Droit Aerien

Règlement (CE) n° 261/2004/Circonstances extraordinaires

Un impact de foudre sur un avion peut constituer une circonstance extraordinaire – CJUE, n° C-399/24, Arrêt de la Cour, AirHelp Germany GmbH contre Austrian Airlines AG, 16 octobre 2025

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Un impact de foudre, après lequel l’avion doit faire l’objet d’inspections de sécurité obligatoires, n’est pas intrinsèquement lié à son système de fonctionnement. Il n’est donc pas inhérent à l’exercice normal de l’activité de la compagnie aérienne concernée et échappe à la maîtrise effective de celle-ci. Aussi, constitue une circonstance extraordinaire un impact de foudre sur un avion avec lequel un vol devait être effectué lorsque cet impact a entraîné des inspections de sécurité obligatoires qui ont conduit à la remise en service tardive de l’avion.

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

16 octobre 2025 (*)

« Renvoi préjudiciel – Transports aériens – Règlement (CE) no 261/2004 – Indemnisation des passagers aériens en cas de retard important d’un vol – Conditions – Article 5, paragraphe 3 – Notion de “circonstances extraordinaires” – Notion de “mesures raisonnables” pour obvier à une circonstance extraordinaire ou aux conséquences d’une telle circonstance – Aéronef frappé par la foudre lors du vol précédent et soumis, en conséquence, à une inspection obligatoire »

Dans l’affaire C‑399/24,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg, Autriche), par décision du 16 avril 2024, parvenue à la Cour le 7 juin 2024, dans la procédure

AirHelp Germany GmbH

contre

Austrian Airlines AG,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, Mme O. Spineanu-Matei, MM. S. Rodin, N. Piçarra (rapporteur) et N. Fenger, juges,

avocat général : M. A. Biondi,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour AirHelp Germany GmbH, par Me E. Stanonik-Palkovits, Rechtsanwältin,

– pour Austrian Airlines AG, par Mes M. Brenner et M. Klemm, Rechtsanwälte,

– pour la Commission européenne, par M. G. von Rintelen et Mme N. Yerrell, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 3, du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91 (JO 2004, L 46, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant AirHelp Germany GmbH (ci-après « AirHelp ») à Austrian Airlines AG au sujet du refus de cette dernière d’indemniser un passager dont le vol avec correspondance a subi un retard important.
Cadre juridique

Le cadre juridique

3 Les considérants 1, 14 et 15 du règlement no 261/2004 énoncent :

« (1) L’action de la Communauté [européenne] dans le domaine des transports aériens devrait notamment viser à garantir un niveau élevé de protection des passagers. Il convient en outre de tenir pleinement compte des exigences de protection des consommateurs en général.

[…]

(14) Tout comme dans le cadre de la convention [pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, conclue à Montréal le 28 mai 1999 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2001/539/CE du Conseil, du 5 avril 2001 (JO 2001, L 194, p. 38)], les obligations des transporteurs aériens effectifs devraient être limitées ou leur responsabilité exonérée dans les cas où un événement est dû à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises. De telles circonstances peuvent se produire, en particulier, en cas d’instabilité politique, de conditions météorologiques incompatibles avec la réalisation du vol concerné, de risques liés à la sécurité, de défaillances imprévues pouvant affecter la sécurité du vol, ainsi que de grèves ayant une incidence sur les opérations d’un transporteur aérien effectif.

(15) Il devrait être considéré qu’il y a circonstance extraordinaire, lorsqu’une décision relative à la gestion du trafic aérien concernant un avion précis pour une journée précise génère un retard important, un retard jusqu’au lendemain ou l’annulation d’un ou de plusieurs vols de cet avion, bien que toutes les mesures raisonnables aient été prises par le transporteur aérien afin d’éviter ces retards ou annulation. »

4 L’article 5 de ce règlement, intitulé « Annulations », prévoit, à ses paragraphes 1 et 3 :

« 1. En cas d’annulation d’un vol, les passagers concernés :

[…]

c) ont droit à une indemnisation du transporteur aérien effectif conformément à l’article 7, à moins qu’ils soient informés de l’annulation du vol :

[…]

iii) moins de sept jours avant l’heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt une heure avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de deux heures après l’heure prévue d’arrivée.

