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Péril aviaire

Péril aviaire survenu au décollage  – qualification couloir aérien: ouvrage public (non) – responsabilité pour faute de l’Etat et de l’exploitant d’aérodrome (non) – CAA Versailles 10 juin 2010, n°09VE00486 – rejet ide la demande d’indemnisation – Cour administrative d’appel de Versailles 10 juin 2010, Requête N° 09VE00486

 

 

Cour Administrative d’Appel de Versailles

 

N° 09VE00486

Inédit au recueil Lebon

2ème Chambre

 

Mme TANDONNET-TUROT, président

M. Jean-Eric SOYEZ, rapporteur

Mme KERMORGANT, commissaire du gouvernement

CHEVRIER & PRETNAR AVOCATS, avocat

 

 

lecture du jeudi 10 juin 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Vu la requête, enregistrée le 14 février 2009 au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles, présentée pour le GIE LA REUNION AERIENNE, dont le siège est 50, rue Ampère, à Paris (75017), la SOCIETE EURALAIR INTERNATIONAL, représentée par son gérant en exercice, dont le siège est Aéroport de Paris-Le Bourget, zone d’aviation et d’affaires, à Bonneuil-en-France (95500), la SOCIETE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, représentée par son représentant légal, dont le siège est 4, rue Jules Lefebvre, à Paris (75009) et la SOCIETE ASSURANCE FRANCE AVIATION, représentée par son président-directeur général, dont le siège est 46, rue Notre-Dame-des-Victoires, à Paris (75002), par Me Marian ; le GIE LA REUNION AERIENNE, la SOCIETE EURALAIR INTERNATIONAL, la SOCIETE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et la SOCIETE ASSURANCE FRANCE AVIATION demandent à la Cour :

 

1°) d’annuler le jugement n° 0307214 du 4 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de l’Etat et de la société Aéroports de Paris à verser en réparation du préjudice résultant de l’accident survenu le 6 juillet 1999 à l’aéronef Boeing 737-200, la somme de 382 461,96 euros au GIE LA REUNION AERIENNE, la somme de 320 592,40 euros à la SOCIETE EURALAIR INTERNATIONAL, la somme de 153 788,44 euros à la SOCIETE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et la somme de 38 447,10 euros à la SOCIETE ASSURANCE FRANCE AVIATION, indemnités majorées des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2001 ;

2°) de leur accorder lesdites indemnités ;

3°) de mettre à la charge conjointe et solidaire de l’Etat et de la société Aéroports de Paris la somme de 7 622,45 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

(…)

 

Considérant que le GIE LA REUNION AERIENNE, la SOCIETE EURALAIR INTERNATIONAL, la SOCIETE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et la SOCIETE ASSURANCE FRANCE AVIATION relèvent appel du jugement du 4 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de l’Etat et de la société Aéroports de Paris à leur verser une indemnité en réparation du préjudice résultant de l’accident survenu le 6 juillet 1999 à l’aéronef Boeing 737-200 affrété par la société EURALAIR pour le vol Paris-Hassi-Messaoud (Algérie), ayant pour origine la collision de nombreux goélands et mouettes avec le réacteur droit de l’appareil ;

 

Sur le désistement :

 

Considérant que le désistement du GIE LA REUNION AERIENNE est pur et simple ; que rien ne s’oppose à ce qu’il en soit donné acte ;

 

Sur la régularité du jugement attaqué :

 

