger une amende, que ces procès-verbaux fassent foi jusqu’à preuve contraire ; qu’il appartient seulement à l’administration, lors de l’élaboration des procès-verbaux, de rechercher et de recueillir tous les éléments permettant de considérer que les entreprises de transport ont manqué à leurs obligations puis, dans le cadre de la procédure contradictoire qui se déroule ensuite, de permettre à l’administration de s’assurer de la réalité de ces manquements et d’estimer leur gravité et, enfin, le cas échéant, d’infliger une amende en prenant en compte l’ensemble des considérations de l’affaire et en particulier les éventuels observations et éléments produits par l’entreprise de transport ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’un lieutenant de police en fonction à la direction de la police de l’air et des frontières de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle a appréhendé le 28 octobre 2006 une personne démunie de document de voyage, qui a déclaré s’appeler Youssef Khoure, de nationalité indéterminée, et avoir été débarquée par la compagnie M… d’un vol arrivé le 28 octobre 2006 à 6 heures en provenance de Beyrouth ; que, sur la base de ces constatations, il a alors, le même jour à 7h30, dressé le procès-verbal prévu par l’article L. 625-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; que si la société requérante soutient, d’ailleurs de manière contradictoire, que M. X se disant Youssef Khoure a détruit ses documents de voyage après son embarquement à bord de l’avion et qu’elle n’a pas davantage assuré le débarquement de l’intéressée, elle ne produit toutefois aucun document, et notamment pas la liste des passagers du vol en cause ou une photocopie du document de voyage de l’intéressé, et ne fait état d’aucun élément qui serait sérieusement de nature à remettre en cause la réalité des faits constatés dans le procès-verbal établi le 28 octobre 2006 ; que, dans ces conditions, les faits ayant servi de fondement à l’amende doivent en l’espèce être regardés comme établis ; que, par suite, la société requérante est réputée avoir manqué aux obligations qui lui incombent en application de l’article L. 625-1 précité ;
Considérant, d’autre part, que si la compagnie M… fait valoir, pour demander une réduction de l’amende, sa bonne foi, l’absence de risques réels d’une immigration clandestine et l’aspect économique disproportionné de l’amende par rapport au prix du billet acquitté pour un voyage entre Beyrouth et Paris au tarif économique et à son chiffres d’affaires, ces éléments ne constituent pas des circonstances particulières de nature à permettre une réduction, en l’espèce, de l’amende ; qu’ainsi, compte tenu du caractère aisément décelable de l’irrégularité relevée, de l’absence de collaboration de la société avec les services de police au moment du débarquement ou de toute autre circonstance particulière, la société requérante n’est pas fondée à demander la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée par la décision contestée ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la compagnie M… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 5 juillet 2007 par laquelle le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales lui a infligé une amende de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 625-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Sur les conclusions aux fins d’injonction :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d’annulation présentées par la compagnie M…, n’appelle aucune mesure d’exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d’injonction, susvisées, présentées par la société requérante doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la compagnie M… la somme demandée par elle au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la compagnie M… est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la compagnie M… et au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.