[…]

3. Un transporteur aérien effectif n’est pas tenu de verser l’indemnisation prévue à l’article 7 s’il est en mesure de prouver que l’annulation est due à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises. »

5 L’article 7 dudit règlement, intitulé « Droit à indemnisation », dispose, à son paragraphe 1 :

« Lorsqu’il est fait référence au présent article, les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à :

[…]

b) 400 euros pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1 500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1 500 à 3 500 kilomètres ;

[…] »
Litige au principal

Le litige au principal et la question préjudicielle

6 Un passager disposait d’une réservation unique confirmée auprès d’Austrian Airlines pour un vol avec correspondance au départ de Iași (Roumanie) et à destination de Londres-Heathrow (Royaume-Uni), via Vienne (Autriche). Le premier vol composant cet itinéraire avec correspondance, qui devait arriver à Vienne le 8 mars 2022, à 15 h 50, n’a atteint sa destination qu’à 22 h 53, soit avec un retard de plus de sept heures. En conséquence de ce retard, ce passager a manqué son vol de correspondance et n’a atteint Londres-Heathrow, sa destination finale, que le lendemain matin.

7 L’aéronef initialement prévu pour effectuer le vol reliant Iași à Vienne avait, lors de son vol précédent, ce même 8 mars 2022, peu avant son atterrissage à Iași, sous des nuages d’orage, été frappé par la foudre. À la suite d’une première inspection de sécurité, obligatoire après un tel événement, les techniciens ont constaté l’endommagement visible d’un instrument situé à l’extérieur de cet aéronef, essentiel pour la sécurité du vol et qui sert notamment à mesurer la pression atmosphérique. Ce constat a entraîné une inspection de sécurité approfondie obligatoire de cet aéronef et, en conséquence, l’immobilisation au sol de celui-ci pour une durée indéterminée.

8 Dans ces conditions, Austrian Airlines a décidé d’affréter, le même jour, un aéronef de remplacement depuis Vienne afin d’opérer le vol en cause quoiqu’avec plusieurs heures de retard. Entretemps, à Iași, environ 40 minutes avant le décollage de cet aéronef de Vienne à 19 h 41, les techniciens ont autorisé l’aéronef endommagé par la foudre à voler à nouveau uniquement vers Vienne, afin d’y être soumis à une inspection plus approfondie dès son arrivée.

9 Le passager concerné par le retard a cédé la créance potentielle née de ce retard à AirHelp, qui a saisi le Bezirksgericht Schwechat (tribunal de district de Schwechat, Autriche) d’un recours tendant à obtenir d’Austrian Airlines l’indemnisation de 400 euros visée à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004. Devant cette juridiction, AirHelp a soutenu, d’une part, que la foudre ne constitue pas une circonstance extraordinaire, susceptible d’exonérer un transporteur aérien effectif de son obligation de verser l’indemnisation prévue par ce règlement, et, d’autre part, qu’Austrian Airlines n’avait pas pris toutes les mesures raisonnables pour acheminer le passager concerné à sa destination finale dans les meilleurs délais.

10 En revanche, selon Austrian Airlines, tant les dommages causés à l’aéronef par la foudre qui l’a frappé que l’inspection de sécurité obligatoire dont cet aéronef a fait l’objet en conséquence étaient inhabituels et, dans cette mesure, « non planifiables ni influençables », de sorte qu’ils devraient être qualifiés de « circonstances extraordinaires », au sens de l’article 5, paragraphe 3, de ce règlement. En tout état de cause, en choisissant d’affréter un aéronef de remplacement, Austrian Airlines aurait assuré le réacheminement le plus rapide du passager concerné de Iași à sa destination finale et, partant, aurait pris toutes les mesures raisonnables pour remédier au retard.