Considérant qu’à l’appui de leurs demandes indemnitaires, la SOCIETE EURALAIR INTERNATIONAL, la SOCIETE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et la SOCIETE ASSURANCE FRANCE AVIATION invoquaient, en première instance, le défaut d’entretien du couloir aérien, de la piste de décollage 07/25 et de la zone aéroportuaire du Bourget dans son ensemble ; qu’un couloir aérien ne constituant pas un ouvrage public, faute de tout aménagement matériel, comme l’ont estimé à bon droit les premiers juges, les requérantes ne pouvaient utilement se prévaloir, sur le terrain du dommage de travaux publics, de la présence de volatiles dans les voies aériennes ; que, toutefois, motivée comme il vient d’être dit, leur demande mettait également en jeu l’état de l’ouvrage public que constituent ladite piste et l’emprise de l’aéroport du Bourget ; que, cependant, l’accident mentionné ci-dessus étant survenu en phase d’ascension, et non alors que l’avion était encore en contact avec la piste de décollage, les requérantes ne pouvaient davantage invoquer utilement l’état d’entretien de cette dernière, ni celui de la zone aéroportuaire en général ; que, par suite, les premiers juges n’étaient pas tenus de répondre à ce moyen, qui était inopérant ; qu’ainsi, le jugement attaqué n’est pas entaché d’irrégularité ;

 

Au fond :

 

En ce qui concerne le défaut d’entretien du domaine public :

 

Considérant que, pour les motifs qui viennent d’être énoncés, les moyens soulevés sur le terrain du dommage de travaux publics ne peuvent qu’être écartés ;

 

En ce qui concerne la faute dans le service de prévention et de lutte contre le péril aviaire :

 

Considérant qu’aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (…) ; qu’en vertu des dispositions de l’article L. 213-2 du code de l’aviation civile, la police des aérodromes est assurée par le préfet ; qu’aux termes de l’article L. 213-3 du code de l’aviation civile, issu de l’article 1er de la loi du 12 décembre 1998 relative à l’organisation de certains services de transport aérien : Les aérodromes assurent, suivant des normes techniques définies par l’autorité administrative, le sauvetage et la lutte contre les incendies d’aéronefs, ainsi que la prévention du péril aviaire. (…) Sous l’autorité des titulaires du pouvoir de police mentionnés à l’article L. 213-2, l’exploitant d’aérodrome assure l’exécution des services en cause (…) ; qu’en vertu des dispositions de l’article L. 251-2 de ce code, la société Aéroports de Paris a, notamment, la charge de l’aménagement, de l’exploitation et du développement de l’aéroport de Paris-le Bourget ; qu’aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 24 juillet 1989 relatif à la prévention du péril aviaire aux abords des aérodromes : Le service de prévention du péril aviaire est un service rendu sous la responsabilité de l’Etat sur les aérodromes (…) ; qu’aux termes de l’article 2 du même arrêté : L’importance de la protection à assurer est avant tout liée à la probabilité d’un accident d’aéronef pouvant résulter de la collision avec des oiseaux durant les phases de décollage et d’atterrissage. Cette probabilité et les risques encourus sont fonction pour l’essentiel des caractéristiques de la situation ornithologique locale, du volume du trafic et des types d’aéronefs fréquentant l’aérodrome. (…) ; qu’aux termes de l’article 6 du même arrêté : Le service de prévention du péril aviaire est rendu pendant les horaires de fonctionnement de l’organisme de la circulation aérienne de l’aérodrome à l’exclusion de la période nocturne ;

 

Considérant que seule la SOCIETE EURALAIR INTERNATIONAL a présenté un recours préalable en indemnisation du préjudice litigieux, par lettre du 23 février 2001 ; que, dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée à titre principal, en première instance, par le ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et par la société Aéroports de Paris aux prétentions de la SOCIETE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et de la SOCIETE ASSURANCE FRANCE AVIATION doit être accueillie ;

 

Considérant que, d’une part, en application des dispositions précitées, la SOCIETE EURALAIR INTERNATIONAL peut rechercher solidairement la responsabilité de l’Etat et de la société Aéroports de Paris sur le terrain de la faute dans le service de prévention et de lutte contre le péril aviaire ; que, d’autre part, il résulte des dispositions de l’arrêté du 24 juillet 1989 et des prévisions de l’instruction prise pour son application que ce service requiert, pour un aéroport classé en catégorie D, classement correspondant à un degré important d’exposition au péril aviaire, comme l’est l’aéroport de Paris-Le Bourget, des mesures destinées à rendre l’emprise aéroportuaire inhospitalière aux oiseaux, une lutte contre ce péril pendant six mois de l’année, des moyens humains, soit un coordonnateur local, un agent d’exécution en permanence et un autre disponible sur demande, des moyens matériels, soit un générateur de cris de détresse, des pistolets à fusées crépitantes, des fusils à calibre 12 ou 16 avec des cartouches de plomb, une rampe fixe émettant des cris de détresse télécommandée par des bruiteurs, et, enfin, un système d’information des équipages ;