11 Par un jugement du 30 octobre 2023, le Bezirksgericht Schwechat (tribunal de district de Schwechat) a rejeté le recours d’AirHelp en considérant, notamment, que la foudre doit être qualifiée de « circonstance extraordinaire », au sens de cet article 5, paragraphe 3. Selon cette juridiction, un lien de causalité suffisant pouvait être établi entre, d’une part, la foudre qui a frappé l’aéronef ayant assuré le vol précédent et devant assurer également le vol Iași-Vienne et, d’autre part, le retard subi par le passager concerné. Ladite juridiction a aussi considéré que, dès lors que l’affrètement d’un aéronef de remplacement avait permis à Austrian Airlines d’éviter l’annulation du vol Iași-Vienne, qui a finalement eu lieu, bien que retardé, le jour même, il était raisonnable de ne pas procéder une nouvelle fois à un changement d’aéronef au profit de celui endommagé par la foudre, qui, dans les faits, avait été autorisé à voler à nouveau dès 19 h 00.

12 Le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg, Autriche), devant lequel AirHelp a interjeté appel de ce jugement et qui est la juridiction de renvoi, estime que la solution du litige qu’il doit trancher dépend de la clarification, par la Cour, de la question de savoir si la foudre constitue en principe une circonstance extraordinaire, au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 261/2004. Cette juridiction explique que, si la foudre devait être qualifiée de circonstance extraordinaire, elle serait tenue d’examiner, à titre complémentaire, si Austrian Airlines a pris toutes les mesures raisonnables afin d’éviter le retard subi par le passager concerné.

13 Ladite juridiction précise, en outre, que, conformément à sa jurisprudence constante, la foudre constitue une circonstance extraordinaire, au sens de cet article 5, paragraphe 3. Elle envisage, toutefois, de se départir éventuellement de cette jurisprudence, qui n’est pas partagée par d’autres juridictions autrichiennes, en admettant que l’état de l’atmosphère est inhérent à l’exercice normal de l’activité des transporteurs aériens et que, par conséquent, des conditions atmosphériques instables, y compris des éclairs, ainsi que les dommages aux aéronefs qui en découlent pourraient relever de la sphère de responsabilité de ces transporteurs, à la différence d’une collision avec un volatile, qualifiée de circonstance extraordinaire par la Cour au point 24 de l’arrêt du 4 mai 2017, Pešková et Peška (C‑315/15, EU:C:2017:342).

14 Dans ces conditions, le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 5, paragraphe 3, du règlement [no 261/2004] doit-il être interprété en ce sens qu’il existe une “circonstance extraordinaire” lorsque l’aéronef avec lequel un vol devait être effectué a été frappé par la foudre lors du vol l’ayant immédiatement précédé, ce qui a conduit à le soumettre à un examen de contrôle de sécurité obligatoire par des techniciens certifiés qui a eu pour conséquence que cet aéronef n’a été autorisé à être remis en service qu’environ cinq heures après le départ prévu ? »
Questions Préjudicielles

Sur la question préjudicielle

15 Par sa question unique, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens que la notion de « circonstances extraordinaires », visée à cette disposition, couvre un impact de foudre sur un aéronef avec lequel un vol devait être effectué, ce qui a entraîné des inspections de sécurité obligatoires de cet aéronef qui ont conduit à la remise en service tardive de celui-ci.

16 Aux termes de l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 261/2004, un transporteur aérien effectif n’est pas tenu de verser l’indemnisation prévue à l’article 7 de ce règlement s’il est en mesure de prouver que l’annulation du vol est due à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises.

17 Selon une jurisprudence constante, cet article 5, paragraphe 3, s’applique également lorsque les passagers subissent, à l’arrivée, un retard important de leur vol, c’est‑à-dire d’une durée égale ou supérieure à trois heures. Partant, cette disposition permet aux transporteurs aériens d’invoquer des circonstances extraordinaires en cas d’un tel retard en vue de s’exonérer du paiement de l’indemnisation demandée au titre de l’article 7 du règlement no 261/2004 [voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2022, SATA International – Azores Airlines (Défaillance du système de ravitaillement en carburant), C‑308/21, EU:C:2022:533, point 19 et jurisprudence citée].

18 Dès lors que ledit article 5, paragraphe 3, constitue une dérogation au principe du droit à indemnisation des passagers, et compte tenu de l’objectif poursuivi par le règlement no 261/2004 qui est d’assurer, ainsi qu’il ressort du considérant 1 de celui-ci, un niveau élevé de protection des passagers, la notion de circonstances extraordinaires doit faire l’objet d’une interprétation stricte [arrêt du 13 juin 2024, D. (Vice de conception du moteur), C‑411/23, EU:C:2024:498, point 26 et jurisprudence citée].

19 La Cour a déjà jugé qu’un transporteur aérien effectif peut, en vue de s’exonérer de son obligation d’indemnisation des passagers en cas de retard important ou d’annulation d’un vol, se prévaloir d’une circonstance extraordinaire ayant affecté un vol précédent opéré par lui-même au moyen du même aéronef, à condition qu’il existe un lien de causalité directe entre la survenance de cette circonstance et le retard ou l’annulation du vol ultérieur (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2020, Transportes Aéreos Portugueses, C‑74/19, EU:C:2020:460, points 53 et 54).

20 La notion de « circonstances extraordinaires » visée à l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 261/2004 désigne des événements qui, par leur nature ou leur origine, ne sont pas inhérents à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappent à la maîtrise effective de celui-ci, ces deux conditions étant cumulatives et leur respect devant faire l’objet d’une appréciation au cas par cas [arrêt du 11 mai 2023, TAP Portugal (Décès du copilote), C‑156/22 à C‑158/22, EU:C:2023:393, point 18 et jurisprudence citée].

21 Le considérant 14 du règlement no 261/2004, à la lumière duquel l’article 5, paragraphe 3, de ce règlement doit être lu, précise que des circonstances extraordinaires peuvent se produire, en particulier, en cas d’instabilité politique, de conditions météorologiques incompatibles avec la réalisation du vol concerné, de risques liés à la sécurité, de défaillances imprévues pouvant affecter la sécurité du vol, ainsi que de grèves ayant une incidence sur les opérations d’un transporteur aérien effectif.

22 En l’occurrence, s’agissant, tout d’abord, de la première des deux conditions cumulatives rappelées au point 20 du présent arrêt, il importe de relever qu’un événement tel qu’un impact de foudre sur un aéronef, qui a entraîné des inspections de sécurité obligatoires de celui-ci, ne saurait être considéré comme inhérent à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien au seul motif que l’état de l’atmosphère est inhérent à cet exercice et que les aéronefs sont conçus de manière à pouvoir résister aux impacts de foudre. Partant, un tel événement ne saurait, pour ces seules raisons, être exclu de la notion de « circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises », au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 261/2004, lu à la lumière du considérant 14 de ce règlement.

23 En effet, le législateur de l’Union a, à ce considérant, inclus dans la notion de « circonstances extraordinaires » les « conditions météorologiques incompatibles avec la réalisation du vol concerné », dont relève notamment le risque de foudroiement d’un aéronef.

24 Il y a lieu, dans ce contexte, de relever que l’impact de foudre est, par sa nature, comparable à une collision avec un corps étranger tel qu’un volatile, qualifié de circonstance extraordinaire par la Cour, au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 261/2004 (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2017, Pešková et Peška, C‑315/15, EU:C:2017:342, point 24).