 

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société Aéroports de Paris veille à la suppression du couvert, en ordonnant l’abattage d’arbres et d’autres végétaux susceptibles de servir de reposoir aux oiseaux et en édictant des règles strictes de fauchage ; qu’elle contrôle les points d’eau, en exigeant leur assèchement ou leur couverture par des filets, et s’est, notamment, opposée à la création d’un plan d’eau sur le plateau des Gonesse ; qu’elle a réduit les sources de nourriture, en poursuivant la mise en jachère dans l’emprise aéroportuaire, en limitant les décharges d’ordures ménagères, en interdisant les cultures favorites des oiseaux et en réglementant les labours ; qu’ainsi, elle avait pris les mesures de prévention propres à rendre inhospitalière la zone aéroportuaire ;

 

Considérant qu’il est constant que l’aéroport était en état de lutte contre le péril aviaire le jour de l’accident ; qu’il résulte des procès-verbaux dressés au cours de l’enquête de gendarmerie que les haut-parleurs/bruiteurs fixes destinés à effaroucher les oiseaux fonctionnaient normalement et s’étaient automatiquement déclenchés à 4h00 en temps universel ; que l’agent d’exécution du service de lutte contre le péril aviaire était à son poste, depuis 5h35, équipé de fusées au moyen desquelles il a chassé, comme il a été dit, cinq goélands de la piste 07/25 ; qu’en se bornant à contester l’efficacité des bruiteurs fixes et à alléguer l’insuffisance globale de dotations affectées au service de lutte contre le péril aviaire, la société requérante n’établit pas que les prescriptions en la matière de l’arrêté du 24 juillet 1989 ainsi que les prévisions de l’instruction prise pour son application n’étaient pas respectées le jour de l’accident ;

 

Considérant que, si l’agent du service de lutte contre le péril aviaire n’a pas averti le contrôle aérien et l’équipage de la présence de cinq goélands, une dizaine de minutes avant le décollage, il n’est pas contesté que ces oiseaux ont été mis en fuite aussitôt ; qu’ainsi, cette circonstance était sans rapport avec le vol massif de goélands lors de la phase d’ascension de l’avion ; que, par ailleurs, au moment du décollage, ni cet agent, qui était resté sur place sur son taxi-way, ni aucun des acteurs n’ont aperçu sur la piste, à ses abords ou en surplomb, d’autres volatiles ; qu’aucun survol important de goélands n’avait été relevé les jours précédents ; que, dans ces conditions, il n’apparaît pas que l’exécution du service de lutte contre le péril aviaire soit entachée de négligence ;

 

Considérant qu’il suit de là qu’aucune faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ou de la société Aéroports de Paris ne peut être reprochée au service de lutte contre le péril aviaire ;

 

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE EURALAIR INTERNATIONAL, la SOCIETE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et la SOCIETE ASSURANCE FRANCE AVIATION ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort, que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande ;

 

(…)

 

DÉCIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête du GIE LA REUNION AERIENNE.

 

Article 2 : La requête de la SOCIETE EURALAIR INTERNATIONAL, de la SOCIETE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et de la SOCIETE ASSURANCE FRANCE AVIATION est rejetée.

 

(…)

 

 

NOTRE COMMENTAIRE

Conforme à la jurisprudence du Conseil d’Etat qui ne reconnaît pas les couloirs aériens comme des ouvrages publics (CE 2 décembre 1987 Compagnie Air inter, 65517).