25 De surcroît, lorsque l’aéronef qui est frappé par la foudre doit être soumis à des inspections de sécurité, qu’il ait été endommagé ou non, de telles inspections, qui trouvent leur origine exclusive dans l’impact de foudre, ne peuvent être considérées comme étant intrinsèquement liées au système de fonctionnement de l’appareil, même si ce système est conçu pour résister à la foudre (voir, par analogie, arrêts du 4 mai 2017, Pešková et Peška, C‑315/15, EU:C:2017:342, point 25, et du 4 avril 2019, Germanwings, C‑501/17, EU:C:2019:288, point 24).

26 À cet égard, un impact de foudre sur un aéronef, rendant obligatoires, en conséquence, des inspections de sécurité, se distingue notamment de la défaillance prématurée même inopinée de certaines pièces d’un aéronef, laquelle constitue, en principe, un événement intrinsèquement lié au système de fonctionnement de cet aéronef (voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2019, Germanwings, C‑501/17, EU:C:2019:288, points 21 et 24 ainsi que jurisprudence citée).

27 Partant, il y a lieu de constater que l’impact de foudre sur un aéronef, qui a entraîné des inspections de sécurité obligatoires de celui-ci, remplit la première des deux conditions cumulatives pour être qualifié de « circonstances extraordinaires », au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 261/2004.

28 S’agissant, ensuite, de la seconde condition, relative à l’absence de maîtrise des circonstances invoquées par le transporteur aérien, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les événements dont l’origine est « interne » doivent être distingués de ceux dont l’origine est « externe » au transporteur aérien effectif (voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2021, Airhelp, C‑28/20, EU:C:2021:226, point 39).

29 Relèvent ainsi de la notion d’« événements externes » ceux qui résultent de l’activité du transporteur aérien et de circonstances extérieures, plus ou moins fréquentes en pratique, mais que le transporteur aérien ne maîtrise pas, parce qu’elles ont pour origine un fait naturel ou celui d’un tiers (voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2021, Airhelp, C‑28/20, EU:C:2021:226, point 41).

30 Dans ce contexte, la fréquence de l’événement en cause n’est pas en soi un élément de nature à permettre de conclure à la présence ou non de « circonstances extraordinaires », au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 261/2004 (voir, par analogie, arrêt du 22 décembre 2008, Wallentin-Hermann, C‑549/07, EU:C:2008:771, points 36 et 37).

31 Au regard de ce qui précède, l’impact de foudre sur un aéronef, qui a entraîné des inspections de sécurité obligatoires de celui-ci, doit être considéré comme un événement qui trouve son origine dans un fait naturel qui échappe à la maîtrise effective du transporteur aérien concerné (voir, par analogie, arrêt du 4 avril 2019, Germanwings, C‑501/17, EU:C:2019:288, point 26).

32 Il s’ensuit que la seconde condition cumulative pour qu’il y ait « circonstances extraordinaires », au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 261/2004, est également remplie.

33 Il importe, à cet égard, de relever que la qualification d’un tel impact de foudre de « circonstance extraordinaire », au sens de cet article 5, paragraphe 3, permet d’assurer l’impératif de sécurité des passagers à bord d’un aéronef, qui est un objectif poursuivi par le règlement no 261/2004, ainsi qu’il est spécifié au considérant 1 de celui-ci, et qui implique de ne pas inciter les transporteurs aériens à s’abstenir de prendre les mesures requises en faisant prévaloir le maintien et la ponctualité de leurs vols sur un tel impératif de sécurité [voir, en ce sens, arrêts du 4 mai 2017, Pešková et Peška, C‑315/15, EU:C:2017:342, point 25 ; du 4 avril 2019, Germanwings, C‑501/17, EU:C:2019:288, point 28, ainsi que du 13 juin 2024, Finnair (Vice de conception de la jauge du carburant), C‑385/23, EU:C:2024:497, point 38].

34 S’agissant des « mesures raisonnables », au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 261/2004, lu à la lumière du considérant 14 de celui-ci, qu’un tel transporteur aurait dû prendre pour éviter la survenance de circonstances extraordinaires, en tant que condition pour s’exonérer de l’obligation de verser au passager concerné l’indemnisation prévue à l’article 7 du règlement no 261/2004, il est de jurisprudence constante que seules doivent être prises en considération les mesures pouvant lui incomber, à condition que, aux plans notamment technique et administratif, de telles mesures puissent effectivement être adoptées, directement ou indirectement, sans lui imposer des sacrifices insupportables au regard des capacités de son entreprise, et que, dans ce cas, ledit transporteur ait démontré que ces mesures ont été prises (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2017, Pešková et Peška, C‑315/15, EU:C:2017:342, point 48).

35 À cet égard, il importe de relever que, si des mesures préventives, telles des mesures de contournement des zones orageuses, permettent d’éviter les impacts de foudre, il est particulièrement difficile, en dépit des données météorologiques et des itinéraires modernes, et comme le relève Austrian Airlines dans sa réponse aux questions écrites posées par la Cour, de totalement exclure de traverser certaines de ces zones.

36 S’agissant, par ailleurs, des « mesures raisonnables », au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 261/2004, lu à la lumière du considérant 15 de celui-ci, qu’un transporteur aérien aurait dû prendre afin d’éviter les retards ou annulation de vols qui sont la conséquence de circonstances extraordinaires n’ayant pas pu être évitées par des mesures raisonnables telles que mentionnées au point 34 du présent arrêt, il est de jurisprudence constante qu’un transporteur aérien dont le vol a subi un retard important ou a été annulé en raison de la survenance de telles circonstances doit encore établir, afin de s’exonérer de l’obligation d’indemnisation prévue à l’article 7 du règlement no 261/2004, que, même en mettant en œuvre tous les moyens en personnel ou en matériel et les moyens financiers dont il disposait, il n’aurait manifestement pas pu, sauf à consentir des sacrifices insupportables au regard des capacités de son entreprise au moment pertinent, éviter que ces circonstances auxquelles il était confronté conduisent à l’annulation ou à un retard important de ce vol (voir, en ce sens, arrêts du 4 mai 2017, Pešková et Peška, C‑315/15, EU:C:2017:342, points 28 et 29, ainsi que du 4 avril 2019, Germanwings, C‑501/17, EU:C:2019:288, point 19).

37 Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, compte tenu de l’ensemble des circonstances du litige au principal et des éléments de preuve apportés par le transporteur aérien concerné, si celui-ci a, sauf à consentir des sacrifices insupportables au regard des capacités de son entreprise au moment pertinent, adopté de telles mesures, notamment en mettant en œuvre tous les moyens à sa disposition pour assurer un réacheminement raisonnable, satisfaisant et dans les meilleurs délais du passager affecté par un retard important ou une annulation de vol, conformément, en particulier, à l’objectif consistant à garantir un niveau élevé de protection des passagers, visé au considérant 1 de ce règlement [voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2022, SATA International – Azores Airlines (Défaillance du système de ravitaillement en carburant), C‑308/21, EU:C:2022:533, point 27 et jurisprudence citée].

38 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens que la notion de « circonstances extraordinaires », visée à cette disposition, couvre un impact de foudre sur un aéronef avec lequel un vol devait être effectué, ce qui a entraîné des inspections de sécurité obligatoires de cet aéronef, qui ont conduit à la remise en service tardive de celui-ci.

Sur les dépens

39 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

L’article 5, paragraphe 3, du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91,

doit être interprété en ce sens que :

la notion de « circonstances extraordinaires », visée à cette disposition, couvre un impact de foudre sur un aéronef avec lequel un vol devait être effectué, ce qui a entraîné des inspections de sécurité obligatoires de cet aéronef, qui ont conduit à la remise en service tardive de celui-ci.